« La menace de l’antisémitisme, une mèche qu’il faut éteindre »: le pape François met à nouveau en garde contre la plaie de l’antisémitisme dans un tweet où il invite à miser sur « l’éducation à la fraternité »
Le pape a en effet oublié cé tweet du 9 novembre 2021, sur son compte @Pontifex: « Engageons-nous à promouvoir une éducation à la fraternité, afin que les résurgences de la haine qui veulent la détruire ne l’emportent pas. La menace de l’antisémitisme, qui couve encore en Europe et ailleurs, est une mèche qu’il faut éteindre. »
A Rome, la grande synagogue est illuminée, pour marquer l’anniversaire de la « Nuit de Cristal », le pogrom contre les Juifs du Troisième Reich qui se déroula dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 et dans la journée qui suivit, ordonné par le chancelier du Reich, Adolf Hitler, organisé par Joseph Goebbels et commis par des membres de la Sturmabteilung (SA), de la Schutzstaffel (SS) et de la Jeunesse hitlérienne, soutenus par le Sicherheitsdienst (SD), la Gestapo et d’autres forces de police.
Près de deux cents synagogues et lieux de culte furent détruits, 7 500 commerces et entreprises gérés par des Juifs saccagés ; une centaine de Juifs furent assassinés, des centaines d’autres se suicidèrent ou moururent des suites de leurs blessures et près de 30 000 furent déportés en camp de concentration : le pogrom et les déportations qui suivirent causèrent la mort de 2 000 à 2 500 personnes. La « nuit de Cristal » fait partie des prémices de la Shoah.
Le pape avait déjà employé cette expression de la « mèche à éteindre » à propos de l’antisémitisme, lors de son voyage en Hongrie, à Budapest, en septembre dernier.
C’est dans le contexte très particulier de l’histoire de la communauté juive de Hongrie, exterminée à 80% par la barbarie nazie pendant la Shoah, que le pape François avait lancé un avertissement contre l’antisémitisme, le dimanche 12 septembre, à Budapest.
Le pape a spécialement remercié le rabbin Radnóti, rabbin principal de Mazsihisz, qui l’a accueilli.
Il a évoqué des « projets de paix »: « Il nous est demandé de laisser les incompréhensions du passé, les prétentions d’avoir raison et de donner tort aux autres, pour nous mettre en chemin vers sa promesse de paix, car Dieu a toujours des projets de paix, jamais de malheur. (cf. Jr 29, 11). »
Plus encore, après les tragédies passées, le pape a invité à la « fraternité »: « Je voudrais reprendre avec vous l’image évocatrice du Pont des Chaînes, qui relie les deux parties de cette ville : il ne fusionne pas celles-ci mais les maintient unies. C’est ainsi que doivent être les liens entre nous. Chaque fois qu’il y a eu la tentation d’absorber l’autre, on n’a pas construit mais on a détruit. De même lorsqu’on a voulu le mettre dans un ghetto, au lieu de l’intégrer. Que de fois c’est arrivé dans l’histoire ! Nous devons veiller, nous devons prier pour que ça ne se reproduise plus. Et nous engager à promouvoir ensemble une éducation à la fraternité« .
Une fraternité qui puisse éteindre « les relents de la haine qui veulent la détruire ». Le pape a fustigé l’antisémitisme, invité à en éteindre la moindre étincelle: « Je pense à la menace de l’antisémitisme qui circule encore en Europe et ailleurs. C’est une mèche qui doit être éteinte. Mais le meilleur moyen de la désamorcer c’est de travailler ensemble de manière positive, c’est de promouvoir la fraternité. Le Pont nous instruit encore : il est soutenu par de grandes chaînes, formées de nombreux anneaux. Nous sommes ces anneaux et chaque anneau est fondamental : c’est pourquoi nous ne pouvons plus vivre dans la suspicion et dans l’ignorance, distants et discordants. »
Le pape a évoqué la lumière répandue par le poète juif hongrois Miklós Radnóti (Miklós Glatter) assassiné le 9 novembre 1944, et dans une poche, on a retrouvé l’un de ses derniers poèmes : « Sa carrière brillante a été brisée par la haine aveugle de ceux qui, seulement parce qu’il était d’origine juive, lui ont d’abord interdit d’enseigner et l’ont ensuite enlevé à sa famille. »
Le pape a souligné comment il est resté poète même dans l’abomination du camp: « Enfermé dans un camp de concentration, l’abîme le plus obscure et dépravé de l’humanité, il a continué à écrire des poésies jusqu’à sa mort. Son Carnet de Bor est l’unique recueil poétique qui a survécu à la Shoah : il témoigne de la force de croire à la chaleur de l’amour dans le froid du lager et d’illuminer l’obscurité de la haine avec la lumière de la foi. L’auteur, étouffé par les chaînes qui lui oppressaient l’âme, a trouvé dans une liberté supérieure le courage d’écrire : « Captif, de tout espoir j’ai appris la mesure » (Carnet de Bor, Lettre à sa femme). Et il a posé une question qui résonne encore pour nous aujourd’hui : « Et toi comment vis-tu ? Trouve-t-elle écho, ta voix, dans cette époque ? » (Carnet de Bor, Première Eglogue). Nos voix, chers frères, ne peuvent que se faire l’écho de cette Parole que le Ciel nous a donnée, écho d’espérance et de paix. Et même si nous ne sommes pas écoutés, ou si nous sommes incompris, ne démentons jamais par les faits la Révélation dont nous sommes témoins. »
Commentant une de ses poésies, le pape François a invité à cultiver les « racines » et la mémoire: « A la fin, dans la solitude désolée du camp de concentration, alors qu’il se rendait compte que sa s’en allait, Radnóti a écrit : « Moi-même je suis racine à présent… J’étais une fleur, je suis devenu racine » (Carnet de Bor, Racine). Nous sommes appelés, nous aussi, à devenir des racines. Nous cherchons souvent les fruits, les résultats, l’affirmation. Mais celui qui fait fructifier sa Parole en terre, avec la même douceur que la pluie qui fait germer le champ (cf. Is 55, 10), nous rappelle que nos chemins de foi sont semences : des semences qui se transforment en racines souterraines, des racines qui alimentent la mémoire et font germer l’avenir. »