Hier soir, à 20h, a eu lieu la messe d’ouverture des Journées mondiales de la jeunesse au Parc Eduardo VII, présidée par le cardinal Manuel Clemente, patriarche de Lisbonne. L’Évangile repris lors de cette messe était celle de la Visitation (cf. Lc 1, 39-56), thème de ces JMJ. Nous reprenons dans son intégralité le texte de l’homélie du cardinal Clemente.
Très chers amis venus du monde entier pour les Journées mondiales de la jeunesse Lisbonne 2023,
Bienvenue à tous ! Bienvenue également dans cette démarche œcuménique, interreligieuse et de bonne volonté que ces journées revêtent et rassemblent. Je souhaite que vous vous sentiez « à la maison », dans cette maison commune dans laquelle nous vivrons les JMJ. Bienvenue !
La messe que nous célébrons, dans l’attente de la venue de notre cher pape François, est celle de la Visitation de Notre-Dame, qui rejoint le thème général de ces JMJ : Marie se leva et s’en alla en hâte à la rencontre d’Élisabeth. C’est un passage de l’Évangile qui nous inclut, nous aussi.
Nous venons de l’entendre : « En ces jours-là, Marie se mit en route et se rendit avec empressement vers la région montagneuse, dans une ville de Judée. Elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. »
Elle se mit en route, se rendit avec empressement vers la région montagneuse, elle entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth. Trois points sur lesquels je m’arrêterai brièvement, dans cette parole inaugurale.
Marie se mit en route. Un voyage difficile et sans les moyens de transport dont nous disposons aujourd’hui. Et, comme vous, elle était jeune ; cela faisait peu de temps qu’elle avait conçu Jésus de la manière que rapporte l’Évangile.
Vous aussi, vous vous êtes mis en route. Pour beaucoup d’entre vous, le chemin a été difficile à cause de la distance, des correspondances et des coûts que le voyage a suscités. Il a fallu rassembler des ressources financières, développer des activités pour les obtenir et compter sur une solidarité qui, grâce à Dieu, ne vous a pas fait défaut.
Venant de loin ou de plus près, vous vous êtes mis en route. Il est très important de se mettre en route. C’est ainsi que nous devons envisager notre propre vie, comme un chemin à parcourir, en faisant de chaque jour une nouvelle étape.
Il est vrai que beaucoup de choses peuvent vous arrêter, chers amis, avec la possibilité de remplacer la réalité véritable, la seule qui rejoint la route des autres, telle qu’elle est réellement, par l’apparence virtuelle d’un monde à la carte. Un monde à la carte, accessible devant un écran et dépendant d’un clic qui peut le transformer en un monde différent.
Le virtuel nous maintient assis, devant des moyens qui nous utilisent facilement alors que c’est nous qui pensons les utiliser. Bien au contraire, la réalité consiste à nous mettre en route, à la rencontre des autres et du monde tel qu’il est, tant pour l’admirer que pour le rendre meilleur.
Soyons reconnaissants envers les moyens de communication car ils nous ouvrent la possibilité de mieux nous connaître, nous, les autres et le monde. Nous vivons médiatiquement et nous ne saurions plus vivre d’une autre manière. Nous pouvons compter sur le soutien de ces outils, mais ne nous dispensons pas de cheminer par nous-mêmes, d’être directement en contact avec la réalité qui nous touche et qui touche tout le monde, ni de la vérifier directement.
Cela a valu la peine de parcourir le chemin que vous avez parcouru pour venir ici et de vous rencontrer pendant ces journées, dans la diversité que vous représentez et dans la qualité que vous apportez, chacun et chacune, de chaque terre, langue et culture. Rien ne peut remplacer ce chemin personnel et en groupe, à la rencontre du chemin de tous.
Marie portait déjà dans son ventre le « fruit béni » qu’était Jésus. Les chrétiens le portent aussi, spirituellement mais réellement, parce qu’ils le reçoivent dans la Parole, dans les sacrements et dans la charité, où il s’offre. Et comme nous croyons en Jésus comme chemin vers Dieu, nous cheminons avec lui pour le porter aux autres. Dans le même élan qui poussait Marie, dans le même Esprit qui nous pousse. En route !
Marie s’en alla en hâte vers la région montagneuse, comme nous l’avons aussi entendu.
Ce n’est pas par hasard que le texte parle de la hâte de Marie, de même que, dans d’autres passages de l’Évangile, il est question de l’urgence de l’annonce, du témoignage et de la visitation permanente envers les autres. C’est ce que nous devons faire, nous aussi.
