Cathédrale Sainte-Sophie, Kiev, Ukraine © wikimedia commons / Rbrechko / CC BY-SA 4.0

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Kiev: un groupe de chrétiens, catholiques et orthodoxes, européens

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« Résister au déterminisme et à l’usurpation de l’avenir »

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Fraternité de chrétiens, catholiques et orthodoxes, européens

 

Au moment où l’Europe s’interroge sur elle-même bouleversée par l’invasion de l’Ukraine par les Russes, je voudrais témoigner de l’expérience fraternelle d’un groupe de chrétiens catholiques et orthodoxes européens.

Tout a commencé à la suite du Synode pour l’Europe de 1999 à Rome, où je me trouvais avec le Cardinal Christoph von Schönborn que je connaissais depuis nos études à l’Institut Catholique de Paris après les bouleversements de 68. Je lui proposais de réunir, sous son patronage, un groupe d’universitaires chrétiens européens pour dialoguer sur notre foi chrétienne et il accepta immédiatement en me dirigeant vers Pro Oriente, qui avait déjà organisé cinq consultations avec les Orthodoxes orientaux[1].

Les trois dimensions constitutives

Les trois dimensions œcuménique, universitaire et européenne étaient constitutives de notre groupe. Il s’agissait de faire dialoguer une trentaine de catholiques et orthodoxes européens universitaires – car ce n’était pas un groupe mandaté par les Églises – sur des questions théologiques. Nous avons commencé par trois rencontres – à Vienne (2001 et 2003) et Luxembourg (2005) – sur la Trinité, le Père, le Fils et l’Esprit Saint – avant d’étudier les « notes » de l’Église : Unité et catholicité (Sibiu 2007), Sainteté et apostolicité (Thessalonique 2009), puis la sotériologie : « Pour nous et pour notre salut » (Esztergom 2012), Sophia. La Sagesse de Dieu (Varna 2015), Pronoia La Providence de Dieu (Varsovie 2017), et l’anthropologie : Imago Dei. L’homme à l’image et à la ressemblance de Dieu (Lviv 2019) et le Péché originel (Vienne 2021).[2]

Depuis 2007 c’est Theresia Hainthaler (Frankfurt) qui dirige avec brio le groupe qui s’est beaucoup renouvelé.

Les villes européennes

L’Europe c’est d’abord des pays avec leurs paysages et leurs monuments.

Sans parler de Vienne avec sa cathédrale Saint Étienne, ses palais du Belvèdere ou Schönbrunn et ses salles de concert, nous avons découvert ces villes magnifiques de Grèce : Thessalonique, et d’Europe de l’Est : Sibiu, Varna, Esztergom, Varsovie.

Thessalonique, port sur la Mer Égée et capitale de la Macédoine, dominée par les ruines du palais du IVe siècle de l’empereur romain Galère, et l’ancien temple de Zeus – devenu église sous l’empereur Théodose Ier, puis mosquée avec les Ottomans –, la place Aristote, les églises byzantines : Agia Sophia et saint Démétrios, et les remparts de la ville byzantine. Au Nord de la ville, à Vergina, la tombe de Philippe II de Macédoine, le père d’Alexandre le Grand, enfouie sous un tumulus, a été découverte lors des fouilles de 1977.

L’énoncé de ces noms – Philippe de Macédoine, Alexandre le Grand et son précepteur Aristote – nous plonge dans l’Antiquité gréco-romaine à la naissance de l’Europe. Le présent se mêle au passé. Car le passé de l’Europe ne se lit pas seulement dans les livres, mais s’inscrit dans les pierres des monuments et des tombes.

Varna, ville à l’est de la Bulgarie, est un port sur la Mer Noire et une ville universitaire.

C’est l’ancienne « Odessos », fondée au VIe siècle avant J.C. et peuplée par les Thraces. Après le siège d’Alexandre le Grand, la ville est devenue macédonienne avant de tomber, aux mains des Romains.   Il reste de cette époque de grands bains publics : les thermes romains de Varna, qui sont les plus grands des Balkans. La Bulgarie est devenue chrétienne à la fin du IXe siècle (864) avec le baptême du roi Boris qui prit le nom de Michel.

