Madeleine Delbrêl @ madeleine-delbrel.net

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La Civiltà Cattolica : Madeleine Delbrêl, une sainte « de la porte à côté » (2/4)

Les liens entre la vénérable française et le pape François

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Madeleine Delbrêl (1904-1964) « est une des saintes de la porte à côté dont le Pape parle toujours », écrit Diego Fares, auteur au sein de la revue jésuite La Civiltà Cattolica.

Il consacre un long article à la mystique française dans le numéro de juillet 2021, dont voici notre traduction en quatre volets, les 9, 10, 11 et 12 septembre 2021.

La vénérable française, souligne-t-il notamment, « ne va pas dans le désert de sable, mais au milieu de la foule, sur le chemin, dans les villes, dans les quartiers les plus pauvres ; elle s’y rend avec la disposition à être sœur de tous ».

AK

N. B. Les citations en italiques sont traduites de l’italien et ne représentent donc pas les paroles originales des livres français cités.

Pour construire une Eglise plus aimable et plus aimante (2/4)

Madeleine et le pape François

Le pape François confesse qu’il connaissait peu la vie et les écrits de Madeleine dans sa jeunesse, mais qu’il est resté impressionné par cette «grande dame» et par « la façon dont elle s’intégrait dans les faubourgs les plus pauvres »[8].

Nous pouvons rappeler deux épisodes où François mentionne la vénérable. En février 2015 le pape François et les autres membres de la Curie romaine se sont retrouvés à Ariccia, dans la Maison du Divin Maître des religieux paolini (Société de Saint-Paul, ndlt), pour une retraite de carême autour de la figure du prophète Elie ; mais « avec Elie, il y a eu aussi une “compagne” de voyage pour les exercices de la curie. Sur le programme préparé pour l’occasion par la Préfecture de la Maison pontificale, à côté d’une icône du prophète et son chariot de feu, il y a eu un bref écrit de la mystique française Madeleine Delbrêl. “La vraie solitude”, lit-on notamment, “ce n’est pas l’absence des hommes, c’est la présence de Dieu” et encore, “il n’y a pas de solitude sans silence. Le silence : c’est parfois se taire, c’est toujours écouter”»[9].

Le pape a en outre cité expressément Madeleine lors de l’audience aux prêtres du diocèse de Créteil, en les invitant à se confier à son intercession : « Demandez avec insistance à l’Esprit Saint de vous guider et de vous éclairer : qu’Il vous aide, dans l’exercice de votre ministère, à rendre l’Église de Jésus Christ aimable et aimante, selon la belle expression de la vénérable Madeleine Delbrêl [10]. Soyez poussés par cette force qui vient d’en-haut à sortir pour vous faire chaque jour plus proches de tous, en particulier de tous ceux qui sont blessés, marginalisés, exclus »[11].

Madeleine Delbrêl est une des saintes de la porte à côté dont le Pape parle toujours : une femme qui a choisi de dépenser sa vie dans la banlieue pauvre, marxiste et athée d’Ivry. C’est la femme qui, pour entendre la voix de Dieu, ne va pas dans le désert de sable, mais au milieu de la foule, sur le chemin, dans les villes, dans les quartiers les plus pauvres ; elle s’y rend avec la disposition à être sœur de tous et à servir tous en écoutant chacun, à apprendre à entendre la voix de Dieu qui parle toujours à travers les plus petits et les plus abandonnés.

Écrire sur Madeleine Delbrêl signifie défaire continuellement le chemin parcouru vers la littérature pour reconduire au chemin qui conduit à l’Évangile. Dans l’œuvre de correction laborieuse qui a marqué ses écrits, on constate que son propos n’est pas de caractère littéraire, mais d’éliminer tout ce qui peut retirer la parole à Dieu. En méditant sur le silence, elle fera remarquer que le silence est actif : c’est l’écoute active de Dieu. Ni les bruits communs ni les paroles communes de la vie ne l’empêchent. Ce qui l’entrave, c’est l’attitude de celui qui ôte les mots à Dieu par ses propres mots. Un Dieu qui sait parler à travers les plus petits. Le 15 mars 1956, Madeleine déclare qu’elle n’a pas écrit pour le plaisir : elle s’est efforcée de toutes les façons d’« éviter de tomber, un jour ou l’autre, dans la “littérature”, qui me semble le pire des maux »[12]. C’est pourquoi, quand il écrit, elle dit ne pas vouloir faire un travail de synthèse mais plutôt de constituer – au fil de la vie – un dossier sur divers aspects de la question.

Si Madeleine vivait aujourd’hui, nous pourrions dire que chaque exhortation apostolique et chaque encyclique du Pape se serait adaptée à merveille à son charisme et à ses aspirations. A ce propos, don Luciano Luppi affirme : « En lisant aujourd’hui l’exhortation apostolique Evangelii gaudium du pape François ou Fratelli tutti à la lumière de nombreux extraits de Delbrêl, on note une consonance surprenante entre les deux. Et pourtant des décennies sont passées. Pourquoi ? Les motivations pourraient être multiples. Le pape François et Madeleine Delbrêl ont en commun plusieurs choses : la proximité aux enseignements spirituels de saint François et de saint Ignace ; une lecture de l’Évangile ni abstraite ni spiritualiste, mais préoccupée d’adhérer profondément au caractère concret de l’Évangile et à celui de la vie ; la volonté de se laisser interpeller par la douleur des pauvres, en choisissant d’en partager la marginalité et la petitesse ; la conscience vive de l’Évangile comme d’une nouvelle surprenante et décisive, dont le chrétien ne peut pas ne pas se sentir débiteur envers les autres »[13].

NOTES

[8].      Conversation privée avec l’auteur.

[9].    Cf. C. Santomiero, «Francesco agli esercizi: in compagnia di Elia e Madeleine Delbrêl».

[10].    M. Delbrêl, «L’Église, il faut s’acharner à la rendre aimable. L’Église, il faut s’acharner à la rendre aimante», in Id., Nous autres, gens des rues, Paris, Seuil, 1995, 137.

[11].    François, Discours aux prêtres du diocèse de Créteil, 1er octobre 2018.

[12].    M. Delbrêl, Che gioia credere!, Milano, Gribaudi, 1969, 12.

[13].    L. Luppi, «Delbrêl, la mistica che amava le periferie come Bergoglio», dans la revue Credere, 15 mars 2015, 48-51.

 

Traduction de Zenit

(A suivre)

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Rédaction

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