Premières Nations du Canada, 28 mars 2022 © Vatican Media

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Canada: troisième audience papale pour les populations autochtones

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Formuler des excuses, sur place, au Canada

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Le pape François a reçu, lundi 28 mars 2022, au Vatican, en deux audiences séparées, des représentants Métis et d’Inuit Tapiriit Kanatami du Canada, le pape François a également reçu, dans la matinée de ce jeudi 31 mars, un groupe de « l’Assemblée des Premières Nations », et demain, vendredi 1er avril, le pape les recevra ensemble et ils s’adressera à ces trois communautés d’autochtones.

Des survivants à Rome

Rappelons que l’Eglise catholique canadienne accompagne cette visite, inédite, à Rome, pour rencontrer le pape après la découvertes récentes de plus de 1 300 tombes anonymes dans des écoles dirigées par l’Église catholique au Canada, fréquentées par des enfants autochtones dans le cadre d’une politique gouvernementale « d’assimilation forcée ».
On estime que quelque 150 000 enfants autochtones, métis et inuits ont été inscrits entre la fin des années 1800 et les années 1990, dans 139 pensionnats à travers le Canada, ce qui signifiait des mois ou des années isolés de leur famille, de leur langue et de leur culture. En outre, beaucoup ont été agressés physiquement et sexuellement par des directeurs ou des enseignants. Enfin, entre 3000 et 6000 enfants seraient morts de maladie, de malnutrition ou de négligence entre les murs de ces pensionnats.
Une Commission vérité et réconciliation a conclu, en 2015, que cette politique gouvernementale équivalait à un « génocide culturel ».
La délégation de l’Assemblée des Premières Nations comprend notamment des survivants de ces établissements résidentiels d’assimilation.
Le cas d’un prêtre français
Chaque groupe, les Métis, les représentants de l’Inuit Tapiriit Kanatami puis l’Assemblée des Premières Nations (APN) ont rencontré le pape François, au cours de trois longues audiences, qui ont commencé par un temps de prière selon les coutumes traditionnelles, avant que les participants puissent faire part au pape de leurs expériences douloureuses.

Les délégations souhaitaient demander des excuses du pape François pour le rôle de l’Église catholique dans la gestion de ces « pensionnats autochtones », mais sur place, au Canada, auprès des victimes et de leurs familles.

Lundi,  le leader de l’Inuit Tapiriit Kanatami, Natan Obed, a sollicité l’intervention du pape François pour qu’un prêtre français, Johannes Rivoire, Oblat de Marie Immaculée, aujourd’hui âgé de 93 ans, et 30 ans missionnaire dans le Nord du Canada, accusé d’abus sexuels soit jugé.  Une demande soutenue par Mgr William Terrence McGrattan, évêque de  Calgary: « L’Église doit prendre ses responsabilités pour toute situation d’abus sexuel. »

Or, le lendemain, mardi 29 mars, la justice canadienne a émis un nouveau mandat d’arrêt à l’encontre de Johannes Rivoire du fait d’une nouvelle plainte d’agression sexuelle qui serait survenue il y a environ 47 ans.

Les représentants des peuples métis et inuit d’origine ont redit  leur besoin « de vérité, de justice, de guérison et de réconciliation ». Cassidy Caron, jeune présidente des Métis, a précisé: « La reconnaissance, les excuses, l’expiation sont très en retard, mais il n’est jamais trop tard pour bien faire. »

Martha Greig, de la délégation inuit, a avoué avoir dit au pape que « les gens ont besoin de guérir. Je l’ai invité à venir au Canada, ça signifierait beaucoup pour les anciens pensionnaires et leurs familles ». Un voyage annoncé mais pas encore confirmé.

Des bulles papales

Mais ce n’est pas tout. Les délégations estiment, souligne Radio Vatican, que papes ont eu leur part de responsabilité aux siècles passés:  l’Assemblée des Premières Nations a demandé la révocation de deux bulles du pape Nicolas V, en 1455, et d’Alexandre VI, en 1493, qui ont en quelque sorte facilité l’expropriation de leurs terres.

Dans un communiqué commun, pour préparer la visite à Rome , les Premières Nations ont expliqué à ce sujet: « Depuis l’origine de la création, selon nos récits, nous sommes la nation originelle des familles sur ces terres. Nos efforts ont toujours été fondés sur l’espoir d’une vie sereine pour nos enfants, nos petits-enfants et leurs enfants à venir. Lorsque les souverains européens sont arrivés sur nos côtes, leurs lois internationales connues sous le nom de doctrines de la découverte ont été appliquées à nos terres et ont nié notre existence en tant qu’êtres humains. »

Pour le chef de la délégation de l’APN, Gerald Antoine, rapporte Radio Vatican, « la rencontre avec le Pape François est une étape importante alors que nous continuons à déterminer la culpabilité de l’Église catholique en matière de génocide, et sa complicité dans ce que de nombreux enfants des Premières Nations ont vécu dans ces établissements ».

« C’est un jour spécial, a commenté Gérald Antoine, ce qui s’est passé n’aurait pas dû arriver, nous voulons vous dire notre vérité », d’où la demande d’aller au Canada pour demander pardon et la nécessité d’avancer sur un chemin de réconciliation entamé en juin dernier après le « mea culpa » immédiat des évêques canadiens, après la découverte d’un charnier au Kamloops Indian Residential School .

Gérald Antoine a également rappelé la relation particulière que les peuples indigènes entretiennent avec la Terre Mère: « Une Mère très spéciale, la Terre est notre maison », une maison « à protéger », ce à quoi il faut « travailler ensemble car il ne nous reste plus beaucoup de temps ».

Après l’audience de ce jeudi, la délégation s’est rendue place Saint-Pierre, où elle a notamment fait entendre un chant traditionnel et un membre de l’APN a confié à Radio Vatican:  « Nous sommes reconnaissants de pouvoir partager ce chant sur cette place. »

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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