Nous avons assisté aux vêpres dans la Cathédrale de la Dormition de la Mère de Dieu.

Sibiu et les monastères de Moldavie

Fondée par des colons allemands de Transylvanie au XIIe siècle, Sibiu devint à majorité roumaine au XXe siècle. Après le congrès nous avons visité les Monastères peints (XVe-XVIe s.) de Bucovine : Moldovita, Sucevita et Voronest, dans la région de Moldavie, au creux des Carpates. Sur la façade du monastère de Moldovita, se trouve un arbre de Jessé encadré d’un côté par les patriarches des douze tribus d’Israël et, de l’autre, par un groupe d’historiens et de philosophes antiques : Thucydide, Homère, Platon, Socrate, Plutarque. La représentation des patriarches et cette « frise des philosophes » indique la double source biblique et philosophique de la culture européenne.

En-dessous, on trouve une représentation du Siège de Constantinople en 1453.

Et puis deux autres villes marquées par la seconde guerre mondiale : Esztergom au nord de Budapest sur le Danube et Varsovie sur la Vistule.

Esztergom

Capitale de la Hongrie du Xe au XIIIe siècle, la ville a joué un rôle très important dans l’histoire du pays. La Cathédrale Saint-Adalbert, qui domine le Danube, est la plus grande basilique d’Europe centrale. Le cardinal Josef Mindszenty (1892-1975), farouche opposant aux dictatures fasciste et communiste de son pays, y est enterré.

Varsovie

Une autre ville qui porte les stigmates de la seconde guerre mondiale est Varsovie.

Déployée sur les deux rives de la Vistule et capitale de la Pologne depuis la fin du XVIème siècle, cette ville fut rayée de la carte en 1945 et reconstruite ensuite.

À la demande des polonais, le sujet de notre conférence était la « Providence » et c’est en arrivant à Varsovie que nous avons découvert le « Temple de la Divine Providence », basilique qui symbolise « la reconnaissance du pays pour la liberté retrouvée en 1989, pour le 20e anniversaire du pontificat de Jean-Paul II, et pour les 2 000 ans du christianisme ».

Et puis il y a la mémoire du Ghetto de Varsovie, illustré par le cinéaste Roman Polanski dans son film « le Pianiste » (2002). Du Ghetto, il ne reste plus qu’une plaque commémorative sur un mur dans la cour d’un collège ! Peut-on effacer les drames de l’Europe alors qu’ils se répètent aujourd’hui. De la Providence au Ghetto, il y a deux pas : quel mystère !

Les participants européens

Au début (2001), il y a déjà plus de vingt ans, étaient présents deux jeunes théologiens orthodoxes qui deviendront célèbres : Hilarion Alfeyev – qui fit une communication, en 2001, sur le « Christ Conquérant de l’Enfer », en 2003, sur « Le Saint Esprit dans la doctrine de Grégoire de Nazianze » et, en 2007, sur « L’unité de l’Église dans la compréhension des Saints Pères »[3]–, actuellement chargé des Affaires étrangères au Patriarcat de Moscou,  et Elpidophoros Lambriniadis, secrétaire du Patriarche Bartholomée, actuellement, depuis son intronisation en 2019 dans la cathédrale de la Sainte Trinité de New York, archevêque orthodoxe grec d’Amérique. Mais celui qui m’a personnellement le plus impressionné c’est Serguei Averintsev (Moscou 1937-Vienne 2004), que les jeunes russes acclamèrent à l’époque de la perestroïka.

Averintsev étudia la philologie classique à Moscou, il fit d’abord une thèse sur Plutarque, puis une autre sur la « Poésie byzantine » et travailla comme éditeur à l’Académie des Sciences. En 1989, il devint professeur à l’Université Lomonosov de Moscou et, en 1994, professeur invité à l’Université de Vienne dans l’Institut d’Études slaves jusqu’à sa mort, en 2004, à Vienne. En 1994, il devint membre de l’Académie Pontificale. Il est aussi connu pour ses études sur la Poésie russe de « l’Âge d’Argent ».

