Pré-synode © Vatican Media

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Le chemin de la synodalité : « Expérimenter notre unité dans la diversité », par A. Desmazières

« La synodalité, un antidote à la « culture de l’abus » »

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Le chemin de la synodalité :

Expérimenter notre unité dans la diversité

 

Le chemin de la synodalité que le pape François nous invite à vivre de manière plus intense dans le cadre de la préparation du prochain Synode sur la synodalité est l’occasion que nous expérimentions toujours davantage notre unité dans la diversité en Eglise. L’unité de l’Eglise, que nous proclamons dans le Credo, n’est pas uniformité. Prenons garde de ne pas vouloir confisquer l’autre, lui imposer notre propre sensibilité ecclésiale, notre propre manière de voir. La synodalité c’est justement expérimenter la richesse de la diversité, qui témoigne de la victoire de l’amour, qui nous fait aller plus loin grâce aux talents de chacun.

Accueillir la grâce de la diversité

Il s’agit donc d’accueillir la grâce de la diversité. Cette grâce de la diversité est d’abord à expérimenter en nous-même. Comme le dit bien le pape François dans La joie de l’Evangile, « Nous découvrirons que le premier domaine où nous sommes appelés à conquérir cette pacification dans les différences, c’est notre propre intériorité, notre propre vie toujours menacée par la dispersion dialectique. Avec des cœurs brisés en mille morceaux, il sera difficile de construire une authentique paix sociale » (n. 229). La diversité, les tensions en nous-même peuvent être portées comme des fardeaux. Elles sont en fait des lieux d’accueil de la grâce, de discernement du chemin à prendre à la suite du Christ. De même, la diversité de l’autre me bouscule pour me pousser à faire un pas de plus vers l’inconnu, vers un don de moi-même plus généreux.

Le processus synodal est justement un temps d’accueil privilégié de la grâce de la diversité en Eglise, en société aussi, pour surmonter nos polarisations. Il ne s’agit pas de les nier, mais de les recevoir dans une perspective d’unité. Comment ce temps d’écoute du Peuple de Dieu dans son ensemble peut-il être un temps d’écoute mutuelle dans nos diversités ? Le cadre diocésain dans lequel il est appelé à être mené nous rappelle que nous ne nous choisissions pas, nous ne nous cooptons pas entre chrétiens, mais nous nous recevons de Dieu qui nous appelle personnellement et nous convoque en Peuple pour édifier son Eglise. Alors que notre Eglise fonctionne de plus en plus sous mode d’affinités électives – je choisis ma paroisse, mon mouvement, il fait bon aussi d’expérimenter que nous nous recevons les uns les autres de Dieu. Cela est certes moins confortable, mais c’est cela qui nous constitue véritablement comme chrétiens. Il y a un inconditionnel de nous accueillir comme frères et sœurs dans nos diversités.

La synodalité, un antidote à la « culture de l’abus »

Dès lors, il apparaît crucial de vivre ce « tous ensemble » sous la motion de l’Esprit et non selon des logiques partisanes qui me font rester dans ma petite chapelle et chercher à peser sur les destinées de l’Eglise non seulement française, mais également universelle par des procédés non évangéliques. La synodalité représente le seul antidote véritable à la « culture de l’abus », dénoncée par le pape François dans sa lettre au Peuple de Dieu du 20 août 2018. Prenons à ne pas la pervertir et la défigurer pour maintenir l’ordre établi, un ordre confortable pour ceux à qui profite cette logique de « pouvoir ».

Une conversion personnelle et ecclésiale est nécessaire à tous les échelons de l’Eglise, les pasteurs ayant une responsabilité spéciale à cet égard. Cette phase préparatoire du Synode appelle à un changement profond dans notre manière d’être en Eglise, à vivre d’une « culture de la protection » qui appelle une proximité avec le Peuple, une cohérence entre la parole et l’agir. Cela implique des changements concrets dans nos fonctionnements ecclésiaux où règnent la politique du fait accompli, le recours aux calomnies pour éliminer l’adversaire, la « dissimulation » – que le pape associe justement à l’abus.

La synodalité ne pourra pas être mise en œuvre authentiquement si ces procédés demeurent et continuent d’être justifiés par une fausse conception de l’obéissance ou des considérations « politiques ». Gare à vouloir faire de la synodalité un effet de com’, destinée à « créer l’événement ».  Travestie, sa mise en œuvre sera un nouveau contre-témoignage qui alimentera la division et suscitera de nouveaux départs. La communion ecclésiale ne peut se réaliser dans le mensonge et la dissimulation, qui est mépris du Peuple, mépris de la société qui interpelle à juste titre sur sa fidélité au message évangélique : « Je suis le chemin, la vérité, la vie ».

« Tous ensemble »

Cette phase préparatoire d’écoute du Peuple de Dieu s’enracine dans l’affirmation exprimée par Vatican II que : « La collectivité des fidèles, ayant l’onction qui vient du Saint, ne peut se tromper dans la foi ; ce don particulier qu’elle possède, elle le manifeste moyennant le sens surnaturel de foi qui est celui du peuple tout entier » (Lumen gentium n. 12). Cette infaillibilité du Peuple, qui se conjugue avec l’infaillibilité des pasteurs, est celle du peuple « tout entier » et non celle de « majorité », ou a fortiori d’une « minorité ». Il s’agit de viser au consensus dans une écoute commune de l’Esprit : « Le peuple fidèle, le Collège épiscopal, l’Évêque de Rome, chacun à l’écoute des autres ; et tous à l’écoute de l’Esprit Saint, l’ « Esprit de Vérité », pour savoir ce qu’il dit aux Églises » (discours du pape François du 17 octobre 2015).

Cette écoute appelle à un discernement communautaire qui nécessite du temps : « Le temps est supérieur à l’espace ». Le chemin du consensus est un chemin lent, patient, mais seul susceptible de bâtir sur le roc du Christ. Des voix prophétiques – isolées, minoritaires – peuvent se donner à entendre. Méditant l’hymne aux Ephésiens, Benoît XVI disait ainsi : « Lorsque […] je suis humble j’ai la liberté aussi d’être en opposition avec une opinion dominante, avec les pensées des autres, parce que l’humilité me donne la capacité, la liberté de la vérité » (Lectio divina du 23 février 2012). Tous prophètes par notre baptême, nous sommes appelés à vivre la liberté de la vérité, qui est le courage des saints – dans l’humilité. Le pape François lie cette prise de parole prophétique, qu’il nomme parrhésie, à l’écoute humble. C’est dans cette écoute humble que la vérité de la prophétie pour l’Eglise pourra être discernée, non dans des revendications de « minorité » qui réduisent la synodalité à des logiques d’influence.

A cet égard, la participation des plus pauvres au processus synodal est cruciale dans la perspective d’un « tous ensemble », mais leur parole ne mérite pas d’être confisquée à des fins politiques. Les pauvres sont une « terre sacrée » qu’il ne convient pas de bafouer pour faire prévaloir ses propres intérêts en instrumentalisant leur parole ou en les utilisant pour constituer une belle façade au mépris de leur dignité. Vivons « tous ensemble » cette synodalité à la suite de Primo Mazzolari : « Comme ce serait évangélique si nous pouvions dire en toute vérité : nous sommes pauvres, nous aussi, et c’est seulement de cette manière que nous réussissons à les reconnaître réellement et les rendre partie intégrante de notre vie et instrument de salut » (cité par le pape François dans son Message pour la Journée mondiale des pauvres du 14 novembre 2021).

 

Agnès Desmazières

 

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Rédaction

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