Mgr Francesco Follo à l'UNESCO, 2 juillet 2021 © Mgr Follo

Mgr Francesco Follo à l'UNESCO, 2 juillet 2021 © Mgr Follo

« L’identité de l’école catholique pour une culture du dialogue »: réflexions de Mgr Follo

« L’importance de chercher la vérité, laquelle unit toujours »

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Voici quelques réflexions proposées par Mgr Francesco Follo sur l’Instruction « L’identité de l’école catholique pour une culture du dialogue« , publiée ce 29 mars 2022 par la Congrégation pour l’Éducation Catholique

Mon article voudrait une humble contribution qui puisse aider à bien comprendre la valeur de cette Instruction publiée aujourd’hui avec la date significative de 25 janvier 2022, Fête de la conversion de saint Paul, Apôtre.

Instruction sur l’école catholique appelé de plus un plus à contribuer à une culture de la rencontre grâce à sa dimension « catholique » qui prône l’inclusion, et est au service d’une éducation intégrale, donc inclusive.

L’éducation est fondamentale pour la construction d’une société inclusive qui élimine les périphéries sociales et existentielles.

« L’éducation est un mouvement inclusif. Une inclusion qui va vers tous les exclus : ceux qui le sont pour la pauvreté, pour la vulnérabilité à cause de guerres, de famines et catastrophes naturelles, pour la sélectivité sociale, pour les difficultés familiales et existentielles » (Pape François, 20 février 2020).

Et le Saint-Père continue : « Plus que jamais, maintenant il est nécessaire unir les efforts dans une ample alliance éducative pour former des personnes matures, capable de surmonter les fragmentations et les contrapositions et reconstruire le tissu de relations pour une humanité plus fraternelle … Il faut du courage : le courage de mettre la personne au centre. Le courage d’invéstir les meilleures énergies. Le courage de former des personnes disponibles à se mettre à service de la communauté » (Ibid.).

Au numéro 7 de cet Instruction nous lisons : « Il ne s’agit pas, on le voit bien, d’un traité général, et moins encore d’un traité exhaustif sur le thème de l’identité catholique, mais plutôt d’un instrument délibérément synthétique et pratique qui puisse servir à éclaircir quelques points actuels et surtout à prévenir des conflits et des divisions dans ce secteur essentiel que représente l’éducation. En effet, comme l’a observé le Pape François en relançant l’évènement d’un Pacte éducatif mondial, « éduquer, c’est faire un pari et donner au présent l’espérance qui brise les déterminismes et les fatalismes par lesquels l’égoïsme du fort, le conformisme du faible et l’idéologie de l’utopiste veulent s’imposer souvent comme unique voie possible ». Dans un monde de plus en plus fragmenté et conflictuel, seule une action forte et unifiée de l’Église dans le domaine éducatif peut contribuer aussi bien à la mission évangélisatrice que Jésus lui a confiée qu’à la construction d’un monde fraternel parce que « c’est seulement avec cette conscience d’être des enfants qui ne sont pas orphelins que nous pouvons vivre en paix avec les autres ».

Dans ce sillon, je propose des remarques sur le mot inclusion et sur l’importance d’une éducation multiculturelle pour arriver à une vraie société inclusive.

1.Inclusion

Il faut nous laisser habiter par des nouveaux langages, construire réciprocité, valoriser le don de soi, l’échange de notre existence, le sens de notre vivre ensemble. Interagir et communiquer c’est quelque chose de plus d’échanger et de transmettre une information. C’est se mettre dans un espace commun où chacun de nous est appelé à y faire participer l’autre qui n’est pas un problème mais une valeur, un enrichissement à partager dans fécondation réciproque.

Cela découle aussi du fait que – comme l’Instruction le met en évidence – une transformation progressive de la signification du mot « inclusion » s’est opérée, loin du langage officiel imprégné de références aux « déficits » et aux « handicaps ».

Mais l’inclusion ne concerne pas que des individus, petits ou grands qu’ils soient. Elle regarde l’inclusion des peuples avec leurs différentes cultures.

