Le secrétaire général du synode, le card. Mario Grech, et le rapporteur général de la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques, le card. Jean-Claude Hollerich, réfléchissent sur le rôle de l’évêque dans le processus synodal en cours, à la veille de la célébration des Assemblées continentales.
Le 26 janvier dernier, ils ont adressé une lettre aux évêques du monde entier dans laquelle ils rappellent la responsabilité des pasteurs à l’égard du processus synodal.
La lettre reprend avec force le thème principal – celui de la synodalité – choisi par le pape François pour les travaux de l’assemblée en octobre prochain. « Il y a en effet certains qui présument savoir déjà quelles seront les conclusions de l’assemblée synodale, écrivent les cardinaux. D’autres voudraient imposer un ordre du jour au Synode, avec l’intention de diriger la discussion et de déterminer son résultat. Cependant, le thème que le pape a assigné à la XVIe Assemblée générale ordinaire du Synode des évêques est clair : ‘Pour une Église synodale : communion, participation, mission’. C’est donc le seul thème que nous sommes appelés à explorer à chacune des étapes du processus. Les attentes pour le Synode 2021-2024 sont nombreuses et variées, mais il n’appartient pas à l’Assemblée d’aborder toutes les questions débattues dans l’Église. »
Voici le texte intégral de la lettre des cardinaux Grech et Hollerich.
Lettre des cardinaux Grech et Hollerich
Chers Confrères,
Comme vous le savez, à l’issue de la phase de consultation « dans les Églises particulières », le processus du Synode 2021-2024 prévoit la célébration des Assemblées continentales. C’est en vue de cette étape que nous nous adressons à vous tous, vous qui, dans vos Églises particulières, êtes le principe et le fondement de l’unité du peuple saint de Dieu (cf. LG 23). Nous le faisons au nom de la responsabilité commune en tant qu’évêques de l’Église du Christ vis-à-vis du processus synodal en cours : il n’y a pas d’exercice de la synodalité ecclésiale sans exercice de la collégialité épiscopale.
La Constitution apostolique Episcopalis communio nous rappelle que « chaque Évêque possède simultanément et inséparablement la responsabilité pour l’Église particulière confiée à ses soins pastoraux et pour l’Église universelle » (EC, n° 2). Rendre possible l’exercice de cette sollicitude est la raison d’être du Synode des évêques depuis sa création. Avec grande clairvoyance, saint Paul VI avait affirmé dans le document qui institua le Synode, l’Apostolica Sollicitudo, que ce dernier, « comme toutes les institutions humaines, pourra être perfectionné par la suite ». C’est ce que nous vivons actuellement : Episcopalis communio, loin d’affaiblir une institution épiscopale, lorsqu’elle met en évidence le caractère processuel du Synode, rend encore plus crucial le rôle des Pasteurs et leur participation aux différentes étapes. Merci donc pour tout ce que chacun de vous a fait jusqu’à présent au service du Synode 2021-2024, rendant possible la consultation du Peuple de Dieu dans les Églises particulières et le discernement dans les Synodes/Conseils des Églises sui iuris et dans les Conférences épiscopales.
À la veille des Assemblées continentales, nous ressentons l’urgence de vous faire part de quelques réflexions pour une compréhension partagée du processus synodal, de son déroulement et du sens de l’étape que nous vivons. En effet, certains prétendent déjà savoir quelles seront les conclusions de l’Assemblée synodale. D’autres voudraient imposer un ordre du jour au Synode, avec l’intention d’orienter la discussion et de conditionner ses résultats. Cependant, le thème que le Pape a assigné à la 16e Assemblée générale ordinaire du Synode des Évêques est clair : « Pour une Église synodale : communion, participation, mission ». Celui-ci est donc le thème unique que nous sommes appelés à explorer dans chacune des étapes du processus. Les attentes pour le Synode 2021-2024 sont nombreuses et variées, mais il n’appartient pas à l’Assemblée d’aborder toutes les questions autour desquelles l’Église se débat.
