Mgr Follo, 2016 © courtoisie de la Mission du Saint-Siège à l'UNESCO

Mgr Follo, 2016 © courtoisie de la Mission du Saint-Siège à l'UNESCO

« Qui est le Christ pour moi ? Ma foi se traduit-elle en œuvres ? », par Mgr Follo 

« Le chemin qui mène à la vie »

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Mgr Follo souhaite aux baptisés de « comprendre que lorsque Jésus demande : « Que dites-vous que je suis ? », ce n’est pas pour connaître notre opinion sur lui, mais pour savoir si nous lui avons ouvert notre esprit et notre cœur ».

Mgr Francesco Follo propose ici une lecture de l’Evangile de dimanche prochain, 12 septembre 2021.

L’Observateur permanent du Saint-Siège à Paris, à l’UNESCO propose aussi, comme lecture patristique une page de saint Césaire d’Arles.

AB

Deux questions :

Qui est le Christ pour moi ?

Ma foi se traduit-elle en œuvres ou non ? 

Prémisse.

Jésus n’est pas venu pour nous enseigner une philosophie, mais pour nous montrer un chemin ou, mieux, le chemin qui mène à la vie.

Ce chemin est l’amour, qui est l’expression de la vraie foi. Si nous aimons son prochain d’un cœur pur et généreux, cela veut dire que nous connaissons vraiment Dieu.Si, au contraire, nous disons que nous avons la foi, mais que nous n’aimons pas nos frères,  nous ne sommes pas des vrais croyants. Dieu n’habite pas en nous. Saint Jacques l’affirme clairement dans la seconde lecture de la Messe de ce dimanche : « Si elle n’est pas suivie d’œuvres, [la foi] en elle-même est morte » (Jc 2, 17).

C’est pourquoi il ne suffit pas de répondre à la question que le Christ nous pose dans l’Évangile d’aujourd’hui : « Qui suis-je pour vous ? Dire comme saint Pierre : « Tu es le Christ », c’est-à-dire le Messie, le consacré de Dieu envoyé pour sauver son peuple. Saint Pierre et les autres apôtres croient donc, contrairement à la plupart des gens, que Jésus n’est pas seulement un grand maître ou un prophète, mais bien plus encore. Ils ont la foi : ils croient que Dieu est présent et à l’œuvre en Lui. Il ne suffit pas de croire qu’Il est Dieu, mais poussés par la charité, nous devons le suivre sur son propre chemin, celui de la croix (cf. Mc 8 : 31-33), une œuvre active d’amour sans mesure, sans limites.

1) Reconnaître le Christ

L’ensemble de l’Evangile de saint Marc a comme but de répondre à la question : « Qui est Jésus ? » Mais, dans le récit que nous lisons aujourd’hui, c’est Jésus-même qui pose cette question d’une façon explicite : « Qui dites-vous que je suis ? » et donc, nous aussi, nous sommes obligés d’y répondre.

Dans les chapitres précédents qui nous ont été proposés au cours des derniers dimanches, Jésus n’a pas répondu à cette question avec une définition de lui-même, mais avec des actions qui manifestent ce qu’ il est par ce qu’il fait :

  • il fait marcher les boiteux, c’est-à-dire qu’Il est Celui qui donne à l’homme la capacité de marcher dans la vie ;
  • il fait entendre les sourds et parler les muets, c’est-à-dire qu’Il est Celui qui a les paroles de vie qui expliquent la vie ;
  • il fait ressusciter les morts, c’est-à-dire qu’Il est le Donateur de vie ;
  • il fait voir les aveugles, (rend la vue aux aveugles) c’est-à-dire qu’Il est la Lumière qui éclaire, qui fait venir à la lumière ;
  • il fait se calmer les eaux de la mer, c’est-à-dire qu’Il est, Lui, le Seigneur de la nature ;
  • il fait (il donne) le pain dans le désert, c’est-à-dire qu’Il est Celui qui nourrit le corps et l’âme.

