Familles afghanes © Vatican Media

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Familles : l’Etat et l’Eglise doivent les « écouter », affirme le pape François

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A la communauté académique de l’Institut théologique Jean-Paul II

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« Il est de la responsabilité de l’Etat et de l’Eglise d’écouter les familles » et d’encourager « leur vocation à rendre le monde plus humain, c’est-à-dire plus solidaire et plus fraternel » a déclaré le pape François devant la communauté académique de l’Institut pontifical théologique Jean-Paul II pour les sciences du mariage et de la famille.

Le pape François a reçu en audience la communauté académique de l’Institut pontifical théologique Jean-Paul II pour les sciences du mariage et de la famille, dans la Salle Clémentine du Palais apostolique, lundi 24 octobre 2022. Outre les professeurs et les étudiants, étaient également présents un certain nombre de couples suivant une formation permanente à l’Institut et venus de tous les continents.

C’est dans la famille humaine que « la force de tous les liens de solidarité et d’amour apprend ses secrets », a déclaré le pape, soulignant que si les liens familiaux sont « mis à l’épreuve » aujourd’hui, ils peuvent aussi se montrer « précieux » dans les moments de vulnérabilité et de contrainte pour « la communauté de foi », « la société civile » et la « coexistence humaine ».

Le pontife a mis en garde contre les « idéologies qui s’immiscent » et « détruisent » La famille « n’est pas une idéologie », a-t-il asséné, mais « une réalité », celle d’ « un homme et une femme qui s’aiment et qui créent ». Il a invité à « comprendre la famille à partir du « concret » sans « attendre qu’elle soit parfaite pour prendre soin de sa vocation et encourager sa mission ».

Voici notre traduction du discours du pape François

 

Discours du pape François (Traduction intégrale)

Chers frères et sœurs, bonjour et bienvenue !

Je suis heureux de vous rencontrer, vous qui formez la communauté académique de l’Institut théologique Jean-Paul II pour les sciences du mariage et de la famille. Je remercie Mgr Vincenzo Paglia – je crois qu’il a le Prix Nobel de créativité ! – votre grand-chancelier, pour les paroles qu’il m’a adressées. Je salue le président, Mgr Philippe Bordeyne, les vice-présidents des sections extra urbe, les professeurs et vous tous, chers étudiants et étudiantes, ainsi que les couples qui ont commencé à suivre la formation permanente à l’Institut. Votre représentation internationale souligne l’amplitude et la richesse du réseau qui est à la tête de l’Institut : elle constitue une ressource pour l’Eglise et pour la société.

Cinq ans ont passé depuis qu’avec le Motu proprio Summa familiae cura, j’ai voulu « investir » sur ce patrimoine laissé par saint Jean-Paul II, qui fonda l’Institut en 1981. J’ai tenu à lui donner une nouvelle vigueur et un développement plus large, afin de répondre aux défis qui se présentent au début du troisième millénaire. Cette évolution souhaitable – garantie par la qualité académique dans les disciplines théologiques et dans les sciences humaines et sociales – me semble particulièrement importante, parce qu’elle intègre les compétences nécessaires pour discerner les valeurs relationnelles propres à la constellation familiale. Pour être à la hauteur de cet élargissement, la théologie elle-même est appelée à élaborer une vision chrétienne de la parentalité, de la filialité et de la fraternité – pas seulement du lien conjugal – qui corresponde à l’expérience familiale, sur l’horizon de la communauté humaine et chrétienne tout entière. Et également la culture des grands-parents, qui est très importante. La culture de la foi, en effet, est appelée à se mesurer, sans naïveté ni crainte, aux transformations qui marquent la conscience actuelle des rapports entre l’homme et la femme, entre amour et génération, entre famille et communauté.

J’apprécie et j’encourage votre engagement à poursuivre avec cohérence et créativité le projet magistériel qu’inspire son héritage, et son actualisation. C’est un engagement qui, jour après jour, remplit de contenu le titre de « pontifical » attribué à l’Institut, dont il faut comprendre la signification, à savoir que servir l’Eglise dans le sillage du ministère de Pierre est un don qu’il reçoit et qu’il transmet en même temps. C’est pourquoi ce serait une grave erreur de lire ce lien renouvelé avec le magistère vivant en termes d’opposition avec la mission reçue à l’origine de son institution. En réalité, la graine pousse et génère des fleurs et des fruits. Si la graine ne pousse pas, elle reste là comme une pièce de musée, elle ne grandit pas.

La mission de l’Eglise requiert aujourd’hui de manière urgente l’intégration de la théologie du lien conjugal dans une théologie plus concrète de la situation familiale. Les turbulences inédites, qui mettent actuellement à l’épreuve tous les liens familiaux, exigent un discernement attentif pour saisir les signes de la sagesse et de la miséricorde de Dieu. Nous ne sommes pas des prophètes de malheur, mais d’espérance. C’est pourquoi, si nous considérons les motifs de crise, nous ne perdrons jamais de vue également les signes consolants, parfois émouvants, des capacités que les liens familiaux continuent de montrer : en faveur de la communauté de foi, de la société civile, de la coexistence humaine. Nous avons tous vu combien sont précieux, dans les moments de vulnérabilité et de contrainte, la ténacité, le maintien et la collaboration des liens familiaux.

