P. Michael Czerny © Jesuitas de México

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Théologie : la synodalité au cœur des efforts de renouveau de l’Église, par le card. Czerny SJ (2)

Intervention à la conférence à Toronto

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« La synodalité qui commence, se déroule et se termine par le dialogue (l’écoute !) est au cœur aujourd’hui des efforts de renouveau de l’Église », affirme le cardinal Michael Czerny s.j., responsable de la section Migrants et Réfugiés du Dicastère pour le service du développement humain intégral.

Il est intervenu le 19 novembre 2021 à la conférence du chancelier au Regis College à Toronto (Canada). Les participants à la conférence ont réfléchi sur le thème: « Le renouveau de la théologie comme dialogue de l’intérieur ».

Chaque dialogue, explique le cardinal, « nous rappelle la volonté divine d’entrer en relation avec l’humanité, et cela se fait à travers (día) le Christ ; chaque parcours synodal se projette au-delà du temps et nous rappelle que le but ultime est la pleine communion avec Dieu, que nous atteindrons ensemble (syn) ».

La première partie de notre synthèse se trouve ici.

  1. Le courage du discernement et du dialogue

Le courage est « une qualité du cœur qui, malgré de nombreuses difficultés, soutient le discernement et le dialogue », affirme le card. Czerny.

Le courage, note-t-il, signifie « ne pas se dérober à la tâche d’accroître la rencontre entre la foi et la science, entre l’annonce et la culture, entre les cultures et les religions, même s’il y a parfois un risque de confrontation ou de friction ». La volonté du Concile Vatican II « d’abandonner une certaine défensive ‘apologétique’ dans la manière d’aborder les études théologiques » a été portée « à un point de conscience plus élevé » dans la constitution apostolique du pape François sur les universités et les facultés ecclésiastiques Veritatis gaudium: « Une Église qui se comprend comme en sortie, non pas dans une confrontation ouverte avec la modernité, mais dans un dialogue ouvert avec le monde d’aujourd’hui. »

Cette insistance sur le courage, explique le cardinal, « reconnaît que le dialogue et le discernement ne sont pas seulement des techniques ou même des stratégies, mais des engagements coûteux qui nous imposent constamment les exigences les plus intrusives ».

Car « un discernement sincère », dit-il, « accepte le risque d’opter pour la volonté de Dieu qui veut le meilleur pour ses créatures ». « L’apprentissage et la pratique du discernement » peuvent inclure toute sorte de connaissances, mais « dépassant celles-ci ». Il faut se rappeler « toujours que le discernement est une grâce », « un don ».

Le dialogue, quant à lui, « suppose un engagement personnel à pratiquer l’accueil et l’hospitalité, et à promouvoir une culture de la rencontre ».

Le cardinal cite le pape François qui – se référant à Babel où l’on « ne comprend pas ce que l’autre dit » – « identifie le syndrome de Babel qui est un vrai danger » : « Ne pas écouter ce que l’autre dit et croire que je sais ce que l’autre pense et ce qu’il dira. C’est la peste ! », dit le pape.

L’attention et le courage, souligne le card. Czerny, résument les « éléments et des critères qui traduisent la manière selon laquelle l’Évangile a été vécu et annoncé par Jésus et avec laquelle aujourd’hui aussi il peut être transmis par ses disciples ».

  1. Le dialogue entre disciplines

Le cardinal parle de la « théologie de l’accueil » qui est appelée, comme dit le pape François, « à développer un dialogue sincère avec les institutions sociales et civiles, avec les centres universitaires et de recherche, avec les responsables religieux et avec toutes les femmes et les hommes de bonne volonté »

« Quelles exigences l’attention et le courage posent-ils aux habitudes du théologien ? » s’interroge le card. Czerny.

