Card. Ouellet - ZENIT - HSM

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Europe : « Partager la vision chrétienne de la dignité humaine », par le card. Ouellet

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Assemblée du Conseil des conférences épiscopales d’Europe

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L’Europe chrétienne peut offrir au monde une « vision humaine universelle » parce qu’elle a une « plus grande conscience de la dignité humaine, grâce à la vérité de l’Incarnation », a affirmé le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques, devant l’assemblée du Conseil des conférences épiscopales d’Europe (CCEE), ce vendredi 24 septembre. Le CCEE fête en effet ses 50 ans à Rome.

Le cardinal Marc Ouellet est intervenu devant les présidents des 39 conférences épiscopales d’Europe qui forment la CCEE, réunis en assemblée plénière à Rome du 23 au 26 septembre 2021. Il a invité les évêques européens à « élargir » leur vision « au-delà des problèmes spécifiques à l’Europe, vers l’horizon de la mission universelle de l’Église ».

L’humanité, analyse le cardinal québecois, est confrontée à un « problème anthropologique fondamental : celui de la dignité humaine, proclamée et défendue comme principe, mais ensuite foulée aux pieds dans les faits ». Les chrétiens européens ont donc une contribution à apporter en indiquant « la racine profonde de cette dignité », en offrant une « vision de l’homme, image de Dieu », qui donne « un horizon d’espérance transcendante et de fraternité pour toute l’humanité ».

« La vocation missionnaire de l’Europe chrétienne comporte une puissante dimension culturelle et théologique que nous, évêques, devons encourager, stimuler et confirmer », a souligné le préfet de la Congrégation pour les évêques. Il s’agit de « faire naître une nouvelle culture attractive, faite d’amitié sociale et politique, de créativité artistique et éducative et aussi de multiples vocations passionnées pour la fraternité universelle ».

Voici notre traduction à partir de l’anglais de l’intervention du cardinal Ouellet.

 

Intervention du cardinal Ouellet

Chers frères dans l’épiscopat,

L’événement qui nous réunit célèbre le souvenir de 50 ans de communion épiscopale dans le sillage du Concile œcuménique Vatican II, étant donné que le CCEE est né en particulier grâce à l’impulsion du décret conciliaire Christus Dominus : « En tant que successeurs légitimes des apôtres et membres du collège épiscopal, les évêques doivent se rendre compte qu’ils sont liés entre eux et manifester leur souci de toutes les Églises » (CD 6). À cette fin, la création de Conférences épiscopales a été encouragée et réglementée afin que, lorsque « l’expérience aura été partagée et les points de vue échangés, il en [ressorte] une sainte union des énergies au service du bien commun des Églises » (CD 37).

Le joyeux anniversaire de ce demi-siècle de communion et de coopération épiscopale en Europe donne un motif de gratitude et un nouvel élan, en nous offrant l’occasion d’acquérir, à partir du sens fondamental du dernier concile, une orientation pour élargir notre vision au-delà des problèmes spécifiques à l’Europe, vers l’horizon de la mission universelle de l’Église. L’ensemble du pontificat du pape François est une paraphrase de la nature missionnaire du concile, que nous pouvons voir reflétée, entre autres, dans ses deux principales encycliques : Laudato si’ et Fratelli tutti.

La nouveauté de ces grands messages qui incarnent l’incitation de l’exhortation apostolique Evangelii Gaudium, consiste à proclamer l’Evangile comme boussole pour naviguer dans les défis mondiaux actuels, dans lesquels tous les hommes et toutes les femmes de notre temps sont impliqués. Il ne s’agit pas seulement de définir un champ d’action commun à des peuples de confessions différentes, mais d’offrir une vision humaine universelle qui se déploie, à partir de l’Esprit qui pousse l’Église au dialogue, à la rencontre, à la solidarité, à la compassion, jusqu’à l’annonce d’une Vérité qui brûle dans ses profondeurs et n’accordera aucun répit tant que l’Évangile n’aura pas atteint tout le monde.

Dans le contexte des nations et à l’horizon de la mission universelle de l’Église, l’Europe est une réalité spécifique et unique en raison de la tradition chrétienne séculaire qui a façonné sa culture et ses institutions. Aucun autre continent ne peut prétendre offrir un héritage comparable en termes de passé chrétien et d’expérience missionnaire qui en découle. Malgré les conflits au cours des siècles, malgré la sécularisation et l’athéisme présents sur son territoire, il existe encore en Europe un terreau de foi toujours vivant et capable de donner un nouvel épanouissement de communion et de mission.

L’humanité, à laquelle s’adressent ces documents pontificaux, est plongée dans un problème anthropologique fondamental : celui de la dignité humaine, proclamée et défendue comme principe, mais ensuite foulée aux pieds dans les faits. Les inégalités, les jeux de pouvoir au détriment de ceux qui sont les moins protégés, un traitement différent selon les latitudes géographiques, contredisent souvent cette vision de l’homme si souvent invoquée mais ensuite ignorée dans les conséquences opérationnelles qui devraient en découler systématiquement. C’est précisément le concept de dignité de la personne, qui contient en lui ceux d’égalité et de fraternité (voir FT 106/107), que l’Europe a spécifiquement adopté dans ses systèmes juridiques. Ses expériences douloureuses pendant les guerres mondiales ont fait en sorte que la conscience de la dignité humaine fasse désormais partie intégrante de son héritage culturel.

C’est pourquoi les ministres de l’Église en Europe doivent être conscients de la contribution que les chrétiens de ce continent peuvent apporter à l’humanité, en indiquant la racine profonde de cette dignité, en offrant la vision de l’homme, image de Dieu, qui culmine dans l’incarnation de notre Seigneur Jésus-Christ et donne un horizon d’espérance transcendante et de fraternité pour toute l’humanité.

Inspirée par une plus grande conscience de la dignité humaine, grâce à la vérité de l’Incarnation, l’Europe chrétienne doit remettre en avant avec originalité le mode de pensée qui contemple en soi la foi et la raison dans un dynamisme structuré et non séparé. En effet, cette façon de penser n’a pas encore produit un fruit mûr dans le domaine de l’anthropologie, à cause d’un déficit dans l’ontologie trinitaire que la tradition chrétienne tarde à faire mûrir. Mais, providentiellement, des graines émergent sur le continent de cette pensée trinitaire, qui est libératrice et impliquante (1), et qui devrait prendre forme non seulement comme force culturelle de l’Europe chrétienne, mais comme sa responsabilité missionnaire spécifique envers l’humanité.

Le défi auquel nous, évêques européens, sommes confrontés est donc celui d’offrir à nos fidèles et à l’humanité souffrante de notre temps, une compréhension de l’homme provenant précisément du mystère trinitaire dans sa formulation la plus large ; une vision pleine d’espérance qui, jusqu’à présent, a été presque retenue ou dissimulée par manque d’enthousiasme pour le pouvoir éclairant de la parole de Dieu.

Que notre communion épiscopale croissante, que nous célébrons avec joie et gratitude, renforce également la communion des Eglises, ainsi que la conscience que la vocation missionnaire de l’Europe chrétienne comporte une puissante dimension culturelle et théologique que nous, évêques, devons encourager, stimuler et confirmer. Notre mission évangélisatrice pourra ainsi faire naître une nouvelle culture attractive, faite d’amitié sociale et politique, de créativité artistique et éducative et aussi de multiples vocations passionnées pour la fraternité universelle.

  • Piero CODA et alii, MANIFESTO. Dizionario Dinamico di Ontologia Trinitaria, Ed. Città Nuova, 2021.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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