Je voudrais citer quelques passages de son interview « Pour une culture de la pudeur », publié dans le Courrier de l’Unesco du 7 juillet 1990 :

« Les horreurs décrites par Orwell[4] nous seront, semble-t-il, épargnées. En revanche, nous nous rapprochons des prophéties d’Huxley[5], ce qui n’est pas bien réjouissant. Notre propre expérience quotidienne nous rend sensibles aux signes annonciateurs du Meilleur des mondes : un hédonisme empreint d’une extrême vulgarité […] ; la disparition complète de la culture de la pudeur ; enfin, une forme absurde de syncrétisme entre les valeurs du capitalisme et celles du marxisme, qui n’a rien à voir avec la tolérance, et moins encore avec une volonté de synthèse, et qui fait des noms de Ford, Freud et Marx, à égalité, des formules incantatoires pour une humanité sans Dieu. »

Et cette phrase qui sonne comme une devise pour les intellectuels :

« L’expression “liberté de pensée” recèle un fâcheux pléonasme ; la pensée n’existe que dans la mesure où elle est libre. »

Constantin Sigov fit une communication sur lui dans la seconde rencontre de Vienne (juin 2003) : « L’Esprit et le Verbe dans l’œuvre de Serguei Averintsev ». Sa première conférence, en 2001, portait sur « L’influence patristique sur la christologie de Soloviev ».

Constantin fait partie de notre groupe depuis le début, ainsi que plusieurs autres ukrainiens orthodoxes et uniates, et des orthodoxes venus de Budapest, Belgrade, Roumanie, Géorgie, Oslo, Athènes et Thessalonique, Sofia, Moscou et Paris : Michel Stavrou, président de l’Institut Saint-Serge.

Les catholiques viennent de Frankfort, Tchéquie (Prague et Olomouc), Slovaquie, Varsovie, Freibourg im Breisgau, et Fribourg en Suisse : le P. Franz Mali, Gregor Emmenegger et Lenkaitytè Ostermann, qui se chargent de la publication de nos conférences, de Rome : le P. Vittorino Grossi de l’Augustinianum et le P. Dominique Gonnet S.J., des Sources chrétiennes de Lyon.

Trois de nos amis sont devenu évêques : les P.  Johan Bonny (Anvers), José Rico Pavés (Jerez de la Frontera) et Athanaz Orosz, exarque apostolique melchite (Budapest).

Oui, au long des rencontres, des liens d’amitié se sont noués entre les participants et cette amitié s’est exprimée au moment de l’invasion de l’Ukraine.

Constantin Sigov[6]

Celui qui est au centre de nos communications avec les Ukrainiens, comme de la résistance des intellectuels ukrainiens à Kiev, c’est Constantin Sigov.

J’ai connu Constantin lorsqu’il est venu étudier aux Hautes Études à Paris dans les années 1990 et avait été invité à donner quelques conférences au Collège de France. Il est devenu actuellement le porte-parole de l’Ukraine, interviewé sur CNews, Radio Vatican, etc.

Dès 2018, il prônait une « résistance à la tyrannie » et à la peur dans une conférence sur Nadejda Mandelstam, la femme du poète Ossip Mandelstam (1891-1938)[7] mort durant sa déportation vers la Sibérie.

« Récemment, Timothy Snyder[8] s’est interrogé sur les éléments essentiels de l’expérience de la résistance à la tyrannie au XXe siècle, éléments qui pourront aussi nous être particulièrement utiles en ce début de XXIe siècle. Résister à la terreur et surmonter la peur : sur cette expérience, l’heure est venue de relire non seulement Hanna Arendt, mais aussi Nadejda Mandelstam. »

« Le P. Alexandre Schmeman[9] a bien saisi ce qui constitue l’essentiel du tragique propre au témoignage de Nadejda Mandelstam : “Dans le silence et l’indifférence générale, ce n’est pas seulement un grand poète qui meurt, c’est un poète dont la poésie – et c’est là ce que veut prouver Nadejda Mandesltam – est en fin de compte le seul « antidote » à la possession démoniaque qui a saisi la Russie” ».