Ceux qui prétendent imposer un thème quelconque au Synode oublient la logique qui régit le processus synodal : nous sommes appelés à tracer une « route commune » à partir de la contribution de chacun. Il est même superflu de rappeler que la Constitution apostolique Episcopalis communio a transformé le Synode d’un événement en un processus, articulé en étapes. Cela signifie que c’est depuis son ouverture solennelle, le 10 octobre 2021 à Saint-Pierre, que le Synode aborde et développe le thème assigné, d’abord dans l’étape de consultation du Peuple de Dieu, puis dans le discernement des Pasteurs dans les Synodes/Conseils des Églises sui iuris et dans les Conférences épiscopales, et maintenant dans les Assemblées continentales. C’est précisément en raison du lien entre les différentes étapes que d’autres thèmes ne peuvent être subrepticement introduits, en instrumentalisant l’Assemblée et en faisant fi de la consultation du peuple de Dieu.
On peut comprendre que, dans la première phase d’écoute, les limites du thème n’aient pas été aussi définies, également en raison de la nouveauté de la méthode et de la difficulté à comprendre et à reconnaître que tout le « Peuple saint de Dieu participe aussi de la fonction prophétique du Christ » (LG, n° 12). Mais cette incertitude s’est atténuée au cours des étapes suivantes. Cela est démontré par la teneur des synthèses envoyées par les Synodes/Conseils des Églises sui iuris et par les Conférences épiscopales au Secrétariat du Synode, qui sont le fruit du discernement des pasteurs à partir des contributions de la consultation du Peuple de Dieu. C’est à partir de ces synthèses qu’a été rédigé le Document de travail pour l’étape continentale (DEC), dans lequel la voix des Églises particulières résonne clairement.
La décision de renvoyer le DEC aux Églises particulières, en demandant à chacune d’elles d’écouter la voix des autres qui résonne à travers ce document, en relisant ainsi les étapes du processus synodal à un niveau de plus grande conscience, montre à quel point la seule règle que nous nous sommes donnée est de rester à l’écoute de l’Esprit : « Une Église synodale est une Église de l’écoute […]. C’est une écoute réciproque dans laquelle chacun a quelque chose à apprendre. Le peuple fidèle, le Collège épiscopal, l’Évêque de Rome, chacun à l’écoute des autres ; et tous à l’écoute de l’Esprit Saint » (François, Discours pour la commémoration du 50e anniversaire de l’institution du Synode des évêques, 2015).
Les thèmes que le DEC propose ne constituent pas l’ordre du jour de la prochaine Assemblée du Synode des Évêques, mais restituent fidèlement ce qui ressort des synthèses envoyées par les Synodes/Conseils des Églises sui iuris et par les Conférences épiscopales, laissant entrevoir le visage d’une Église qui apprend à écouter l’Esprit en s’écoutant les uns les autres. Il appartiendra aux Assemblées continentales, sur la base des résonances que la lecture du DEC aura suscitées dans chaque Église particulière, d’identifier « quels sont les priorités, les thèmes récurrents et les appels à l’action qui peuvent être partagés avec d’autres Églises locales à travers le monde et discutés lors de la première session de l’Assemblée synodale d’octobre 2023 » (DEC, n° 106).
C’est pourquoi nous sommes convaincus que, dans les Assemblées continentales, la voix des Églises particulières résonnera à nouveau et avec encore plus de force, à travers la synthèse réalisée par les Synodes/Conseils des Églises sui iuris et les Conférences épiscopales nationales. Plus nous grandirons dans un style synodal d’Église, plus nous tous, membres du Peuple de Dieu – fidèles et pasteurs – apprendrons à nous sentir cum Ecclesia, en fidélité à la Parole de Dieu et à la Tradition. D’autre part, comment pourrions-nous traiter des questions ponctuelles, souvent clivantes, sans avoir d’abord répondu à la grande question qui interroge l’Église depuis le Concile Vatican II : « Église, que dis-tu de toi-même ? ». Le long parcours de réception du Concile nous amène à dire que la réponse se trouve dans l’Église « constitutivement synodale », où tous sont appelés à exercer leur propre charisme ecclésial en vue de réaliser la mission commune d’évangélisation.
