La Note commune sur la « Doctrine de la découverte » du dicastère pour la culture et l’éducation et du dicastère pour le service du développement humain intégral a été rendue publique ce jeudi 30 mars 2023.
Publié en cinq langues, ce document affirme que la « doctrine de la découverte », théorie qui a servi à justifier la colonisation et l’expropriation des indigènes par les souverains colonisateurs, « ne fait pas partie de l’enseignement de l’Église catholique » et que les bulles papales rédigées « à une période historique spécifique » et liées « à des questions politiques » n’ont jamais été considérées « comme des expressions de la foi catholique ».
L’Église catholique, lit-on dans la Note, « rejette donc les concepts qui ne reconnaissent pas les droits humains inhérents aux peuples autochtones, y compris ce qui est connu sous le nom juridique et politique de “doctrine de la découverte” ».
La Note mentionne que « de nombreux chrétiens ont commis des actes malveillants à l’encontre des peuples autochtones, pour lesquels les papes récents ont demandé pardon à de nombreuses reprises ».
Voici le texte du document traduit en français par le Saint-Siège.
Note commune sur la « Doctrine de la découverte »
du dicastère pour la culture et l’éducation et du dicastère pour le service du développement humain intégral
- Fidèle au mandat reçu du Christ, l’Église catholique s’efforce de promouvoir la fraternité universelle et le respect de la dignité de tout être humain.
- C’est pourquoi, au cours de l’histoire, les papes ont condamné les actes de violence, d’oppression, d’injustice sociale et d’esclavage, y compris ceux commis contre les peuples autochtones. Il y a également eu de nombreux exemples d’évêques, de prêtres, de religieux, de religieuses et de fidèles laïcs qui ont donné leur vie pour défendre la dignité de ces peuples.
- En même temps, le respect des faits de l’histoire exige la reconnaissance de la faiblesse humaine et des échecs des disciples du Christ dans chaque génération. De nombreux chrétiens ont commis des actes malveillants à l’encontre des peuples autochtones, pour lesquels les papes récents ont demandé pardon à de nombreuses reprises.
- De nos jours, un dialogue renouvelé avec les peuples autochtones, en particulier avec ceux qui professent la foi catholique, a aidé l’Église à mieux comprendre leurs valeurs et leurs cultures. Avec leur aide, l’Église a acquis une plus grande conscience de leurs souffrances, passées et présentes, dues à l’expropriation de leurs terres, qu’ils considèrent comme un don sacré de Dieu et de leurs ancêtres, ainsi qu’aux politiques d’assimilation forcée, promues par les autorités gouvernementales de l’époque, destinées à éliminer leurs cultures autochtones. Comme l’a souligné le Pape François, leurs souffrances constituent un puissant appel à abandonner la mentalité colonisatrice et à marcher avec eux côte à côte, dans le respect mutuel et le dialogue, en reconnaissant les droits et les valeurs culturelles de toutes les personnes et de tous les peuples. À cet égard, l’Église s’engage à accompagner les peuples autochtones et à favoriser les efforts visant à promouvoir la réconciliation et la guérison.
- C’est dans ce contexte d’écoute des peuples autochtones que l’Église a compris l’importance d’aborder le concept appelé “doctrine de la découverte”. Le concept juridique de “découverte” a été débattu par les puissances coloniales à partir du XVIe siècle et a trouvé une expression particulière dans la jurisprudence du XIXe siècle des tribunaux de plusieurs pays, selon laquelle la découverte de terres par des colons conférait un droit exclusif d’éteindre, par achat ou conquête, le titre ou la possession de ces terres par les peuples autochtones. Certains chercheurs ont affirmé que la base de la “doctrine” susmentionnée se trouve dans plusieurs documents pontificaux, tels que les Bulles Dum Diversas (1452), Romanus Pontifex (1455) et Inter Caetera (1493).
- La “doctrine de la découverte” ne fait pas partie de l’enseignement de l’Église catholique. La recherche historique démontre clairement que les documents pontificaux en question, rédigés à une période historique spécifique et liés à des questions politiques, n’ont jamais été considérés comme des expressions de la foi catholique. En même temps, l’Église reconnaît que ces bulles pontificales n’ont pas reflété de manière adéquate l’égale dignité et les droits des peuples autochtones. L’Église est également consciente que le contenu de ces documents a été manipulé à des fins politiques par des puissances coloniales concurrentes afin de justifier des actes immoraux à l’encontre des peuples autochtones qui ont été réalisés parfois sans que les autorités ecclésiastiques ne s’y opposent. Il est juste de reconnaître ces erreurs, de reconnaître les terribles effets des politiques d’assimilation et la douleur éprouvée par les peuples autochtones, et de demander pardon. En outre, le Pape François a exhorté : “Que la communauté chrétienne ne se laisse plus jamais contaminer par l’idée qu’il existe une supériorité d’une culture par rapport à une autre et qu’il est légitime d’utiliser des moyens de coercition sur les autres.”
- En termes clairs, le magistère de l’Église défend le respect dû à tout être humain. L’Église catholique rejette donc les concepts qui ne reconnaissent pas les droits humains inhérents aux peuples autochtones, y compris ce qui est connu sous le nom juridique et politique de “doctrine de la découverte”.
- Des déclarations nombreuses et répétées de l’Église et des papes défendent les droits des peuples autochtones. Par exemple, dans la Bulle Sublimis Deus de 1537, le Pape Paul III a écrit : “Nous définissons et déclarons […] que [, …] lesdits Indiens et tous les autres peuples qui seront découverts plus tard par les chrétiens, ne doivent en aucun cas être privés de leur liberté ou de la possession de leurs biens, même s’ils ne sont pas de foi chrétienne ; et qu’ils peuvent et doivent, librement et légitimement, jouir de leur liberté et de la possession de leurs biens ; ils ne doivent en aucun cas être réduits en esclavage; si le contraire se produit, cela sera nul et sans effet”.
- Plus récemment, la solidarité de l’Église avec les peuples autochtones a donné lieu à un fort soutien du Saint-Siège aux principes contenus dans la Déclaration des Nations Unies sur les Droits des Peuples Autochtones. La mise en œuvre de ces principes améliorerait les conditions de vie et contribuerait à protéger les droits des peuples autochtones, ainsi qu’à faciliter leur développement dans le respect de leur identité, de leur langue et de leur culture.