Constantin conclut : « La pensée de Nadejda Mandelstam offre un contrepoison, elle ouvre la voie vers une libération et une réinterprétation d’idées toujours actuelles :

  1. La résistance à un régime criminel dans les petites comme dans les grandes choses rend plus attentif aux actes concrets de rejet du mal ou de participation à celui-ci. Tout ne disparaît pas sans laisser de trace dans « la cendre des camps ».
  2. Rejeter l’axiome selon lequel il n’y a pas de choix, c’est refuser le mythe de la voie unique et du « train » irrésistible qui, de par la volonté du conducteur, emporte tout le monde dans une même direction. On peut descendre du « train » de la dictature de l’absence d’alternative et témoigner de la possibilité, pour chacun, de choisir.
  3. Résister au déterminisme et à l’usurpation de l’avenir : telle est, pour Nadejda Mandelstam, la philosophie de la liberté, et on la retrouve dans l’ensemble de ses textes.
  4. « L’éventail des temps » (l’expression est d’O. Mandelstam) manifeste le véritable texte de la culture, aussitôt vivifié « par le souffle de tous les siècles ». Si Simone Weil, dans L’Iliade ou le poème de la force, a analysé l’expérience totalitaire du XXe siècle, Nadejda Mandelstam, dans ses trois livres, en a écrit L’Odyssée, et c’est ainsi qu’il convient de les relire.
  5. Les courtisans du régime d’atemporalité et ses favoris mortels ne veulent pas voir la « longue durée » et ils ignorent combien elle les pèse sur sa balance. « L’État permanent », qu’il soit brejnievien ou poutinien, refuse d’entendre la conversation de nos contemporains dans le diapason de la longue durée de la culture. Le centième anniversaire de la rencontre des Mandelstam lui paraît être une grandeur tout aussi négligeable que le point d’appui d’Archimède, pourtant capable de soulever le monde.

Et s’il en était tout autrement ? »

KIEV

Invitée par Constantin, je suis venue à Kiev en septembre 2001 juste avant les attentats aux tours de New York et il me fit visiter sa ville.

La Grande Laure des Grottes, siège de l’Église orthodoxe ukrainienne rattachée au Patriarcat de Moscou, située au sommet d’une colline qui descend vers le Dniepr, est un vaste ensemble de grottes et de bâtiments dont les plus anciens remontent au XIe siècle. On circule, comme dans les catacombes, dans ces grottes où sont enterrés un certain nombre de moines, couchés sur des banquettes. Et la Place de l’Indépendance, appelée aussi Maïdan où s’est tenue la révolution orange de 2004 et de 2013.

Et puis, à l’Ouest de Kiev, près de Sirets’ où l’on s’est battu dernièrement, il y a Babi Yar où, les 29 et 30 septembre 1941, 33 371 hommes, femmes et enfants juifs ont été assassinés par balle par les Einsatzgruppen dans un ravin situé à la périphérie de la ville. Encore une fois le scandale du massacre de Juifs se répète sur le territoire européen.

La Sainte Sophie

Mais c’est la cathédrale Sainte Sophie de Kiev (1037-1041), bâtie au XIe siècle par Jaroslav le Sage le fils de Vladimir, baptisé à Chersonèse en 989, qui domine et protège la ville de Kiev tout au long de son histoire. Elle est la « merveille du septentrion » comme la désigne le métropolite Hilarion dans son célèbre Dit sur la Grâce et la Foi.

Alors que la Sainte Sophie de Constantinople est dédiée au Verbe de Dieu, Sagesse de Dieu, la Sainte Sophie de Kiev donne une place centrale à la Vierge Mère de Dieu. Dans une icône de la Sainte Sophie, la Vierge du Signe est représentée dans une rotonde supportée par sept piliers selon l’Écriture : « La Sagesse a bâti sa maison, elle a taillé ses sept colonnes » (Pr 9,1).[10] C’est pourquoi il y a une présence maternelle de la Sagesse auprès des habitants de Kiev.