Le problème en effet, à notre avis, n’est pas la diversité culturelle en tant que telle – la diversité c’est un fait, un donné – mais l’inter-culturalité qui est à construire jour après jour. La diversité culturelle est une effective richesse si elle devient « diversité féconde et créatrice », comme déjà le dit un document Unesco du 1997. En ce sens, et je peux dire que le Saint-Siège apprécie tous les articles qui parlent de solidarité et de coopération (surtout de pays développé vers le pays en voie de développement). Toutes les cultures et toutes les religions doivent reconnaître le respect interculturel et aussi le principe de mutualité.

Un proverbe kabyle dit : « Dieu a diversifié les têtes des hommes pour permettre la paix ».

Et dans l’Évangile, il est écrit : « Faites pour les autres tout ce que vous voulez qu’ils fassent pour vous ». Il s’agit de la célèbre Règle d’or, qu’on trouve dans l’Evangile, mais aussi dans toutes les autres religions… c’est une formule transversale. Toutes les religions, justement. Elles sont une ressource et pas un problème. Une ressource dont l’éducation inclusive doit tenir compte pour être intégrale.

 

2. Éducation

A cet égard, je saisie l’occasion pour rappeler que  le Saint Siège, en générale, et la Congrégation  pour l’éducation catholique partagent ce soucis d’une éducation inclusive et intégrale et il le fait dans le sillon indiqué par Pape François qui a lancè le Pacte globale d’éducation, avec une rencontre qui aura lieu en octobre 2021 à Rome – Cité du Vatican pour donner lieu à « une rencontre qui ravive l’engagement pour et avec les jeunes générations, en renouvelant la passion pour une éducation plus ouvert et inclusive, capable d’un écoute patient, d’un dialogue constructif et d’une mutuelle compréhension » (Pape François). « Penser à l’éducation, c’est penser aux générations futures et à l’avenir de l’humanité », a affirmé le pape François lors d’une audience à laquelle ont assisté, le 7 février 2020, la Sous-Directrice générale adjointe de l’UNESCO pour l’éducation, Stefania Giannini, et des experts universitaires.

Appelant l’attention sur les inégalités d’accès à l’éducation et sur la « mondialisation de l’indifférence » le Saint Père a souligné que le pacte éducatif était rompu et que « l’on ne pouvait pas le réparer si non à travers l’effort renouvelé de générosité d’accord universel » de la part des familles, des institutions religieuses, culturelles, sociales et politiques, avec la contribution de l’UNESCO.

En effet l’enjeu principal concerne l’éducation. Donc je me permets d’ajouter ma voix à celle de tous ceux – nombreux – qui soulignent que l’inclusion passe à travers la promotion et protection de la diversité culturelle. Á ce propos, j’aimerais préciser que la question de l’éducation devrait être considérée – et valorisée – en deux sens, distincts et complémentaires :

  1. D’abord il y a l’éducation comme véhicule de connaissance de la diversité culturelle, comme transmission des différents savoirs : on ne respecte véritablement que ce qu’on connaît, et ce qu’on connaît cesse d’être considéré « barbare ». Education à la diversité culturelle qui est donc éducation à la paix, à la reconnaissance, au respect jusqu’à l’accueil de l’autre.
  2. Il y a aussi éducation dans le sens du droit de l’individu et de la communauté à recevoir – ou à s’impartir – une éducation selon sa propre appartenance culturelle, linguistique et religieuse. On ne peut pas aller envers l’autre si on ne part pas d’un chez soi, si on n’a pas la possibilité de se former une propre identité culturelle, selon ses propres convictions et valeurs.

Enfin, pour bien « utiliser » cette Instruction je propose cinq lieux décisifs, où des stratégies seraient utiles pour construire la paix par une éducation catholique : 1) le lieu décisif du politique, avec sa légitime autonomie, de telle sorte qu’aucune religion n’en devienne le substitut ; 2) l’importance de l’alliance entre foi et raison contre la violence ; 3)  l’importance de la recherche de la vérité,  4) l’importance de l’autre qui est un richesse, une ressource et pas un problème et enfin 5) le caractère sacré du devoir d’éducation et de la liberté de conscience, ces deux facteurs essentiels de la démocratie.