Le processus synodal actuel nous montre comment cela est possible. En vertu de sa participation à la fonction prophétique du Christ, le peuple saint de Dieu fait l’objet du processus synodal à travers la consultation que chaque évêque mène dans son Église : de cette façon, en effet, on peut vraiment écouter « La collectivité des fidèles, ayant l’onction qui vient du Saint (cf. 1 Jn 2, 20.27), ne peut se tromper dans la foi » (LG, n. 12). Le Collège des Évêques, qui est, « en union avec le Pontife romain, son chef, et jamais en dehors de ce chef, le sujet du pouvoir suprême et plénier sur
toute l’Église » (LG, n. 22), participe au processus synodal tant lorsque chaque évêque initie, oriente et conclut la consultation du Peuple de Dieu qui lui est confiée, que dans les étapes successives, lorsque les évêques exercent ensemble leur charisme de discernement, dans les Synodes/Conseils des Églises sui iuris et dans les Conférences épiscopales, dans les Assemblées continentales et, sous une forme particulière, dans l’Assemblée du Synode. Par analogie avec le Concile œcuménique, il est de la prérogative de l’évêque de Rome, « principe perpétuel et visible et le fondement de l’unité qui lie entre eux soit les évêques, soit la multitude des fidèles » (LG, n. 23), de convoquer, de présider et de confirmer les assemblées synodales.
Déjà dans cette première étape du processus synodal, nous avons pu voir comment chacun a joué son rôle, en respectant le rôle et la contribution des autres. Il s’agit de poursuivre sur cette voie, sans prendre la synodalité pour une simple méthode, mais en l’assumant comme la forme de l’Église et le style de réalisation de la mission commune d’évangélisation. Le ministère des pasteurs devient ainsi encore plus décisif pour le cheminement du peuple saint de Dieu. Nous sommes convaincus que, sur ce chemin, l’Esprit, qui guide le cheminement de l’Église, nous permettra d’expérimenter comment « le Synode des Évêques, représentant l’épiscopat catholique, devient une expression de la collégialité épiscopale à l’intérieur d’une Église tout entière synodale » (François, Discours pour la commémoration du 50e anniversaire de l’institution du Synode des évêques, 2015).
L’étape continentale pourra nous aider à comprendre cette vision si, en tant que Collège des évêques, nous sommes unis dans la recherche des voies qui aident l’Église à être « ‘le sacrement de l’unité’, c’est-à-dire le peuple saint réuni et organisé sous l’autorité des évêques » (SC, n. 26). En outre, la participation au processus synodal nous permettra de renforcer cette union collégiale qui « apparaît aussi dans les relations mutuelles de chacun des évêques avec les Églises particulières et avec l’Église universelle » (LG, n. 23). S’il est vrai que tous les évêques « en gouvernant leur propre Église comme une portion de l’Église universelle, ils contribuent efficacement au bien de tout le Corps mystique qui est aussi le Corps des Églises » (LG, n. 23), il est également vrai que nous sommes appelés, tous ensemble cum et sub Petro, à représenter « ’Église universelle dans le lien de la paix, de l’amour et de l’unité » (LG, n. 23). Quel meilleur moyen que de « marcher ensemble », dans la certitude que « Le chemin de la synodalité est justement celui que Dieu attend de l’Église du troisième millénaire » (François, Discours pour la commémoration du 50e anniversaire de l’institution du Synode des évêques, 2015)
In Christo
Le card. Mario Grech, Secrétaire général du Synode
Le card. Jean-Claude Hollerich, archevêque de Luxembourg, Rapporteur général du Synode