Cependant la Sagesse divine est au-delà de la sagesse humaine et elle ne se révèle qu’aux enfants : « : Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, de ce que tu as caché ces choses aux sages et aux intelligents, et de ce que tu les as révélées aux enfants (Mt 11,25) », dit le Seigneur Jésus.

La Sagesse divine est une sagesse crucifiée, elle se dresse de toute sa hauteur et le scandale de cette souffrance innocente demeure incompréhensible pour la raison humaine. Mais « la folie de Dieu est plus sage que la sagesse des hommes et la faiblesse de Dieu est plus forte que la force des hommes » (1 Co 1,25). Qui comprendra ce message d’espérance pour aujourd’hui ?

La folie des hommes

Face à la Sagesse divine trop haute pour ceux qui ne lèvent pas les yeux vers elle, se dresse la folie humaine.

Qu’est-ce que la folie ? La première réponse : c’est la perte de la raison. Le fou c’est celui qui a perdu le sens, l’intelligence des choses. Le « fou furieux » est celui qui est « hors de lui » ; il « ne se possède plus », ou plutôt : c’est « un possédé ». Il ne s’agit pas ici de parler de la démence, mais de la folie meurtrière qui s’empare de l’homme qui veut tuer un autre homme. Le premier sang versé est celui du frère : c’est le meurtre d’Abel par Caïn. Et le meurtre est toujours celui d’un frère, qu’il soit coupable ou innocent. C’est aussi la folie d’un dictateur vis-à-vis de son propre peuple : l’incendie de Rome par Néron.

La Guerre entre les peuples est aussi une folie. Cependant il y a des « lois » et des « règles » dans la guerre qui marquent des limites : les « lois de la guerre », devenues le fondement du droit international public. Celles-ci définissent les conditions de légitimité, le déroulement, et les moyens licites des guerres. Mais la guerre reste la guerre avec son cortège de morts, militaires ou civils. Avant la folie des armes, il y a la folie du langage : les mots sont utilisés comme des coups de poing : insulte, humiliations, mensonge. Et puis il y a les « fake news » : on ne peut plus croire personne. C’est la guerre de la désinformation, la « Cyber attaque », où l’on accuse l’autre de ce que l’on fait soi-même.

L’humanité. Fratelli tutti

C’est par le sens de l’appartenance à une même humanité qui nous rend frères que les peuples européens se sont sentis solidaires de l’Ukraine et ont compris que défendre l’Ukraine ce n’est pas seulement défendre l’Europe, mais ce qui fait la dignité de tout homme, la dignité de l’homme.

Le pape François, dans son Encyclique Fratelli tutti, met en garde contre « les situations de violence (qui) se multiplient douloureusement en de nombreuses régions du monde, au point de prendre les traits d’une troisième guerre par morceaux… car les destins des pays sont fortement liés entre eux sur la scène mondiale » (§ 259).

« Toute guerre laisse le monde pire que dans l’état où elle l’a trouvé. La guerre est toujours un échec de la politique et de l’humanité, une capitulation honteuse, une déroute devant les forces du mal. N’en restons pas aux discussions théoriques, touchons les blessures, palpons la chair des personnes affectées. Retournons contempler les nombreux civils massacrés, considérés comme des « dommages collatéraux ». Interrogeons les victimes. Prêtons attention aux réfugiés, à ceux qui souffrent des radiations atomiques ou des attaques chimiques, aux femmes qui ont perdu leurs enfants, à ces enfants mutilés ou privés de leur jeunesse. Prêtons attention à la vérité de ces victimes de la violence, regardons la réalité avec leurs yeux et écoutons leurs récits le cœur ouvert. Nous pourrons ainsi reconnaître l’abîme de mal qui se trouve au cœur de la guerre, et nous ne serons pas perturbés d’être traités de naïfs pour avoir fait le choix de la paix » (§ 261).

Il faut faire le choix de la paix, reconnaître la fraternité humaine : « Ce qui tombe en ruine dans toute guerre est « le projet même de fraternité inscrit dans la famille humaine » (§ 26).