« Une théologie de l’accueil », explique-t-il, « a besoin de théologiens qui sachent travailler ensemble et sous forme interdisciplinaire ». Les facultés ecclésiastiques « doivent être capables de lancer des recherches spécialisées qui enrichissent l’Église en facilitant l’échange entre les différentes identités culturelles et en explorant de nouvelles voies de rencontre avec la réalité et l’actualité ». « Cela demande de l’attention et du courage », répète le responsable de la section Migrants et Réfugiés. Il est important, souligne-t-il, d’intégrer « le principe vital et intellectuel de l’unité du savoir dans la distinction et dans le respect de ses multiples expressions, corrélées et convergentes » ».

Les élèves, note-t-il, « commencent en mode pluridisciplinaire, par la découverte progressive de ce que les différentes disciplines disent sur une question ». Vient ensuite un mode interdisciplinaire: « cela consiste à accueillir dans ma discipline les notions et les modes de pensée élaborés par une autre discipline ».

Le cardinal rappelle « un autre principe clé du pape François », à savoir que « le tout est plus que la partie, et plus aussi que la simple somme de celles-ci ». Ce principe se manifeste dans l’encyclique Laudato si’, ce « grand essai de pensée transdisciplinaire » et de « dialogue avec tous ».

  1. Le travail en réseau

« Le travail en réseau », souligne le cardinal, « est indispensable dans un monde toujours plus interdépendant », « et, par conséquent, les problématiques de la théologie et la catholicité de l’Église l’exigent » : « La théologie, il n’y a pas de doute, doit être enracinée et fondée sur la Sainte Écriture et dans la Tradition vivante, mais cela justement doit accompagner simultanément les processus culturels et sociaux », lit-on dans Veritatis Gaudium.

Ainsi, les facultés de théologie et les universités ecclésiastiques sont appelées, selon les paroles du pape François, à contribuer « à l’édification d’une société juste et fraternelle ». « Les questions de notre peuple, dit le pape, ses peines, ses combats, ses rêves, ses luttes, ses préoccupations, possèdent une valeur herméneutique que nous ne pouvons ignorer si nous voulons prendre au sérieux le principe de l’incarnation. » C’est ainsi que l’on peut « fuir les logiques auto-référentielles, compétitives et, de fait, aveuglantes qui existent souvent également dans nos institutions académiques ».

La théologie, dit le pape François, doit « se conformer à l’Esprit de Jésus Ressuscité, avec sa liberté d’aller dans le monde et d’atteindre les périphéries, même celles de la pensée. […] les grandes synthèses théologiques du passé sont des mines de sagesse théologique, mais elles ne peuvent pas s’appliquer de façon mécanique aux questions actuelles » (discours à Naples, 2019).

  1. Renouveler la théologie de l’intérieur

Le renouveau de la théologie « en tant que dialogue de l’intérieur, explique le card. Czerny, exige une docilité à l’Esprit pour que le dialogue puisse avoir lieu dans tous les intérieurs nécessaires : à l’intérieur du monde et de la culture des gens, en particulier ceux aux périphéries ; à l’intérieur de l’Église et de son histoire, surtout Vatican II ; à l’intérieur des différentes traditions religieuses ; et à l’intérieur du théologien ».

« Puis-je laisser les autres s’approprier mon idée sans insister pour qu’ils pensent comme moi ? » se demande le cardinal. « Cette réciprocité de l’accueil de l’autre et de l’accueil par l’autre est le signe d’une attitude dialogique et fraternelle : chercher ensemble la vérité, sans prétendre la dominer. »

Cette attitude, note-t-il, « s’épanouit dans l’oxygène du débat ». « La réflexion croyante – la théologie – atteint son but lorsqu’elle ouvre l’esprit dans la direction du cœur, c’est-à-dire qu’elle nous rend plus disposés à accueillir et à aimer, à avoir un grand cœur envers notre prochain », souligne le cardinal. Une théologie est « docile à l’Esprit » parce qu’elle « dialogue avec son contexte de vie en expansion et aime ceux qu’elle croise sur les chemins de la pensée ».

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Marina Droujinina

Journalisme (Moscou & Bruxelles). Théologie (Bruxelles, IET).

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