Chers jeunes, nous savez très bien que, quand le cœur est plein, il déborde rapidement. Qu’il est impossible d’étouffer ce qui se passe dans votre âme, quand c’est vraiment fort et mobilisateur !
Marie emmenait avec elle Jésus lui-même, qu’elle avait conçu. Et Jésus est « Dieu avec nous », pour être Dieu avec tous. D’où la hâte de l’amener à Élisabeth, même en gravissant des montagnes.
Vous connaissez cette « hâte », parce que d’autres se sont aussi empressés de venir à votre rencontre pour vous porter Jésus et tout ce qu’il vous offre comme horizons larges et comme vie en abondance.
Vous n’avez même pas besoin de toujours comprendre les mots, comme cela se passe en ce moment, avec toutes les langues ici réunies. Parce que vos yeux parlent et parce que vous vous sentez sûrs de vous et confiants, dans l’atmosphère chrétienne que vous créez ensemble et dans les gestes simples par lesquels vous communiquez. Il y a vraiment une « hâte dans l’air », qui circule entre vous et dans les endroits où vous arriverez ces jours-ci. Un air où l’Esprit Saint lui-même circule, avec la rapidité que seul Dieu a et communique.
Quand j’ai dit au Pape François que cela était précisément le thème de nos JMJ (« Marie se leva et s’en alla en hâte »), il a ajouté que oui, en hâte, mais pas avec impatience.
En réalité, l’impatience est pour ce que nous n’avons pas encore et que nous désirons avec inquiétude. La hâte est différente, c’est partager ce que nous portons déjà. C’est donc une urgence sereine et sans violence. Comme vous êtes arrivés et comme vous serez ici, portant aux autres ce qui vous y amène.
À ce propos, je me rappelle un passage datant des premiers chrétiens, vraiment dans une société qui tardait à les comprendre : « Honorez dans vos cœurs la sainteté du Seigneur, le Christ. Soyez prêts à tout moment à présenter une défense devant quiconque vous demande de rendre raison de l’espérance qui est en vous ; mais faites-le avec douceur et respect. Ayez une conscience droite… » (1P 3, 15-16).
Ainsi serez-vous, dans cette hâte sans impatience, comme qui partage ce qu’il a déjà. C’est ce qui vous a amenés ici et ce que vous porterez, et qui sera accru par la grâce de ces journées !
Finalement, le texte dit que Marie entra dans la maison de Zacharie et salua Élisabeth.
Chers amis, vous aussi, vous viendrez de cette manière les uns vers les autres, avec une salutation vraie et joyeuse.
L’Évangile nous rapporte la joie de cette rencontre entre Marie et Élisabeth et celle de la reconnaissance mutuelle dans laquelle elle s’est produite. La salutation de Marie a été telle qu’elle a suscité chez sa parente l’exclamation que nous répétons si souvent : « Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni ! » Et aux paroles d’Élisabeth, Marie a répondu par l’un des plus beaux hymnes que nous chantons depuis lors, le Magnificat.
Il est très important qu’il en soit ainsi avec vous et avec tout le monde. En vérité, chaque rencontre que nous pourrons vivre doit être inaugurée par une vraie salutation, par laquelle nous échangerons entre nous des paroles d’accueil sincère et de partage véritable.
Lisbonne vous accueille d’un cœur entier, de même que toutes les autres terres portugaise où vous êtes déjà allés ou sur lesquelles vous vous rendrez. Ce pays est aussi le vôtre. Vous êtes accueillis par les familles et les institutions qui mettent à votre disposition leurs espaces et leur service. En les remerciant toutes, j’entrevois en chacune la maison d’Élisabeth, qui a accueilli Marie, mais aussi Jésus, que cette dernière lui portait !
Cela manque beaucoup dans le monde où nous vivons, dans lequel nous ne faisons pas assez attention aux personnes que nous rencontrons.
Avec Marie, apprenons à saluer tout le monde et chacun. Pratiquons cela intensément tout au long de ces Journées mondiales de la jeunesse. Le monde nouveau commence dans la nouveauté de chaque rencontre et dans la sincérité de la salutation que nous pourrons échanger. Pour que nous soyons des personnes parmi des personnes, en visitation mutuelle et permanente !
Je vous souhaite à tous d’heureuses et de stimulantes Journées Mondiales de la Jeunesse !
† Manuel Cardinal Clemente
Patriarche de Lisbonne