Le nonce apostolique au Nicaragua, Mgr Waldemar Stanislaw Sommertag – ambassadeur polonais, en poste depuis 2018 – a été expulsé le 6 mars 2022: la nouvelle de l’expulsion a été confirmée samedi 12 mars par le Vatican dans un communiqué en italien et en espagnol.
Une nouvelle reçue à Rome avec « surprise » et « douleur »: la notification a été accompagnée d’un « effet immédiat ». Mais la nonciature reste ouverte.
Pour sa part, la dernière ambassadrice du Nicaragua au Vatican, Mme Elliette del Carmen Ortega Sotomayor, a présenté ses lettres de créance le 24 avril 2021, et elle a dû quitter son poste en août dernier. Elle n’a pas été remplacée.
Le cardinal archevêque de Managua, Leopoldo Brenas a remercié le nonce pour les services rendus « beaucoup en silence et beaucoup peut-être publiquement, mais il a tout fait à partir de l’Evangile et pour aider le Nicaragua en nous accompagnant les évêques et aussi les paroissiens de ce pays ».
En faveur des « prisonniers politiques »
Déjà, en décembre dernier, l’ambassadeur du Vatican avec été déchu par décret de son statut de « doyen » du Corps diplomatique, statut du représentant du pape dans les pays à majorité catholique.
Il avait fâché à Managua en employant le terme « prisonniers politiques », jusqu’ici évité dans ses contacts pour aider les familles des détenus: sa médiation a obtenu que certains soient libérés.
Pour le Saint-Siège cette mesure d’expulsion est « incompréhensible » étant donné le travail du nonce « pour le bien de l’Église et du peuple nicaraguayen, en particulier pour les plus vulnérables » et pour « les bonnes relations entre le Siège apostolique et les autorités du Nicaragua ».
En effet, il a participé en tant que témoin et accompagnateur de la Table de Dialogue national entre le gouvernement et l’opposition, pour une réconciliation nationale et la libération des prisonniers politiques.
Le nonce, en dépit de l’avis négatif des évêques, tentait une négociation avec le gouvernement.
Des persécutions et des intimidations
Le Saint-Siège a cherché à tisser un dialogue avec la dictature d’Ortega qui persécute l’Église au point qu’un évêque, Mgr Juan Abelardo Mata Guevara, a échappé à un attentat.
Pour sa part Mgr Silvio José Báez, auxiliaire de Managua, a dû quitter le pays après différentes menaces de mort. Il aurait voulu rester dans son pays, mais le pape François l’a rappelé à Rome, pour sa sécurité. Il a décidé par la suite de s’installer à Miami.
Le 4 mars 2020, notamment, Mgr Báez avait protesté contre l’irruption violente de partisans du gouvernement aux obsèques d’un poète, le p. Ernesto Cardenal, ancien ministre de la culture de l’époque sandiniste, devenu critique envers la « dictature » d’Ortega. Ses choix politiques lui avaient valu d’être déclaré suspens a divinis par Jean Paul II en 1985, sanction révoquée par le pape François le 17 février 2019, à la demande du prêtre, et en raison de son âge avancé – il est mort à 95 ans -.
Depuis le soulèvement populaire de 2018, quand le gouvernement a voulu changer le système des retraites, des églises sont visées, comme la cathédrale de Managua en 2020. Les prêtres et les évêques sont la cible d’intimidations policières. Un poste de police surveille la résidence de l’archevêque de Managua, le cardinal Leopoldo Brenas Solorzano.
Réaction de la conférence épiscopale
La conférence épiscopale du Nicaragua a annoncé pour sa part, dans une note du 9 mars, qu’elle avait été informée par le chargé d’affaires intérimaire de la nonciature que Mgr Waldemar Stanislaw Sommertag avait quitté le pays pour Rome le 6 mars: « En tant que Conférence épiscopale du Nicaragua, nous réitérons notre adhésion et notre proximité au pape François, ainsi que nos remerciements au nonce, Mgr Waldemar Sommertag, qui nous a toujours accompagnés dans notre travail pastoral, en rendant présents le magistère et la personne du pape. »
Les évêques rappellent en même temps qu’il n’est pas de leur compétence de s’exprimer sur l’accréditation d’un nonce – ambassadeur – et ils se confient à l’intercession de Notre Dame de Fatima, dont une statue pèlerine visitera le diocèse de Managua en mai prochain.
Dignité et liberté
Le 9 janvier dernier, l’évêque de Matagalpa, Mgr Rolando J. Álvarez, a rappelé les principes sur lesquels le Nicaragua peut se reconstruire, a rapporté l’agence vaticane Fides: « Le principe de la dignité humaine est fondamental pour reconstruire un pays. Le respect de la personne et de sa dignité doit être l’axe autour duquel tout effort doit tourner afin qu’il devienne le fondement de toute organisation sociale. L’homme est l’image et la ressemblance de Dieu, ce qui signifie qu’il est doté d’une immense dignité, et lorsque l’homme est offensé…, une offense très grave est commise contre Dieu ».
Pour Mgr Álvarez « la dignité humaine vient de Dieu, du fait d’être son fils. Dieu, en se faisant Homme, en prenant cette chair, confère à tout homme une dignité transcendante, élevée et inviolable ».
Il a aussi insisté sur la liberté: « La liberté est un autre pilier sur lequel le Nicaragua doit être reconstruit, elle est la conséquence du respect de la dignité. »
Il a cité le pape Jean-Paul II : « La liberté est la mesure de la dignité et de la grandeur de l’homme (…). La liberté est la mesure de la dignité et de la grandeur des peuples. Sans liberté, une nouvelle option de pays ne peut être construite. La liberté permet à toute société de se développer, elle implique un sens de la responsabilité individuelle et sociale, car la personne travaille consciencieusement pour son propre bien et pour le bien commun. »