La famille humaine demeure une irremplaçable « grammaire anthropologique » des liens humains fondamentaux. C’est là, dans la famille, que la force de tous les liens de solidarité et d’amour apprend ses secrets. Lorsque cette grammaire est négligée ou bouleversée, tout l’ordre des relations humaines et sociales en subit les conséquences. Et ce sont parfois des blessures profondes, très profondes.

Le volontariat social, par exemple, ne tire-t-il pas de ces liens d’amour générationnels et fraternels les symboles et les modalités de ses meilleures relations ? La protection des sans-défense ne plonge-t-elle pas ses racines dans le soin apporté à notre progéniture ? Certes, la fraternité n’est pas une expérience facile, mais y a-t-il un meilleur moyen que de naître frères et sœurs pour comprendre le sens de notre égale humanité à tous et à toutes ?

Voilà, frères et sœurs, quelles sont les frontières du défi qui nous invite à reprendre à zéro le fil du rayonnement de toutes les composantes de l’amour familial – pas seulement celui du couple – pour la société tout entière. La qualité du mariage et de la famille décide de la qualité de l’amour de chaque personne et des liens de la communauté humaine elle-même. Il est donc de la responsabilité de l’Etat et de l’Eglise d’écouter les familles, en vue d’une proximité affectueuse, solidaire et efficace : de les soutenir dans le travail qu’elles réalisent déjà pour tous, encourageant leur vocation à rendre le monde plus humain, c’est-à-dire plus solidaire et plus fraternel. Nous devons protéger la famille mais non l’emprisonner, la faire grandir comme elle le doit. Méfiez-vous des idéologies qui s’immiscent pour expliquer la famille d’un point de vue idéologique. La famille n’est pas une idéologie, c’est une réalité. Et une famille grandit avec la vitalité de la réalité. Mais lorsque les idéologies viennent expliquer la famille ou lui donner un verni, il arrive ce qui arrive et tout est détruit. Il existe une famille qui a cette grâce d’être un homme et une femme qui s’aiment et qui créent, et pour comprendre la famille, nous devons toujours aller au concret, non aux idéologies. Les idéologies ruinent, les idéologies s’immiscent pour tracer un chemin de destruction. Méfiez-vous des idéologies !

Nous ne devons pas attendre que la famille soit parfaite pour prendre soin de sa vocation et encourager sa mission. Le mariage et la famille auront toujours des imperfections, jusqu’à ce que nous arrivions au ciel. Aux jeunes mariés, je dois toujours : si vous voulez, disputez-vous, tout ce que vous voulez, mais à condition que vous fassiez la paix avant la fin de la journée. Cette capacité de la famille à « se refaire » face aux difficultés est une grâce, parce que si elle ne se refait pas, la « guerre froide » du lendemain est dangereuse. Et pourtant, nous remettons au Seigneur notre imperfection même parce que tirer de la grâce du sacrement une bénédiction pour la créature, à laquelle est confiée la transmission du sens de la vie – pas seulement de la vie physique –, est le « possible » de Dieu.

Mais dans cette société toute fissurée, cela dépend beaucoup de la redécouverte de la joie de l’aventure familiale inspirée par Dieu. Pendant trente ans, l’incarnation du Fils Unique a consisté à habiter et à s’enraciner dans les liens familiaux et communautaires de sa condition humaine. Ce n’était pas un simple temps d’ « attente », c’était un temps d’ « entente » avec la condition humaine la plus ordinaire, habitée par le regard fixé sur les « affaires de son Père » (cf. Lc 2, 49). Je voudrais vous raconter une expérience que j’ai faite sur la Place (Saint-Pierre), lorsque je saluais les personnes sur la place avant la pandémie. Un couple, qui semblait jeune – 60 ans de mariage ! – si, ils étaient jeunes parce qu’à l’époque, elle avait 18 ans et lui 20, et j’ai dit : « Mais vous ne vous ennuyez pas après tant d’années ? Vous allez bien ? ». Ils se sont regardés, je suis resté là et puis ils se sont tournés, ils pleuraient : « Nous nous aimons ». Voilà leur réponse au bout de 60 ans. Cela a été la meilleure, la plus belle théologie sur la famille que j’ai vue.

Que le Seigneur accompagne la passion de votre foi et la rigueur de votre intelligence, dans cette tâche formidable de soutenir cette bénédiction qu’est la famille pour les créatures et pour l’Eglise, d’en prendre soin et de la réjouir – oui, de la réjouir aussi. Je suis heureux de savoir et de percevoir que vous vous consacrez à cet engagement dans un climat familial et un esprit synodal mûrs au sein même de la communauté académique. Que la Mère du Seigneur qui, plus que nous tous, est experte de ce lien entre le mystère salvifique de la nouvelle créature et la condition familiale des liens humains, vous accompagne et vous garde. Je vous bénis de tout cœur et, comme d’habitude, parce que le pape est un mendiant, je vous demande, s’il vous plaît, de prier pour moi. Merci !

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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