Jésus nous disait : « Tous vous êtes des frères » (Mt 23,8) (§ 95) et nous, croyants, reconnaissons que cette fraternité universelle est fondée sur la reconnaissance de Dieu, Notre Père.

Ysabel de Andia[11]

Ces quelques lignes ont été écrites à la demande de Constanin Sigov.

 

[1] Pro Oriente: The Vienna Dialogue. Five Pro Oriente Consultations with Oriental Orthodoxy. The Vienna Dialogue. Middle East Regional Symposium. Deir Amba Bishoy, October 1991, Vienna, 1991.

[2] Ces neuf livres sont publiés : Forscher aus dem Osten und Westen Europas an den Quellen des gemeinsamen Glaubens, Wiener Patristische Tagungen I-IX, Pro Oriente, ed. Tyrolia, Innsbruck- Wien, 2004. 2005. 2007. 2009. 2010. 2014. 2017. 2019. 2021.

[3] Métropolite Hilarion Alfeyev, Orthodox Christianity, vol. 1-5, SPCK, 2019 ; Id., L’univers spirituel d’Isaac le Syrien, Spiritualité orientale n° 26, Abbaye de Bellefontaine, 2001.

[4] G. Orwell, 1984, 1949. Il décrit une Grande Bretagne trente ans après une guerre nucléaire entre l’Est et l’Ouest où s’est instauré un régime de type autoritaire inspiré du stalinisme et du nazisme.

[5] A. Huxley, Le Meilleur des mondes, 1932. Vingt-cinq ans plus tard, Huxley publie un essai consacré à ce livre, Retour au meilleur des mondes, insistant notamment sur les évolutions du monde qu’il perçoit comme allant dangereusement vers le monde décrit dans son ouvrage.

[6] Chercheur à l’Institut de philosophie de l’Académie nationale des sciences d’Ukraine, il fonde en 1992 le laboratoire franco-ukrainien à l’Université de Kiev, qu’il dirige. Il enseigne la philosophie à l’Académie Mohyla de Kiev, et a soutenu la révolte du Maïdan. Entre 1991 et 1995, il a enseigné à l’EHESS (École des Hautes Études de Sciences Sociales) à Paris et a participé à la rédaction du Vocabulaire européen des philosophes (Seuil, 2004), qu’il a ensuite publié en ukrainien.

[7] Intervention sur « Le régime d’atemporalité et le centième anniversaire de la rencontre d’Ossip et Nadejda Mandelstam », faite en Italie lors d’une conférence sur le thème « Uomini liberi. La cultura del samizdat risponde a oggi » (Seriate, 12-15 octobre 2018).

[8] T. Snyder, L’Europe entre Hitler et Staline, trad. de l’anglais, Gallimard, 2012. « Voici l’histoire d’un meurtre politique de masse. » C’est par ces mots que Timothy Snyder entame le récit de la catastrophe au cours de laquelle, entre 1933 et 1945, 14 millions de civils, principalement des femmes, des enfants et des vieillards, ont été tués par l’Allemagne nazie et l’Union soviétique stalinienne. Tous l’ont été dans un même territoire, que l’auteur appelle les « terres de sang » et qui s’étend de la Pologne centrale à la Russie occidentale en passant par l’Ukraine, la Biélorussie et les pays Baltes.

[9] A. Schmemann (1921 en Estonie-1983 aux USA) De 1946 à 1951, il enseigna l’histoire ecclésiale à l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge, puis en 1951, il fut invité à rejoindre le séminaire Saint-Vladimir (alors à New York) par le Père Georges Florovski.

 

[10] Averintsev, « La Sapienza di Dio ha costruito una casa (Pr 9, 1) per la dimora di Dio stesso tra noi: il concetto di Sofia e il significato dellicona », in : Sophia. La Sapienza di Dio, Roma-Milano, 1999, p. 3–7.

[11] Agrégée de philosophie, Docteur en philosophie (Sorbonne, Paris) et en théologie (Université Grégorienne, Rome), Directeur de Recherche au CNRS à la retraite.

 

 

 

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Ysabel de Andia

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