Premier point : je plaide pour une réflexion, une fois encore, puisque le problème est complexe et récurrent, sur l’articulation du religieux, du social ou de la société civile et du politique. Les responsables religieux ici seront d’un grand apport quand ils accepteront de n’être ni instrumentalisés, ni indifférents par rapport au politique, et sans doute leur rôle est-il tout simplement de rappeler l’éthique en politique, en demeurant eux-mêmes exemplaires et garants de cette éthique.

Second point : l’importance extrême de l’inséparabilité de la foi et la raison dans la lutte contre la violence. Prôner un absolu qui suspendrait l’esprit critique n’est pas prôner l’absolu, mais élever, consciemment ou inconsciemment, en tout cas indûment ses propres conceptions à l’absolu. Une mystique qui ne serait pas critique ne mériterait pas son nom : le mot couvrirait alors toutes sortes d’irrationnels. Vous l’aurez compris, je plaide ici pour la théologie, en tant que réflexion de la foi dans la raison, par toutes les médiations savantes et culturelles disponibles. La foi comme foi n’a rien à craindre de la raison (je n’ai pas dit les dérives rationalistes et positivistes). Aucune question n’est à craindre si le premier qui pose les questions fondamentales aux humains est Dieu lui-même, en général sous deux formes : qui dis-tu que je suis ? contre toute idolâtrie, et : qu’as-tu fait de ton frère ? contre toute violence. Le défi ici est de trouver la juste position dans l’espace public de la théologie. Cela n’est pas facile, mais négliger cet apport serait un manque certain dans la recherche de la paix.

Ce point de vue nous aide à comprendre que la philosophie est le terrain possible d’intente et de dialogue avec qui ne partages pas la foi, parce que la foi ne se pose pas comme destructrice de la philosophie, mais comme la plus haute intégration possible pour la elle (la philosophie).

Raison et foi sont deux sources de connaissance, ni identiques ni concurrentes : l’une est exercice de notre intelligence, l’autre est l’ouverture au mystère de la vie, l’accueille de la transcendance. Mais il faut être également attentif à l’autonomie de la raison et de la foi. et je suis sur qui vous tous et toutes en êtes d’accord, qu’il ne s’agit de confondre les niveaux. Il ne s’agit pas, par exemple, de mettre un peu de piété dans la science pour sauver la raison ou pour faire de la bonne théologie et philosophie. Concordisme et fondamentalisme nuisent à la foi et à la raison. Le Pape rappelle que la véritable grandeur de la raison est de cherche la vérité, y compris la vérité concernant la religion. La vérité ne se cherche que par le dialogue, le travail, dans un climat de respecte et de liberté (Conc. Vatican II, Déclaration « Dignitatis humaine » sur la liberté religieuse). C’est là que la raison humaine apparait dans toute son ampleur et qu’elle révèle ses potentialités. Il y a un enjeu non seulement pour les croyants, mais aussi pour tous dans une société sécularisée qui risque de ne plus se poser les questions métaphysiques essentielle. Il faut maintenir vive la sensibilité pour la vérité » et « d’invites la raison à se mettre à la recherche du vrai, du bien, de Dieu » Sans quoi elle perd sa grandeur et se dénature.

Troisième point : l’importance de chercher la vérité, laquelle unit toujours. Ce n’est pas en renonçant à la vérité que la rencontre des religions et des cultures sera possible, mais en s’engageant plus profondément en elle. Le scepticisme ne rassemble pas, pas plus que le simple pragmatisme. Les deux choses ne servent que de porte d’entrée aux idéologies qui se présentent ensuite avec d’autant plus d’assurance. Renoncer à la vérité et à ses convictions n’élève pas l’homme, mais le livre au calcul du profit, le prive de sa grandeur. Mais ce qu’il faut exiger, c’est le respect de la foi de l’autre et la disponibilité à rechercher, dans les éléments étrangers que je rencontre, une vérité qui me concerne et qui peut me corriger, me mener plus loin. Ce qu’il faut exiger, c’est d’être prêt à rechercher dans les manifestations peut être déconcertantes la réalité plus profonde qui se cache derrière elles. Ce-qu’il faut exiger, c’est en outre d’être prêt à faire éclater les étroitesses de ma compréhension de la vérité, à mieux me mettre à l’écoute de ce qui est mon bien propre, en comprenant l’autre et en me laissant mettre sur la voie du Dieu plus grand dans la certitude que je n’ai jamais totalement en main la vérité sur Dieu et que, devant elle, je suis toujours un apprenti, que, en marchant vers elle, je suis toujours un pèlerin dont le chemin ne prendra jamais fin.

