« Il est recommandé d’employer l’exonyme Kiev en français, sans craindre de paraître cautionner ni des droits de la Russie sur cette ville ni l’agression russe en Ukraine, même s’il n’est pas mauvais d’indiquer aussi le nom officiel local Kyïv entre parenthèses », indique la Commission nationale française de toponymie.
AB
Le nom français de Kiev
Communiqué de la Commission nationale de toponymie
Certains partisans de l’Ukraine appellent, en signe de solidarité, à désigner en français les villes de ce pays par leur nom en langue ukrainienne.
Chacun peut certes partager leur indignation face à une violation flagrante du droit d’un peuple à disposer de lui-même, qui constitue l’un des buts proclamés par la Charte des Nations unies de 1945 (article 1er, paragraphe 2), et à la violence de la guerre. Mais la solidarité avec l’Ukraine peut et doit trouver de meilleurs moyens de s’exprimer.
En effet, le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes implique aussi pour les Français celui de dénommer les lieux étrangers en français ou conformément à l’usage courant répandu en France. Or, chacun peut aisément constater que la forme établie dans l’usage francophone actuel pour désigner la capitale de l’Ukraine est Kiev, différent du nom ukrainien Kyïv et qui constitue donc un exonyme français. L’arrêté du 4 novembre 1993 « relatif à la terminologie des noms d’États et de capitales » dispose que « la forme recommandée pour la désignation des pays et des capitales est la forme française (exonyme) existant du fait de traditions culturelles ou historiques francophones établies. »
Il est vrai qu’historiquement, Kiev a été réemprunté de l’ancien nom russe (1724), après qu’un premier emprunt avait donné des formes telles que Kioff (1570), Kiow (XVIIe siècle), Kuow (1648), Kiov (XVIIIe siècle)… Et à l’oral, l’usage français actuel a aussi adopté la prononciation russe du nom de Donetsk : [doniètsk]. Ce type de décalage entre langues historiquement parlées en un même lieu en fonction de l’époque de l’emprunt n’est d’ailleurs pas exceptionnel parmi les exonymes français, compte tenu de l’histoire des pays européens : Macao (Chine) et Mogadiscio (Somalie) sont d’anciens noms respectivement portugais et italien, le nom de la Birmanie a été emprunté de l’anglais Burma, etc. Mais ces origines historiques n’affectent en rien la légitimité de ces exonymes, qui est exclusivement fondée sur l’usage actuel.
En résumé, il est recommandé d’employer l’exonyme Kiev en français, sans craindre de paraître cautionner ni des droits de la Russie sur cette ville ni l’agression russe en Ukraine, même s’il n’est pas mauvais d’indiquer aussi le nom officiel local Kyïv entre parenthèses après le premier emploi de l’exonyme. *
La Commission nationale de toponymie (CNT)
La Commission nationale de toponymie (CNT) a été créée auprès du Conseil national de l’information géographique (CNIG) en 1987 et officialisée par décret de 1999. Actuellement régie par le mandat du CNIG du 11 juillet 2012, elle a pour mission « de contribuer à la conservation et au développement cohérent du patrimoine toponymique de la France », et notamment « de normaliser (…) la toponymie française relative aux lieux étrangers ou sans souveraineté et à l’espace, et le traitement en français de la toponymie étrangère et le cas échéant leur romanisation française ».
Elle est présentée en ligne à l’adresse http://cnig.gouv.fr/?page_id=671 et ses travaux sont mis en ligne à l’adresse http://cnig.gouv.fr/?page_id=10578.
Depuis 2004, la CNT est présidée par M. Pierre Jaillard, administrateur de l’INSEE, également président du Groupe d’experts des Nations unies pour les noms géographiques (GENUNG), et son rapporteur est Mme Élisabeth Calvarin, ancien expert technique à l’IGN. Elle comprend en outre une trentaine de membres, représentants d’institutions administratives ou académiques françaises et linguistes ou géographes français ou francophones. Le président et le rapporteur sont à la disposition de tout interlocuteur intéressé.