S’il en est ainsi, on a le quatrième point, parce qu’il faut toujours rechercher également en l’autre le positif et que, dans cette mesure, l’autre est nécessairement aussi pour moi une aide dans la poursuite de la vérité, cela ne signifie pourtant pas que l’élément critique puisse et doive manquer. La religion offre pour ainsi dire un abri à la perle précieuse de la vérité, mais elle la dissimule aussi sans cesse, et elle court toujours à nouveau le risque de rater ce qui fait sa nature propre. La religion peut tomber malade et peut se transformer en phénomène destructif. Elle sait et elle doit conduire à la vérité, mais elle est aussi capable de couper l’homme de celle-ci. La critique des religions dans l’Ancien Testament n’a de loin pas perdu son objet. Il peut nous être relativement facile de critiquer la religion des autres, mais il nous faut tout autant être prêts à l’accepter également pour nous-mêmes, pour notre propre religion. Karl Barth a distingué dans le christianisme la religion et la foi. Il avait tort pour autant qu’il voulait séparer totalement les deux, voyant uniquement dans la foi un facteur positif, tandis qu’il considérait la religion comme un facteur négatif. La foi sans la religion est irréelle, la religion en fait partie et il est de la nature de la foi chrétienne qu’elle soit une religion. Mais il avait raison dans le sens que même chez le chrétien la religion peut tomber malade et devenir de la superstition, que la religion concrète dans laquelle la foi est vécue doit donc être continuellement purifiée à partir de la vérité qui se manifeste dans la foi et qui, d’autre part, permet, dans le dialogue, de reconnaître de façon neuve son mystère et son infinitude.

Enfin, cinquième et dernier point ou lieu décisif, lié finalement au « besoin de l’autre » sans lequel aucune société ne peut se construire dans la paix : la reconnaissance du caractère sacré du devoir d’éducation (je pense en particulier à l’éducation des filles, devoir prioritaire entre tous) et de la liberté de conscience (à placer lui aussi parmi les fondements premiers d’une société pacifique, car là où cette liberté n’est pas assurée, l’un ou l’autre des droits humains finira par vaciller). Tocqueville écrivait un jour qu’il n’est pas de démocratie sans deux conditions pour le vote, à savoir l’éducation et la liberté de la presse. Il plaidait au fond pour la capacité de prononcer une parole informée et responsable. J’irai encore plus loin : la culture du débat est au fondement des deux activités majeures qui passionnent les peuples : les sciences et la politique, le savoir et le pouvoir. Les religions auront à vérifier qu’elles revendiquent, au-delà du savoir, la sagesse, et, sans rabaisser ou confisquer le pouvoir, qui est une des clés du possible, qu’elles favorisent la transformation du pouvoir en service. Mais comme il faut commencer par le commencement, ce qui est en la capacité des religions est la haute idée, sacrée, qu’elles ont de l’éducation, comme promotion de l’être humain à sa dignité d’être informé et responsable, et non pas seulement formaté pour entrer dans la chaine de la production-consommation, et d’encourager de toute leur inspiration le respect absolu de la liberté de conscience, afin que nous puissions tous passer de la tolérance au respect, et du respect à la reconnaissance.

Il faudra faire le possible afin que cette Instruction soit prise comme incontournable instrument de travail qui aide la réflexion et l’action des éducateurs surtout dans les écoles catholiques qui comme l’Eglise ont ces « notes » :

Une, c’est-à-dire unité de peuple autour du Pape, communion, une seule grande famille de familles ;

Sainte, c’est-à-dire vraie, grâce à une conversion intellectuelle, morale et religieuse (comme le disait le grand théologien Bernard Lonergan, SJ) ;

Catholique, c’est-à-dire qui s’adresse à tout homme et à tout l’homme ;

Apostolique, c’est-à-dire dans le sillon d’une autorité qui est exercée d’une manière paternelle et maternelle dans le sillon d’une tradition qui vient des apôtres et nous devons développer.

                                                                       Mgr Francesco Follo

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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