La conclusion à laquelle nous devrions arriver devant tout ce « faire », devrait être : « Il est le Messie (en grec : le Christ) ». Malheureusement, les gens de cette époque-là, mais aussi beaucoup aujourd’hui, n’ont pas saisi la nouveauté et la grandeur de Jésus, de sorte qu’à la question : « Que disent-ils que je suis ? », la réponse de la majorité est que ce « faiseur » est rien de plus qu’un prophète comme ceux qui l’avaient précédé. Alors Jésus pose cette question à ses disciples : « Et pour vous, qui suis-je ? » Pierre répond promptement, aussi au nom des autres : « Tu es le Christ ! » Pierre reconnaît clairement que Jésus est le Messie. Il donne une réponse précise. Il n’y a pas d’autre réponse. Le Christ mort et ressuscité est celui en qui l’impossible, l’impensable s’est accompli, fait unique qui peut changer le cours de l’histoire humaine. Sans lui, l’homme est un « être pour la mort » (Martin Heidegger), tandis que s’il est « lié » à la Croix, il est « libéré des liens » de la mort.

Il faut rappeler que la réponse de saint Pierre implique une reconnaissance de plus : celle de l’amour crucifié. C’est le chemin de la Croix qui complète le propos en l’éclairant. Lorsque le Chef des Apôtres dit à Jésus : « Tu es le Christ », le Messie ressent le besoin de souligner qu’il est le Fils de Dieu qui doit beaucoup souffrir. Donc, à la question que Jésus nous pose aujourd’hui : « Pour vous qui suis-je ? », la réponse complète est : « Tu es le Christ, l’Amour crucifié et ressuscité ». En effet, saint Paul écrit : « Si le Christ n’était pas ressuscité, notre foi serait vaine », mais il savait que la croix n’est pas un obstacle au salut. Elle en est la condition. « La Croix n’est pas un poteau des Romains, mais le bois sur lequel Dieu a écrit l’Evangile » (Alda Merini, 1931-2009, femme poète de Milan). Par le Christ en croix, le monde reçoit une nouvelle dimension, celle de Jésus et de tous ceux qui donnent leur vie pour les autres, en le suivant.

Le Messie invite à le suivre toujours jusqu’au Calvaire parce que la marche derrière sa croix modèle notre vie sur celle « de l’Agneau qui enseigne la force, de l’Humilié qui donne une leçon de dignité, du Condamné qui exalte la justice, du Mourant qui confirme la vie, du Crucifié qui prépare la gloire » (P. Primo Mazzolari, 1809-1959, prêtre et écrivain de Crémone, Italie).

En suivant le Christ et en croyant à sa Charité, gardons les bras et le cœur grands ouverts comme ceux du Crucifié. Bien sûr, pour faire cela, nous devons, comme saint Pierre, reconnaître Jésus comme le Messie, le Sauveur. Comme saint Pierre, nous devons accepter la croix comme « clé » avec laquelle le Seigneur a ouvert le ciel et fermé l’enfer pour tous ceux qui le reçoivent. Le Rédempteur a pris cette lourde « clé » sur ses épaules, il en a senti le poids et la responsabilité lorsque les clous ont percé sa chair et le lièrent à cette clé. Le Christ a donné à saint Pierre cette « clé » du Royaume, en l’appelant à être crucifié avec Lui, à porter ce joug doux et léger sur ses épaules comme Lui, à apprendre l’humilité et la douceur avec laquelle « délier » les hommes de l’esclavage du monde, de la chair et du  diable, et ainsi les « lier » au Christ dans une alliance éternelle qui les fasse enfants de notre Père céleste pour toujours.

Dans l’homélie poétique attribuée à saint Ephrem le Syrien, ce saint imagine que le bon larron arrive après sa mort à la porte du paradis. Il porte sa croix sur ses épaules. Un chérubin se hâte avec une épée qui scintille comme une flamme (Gn 3,24) pour bloquer aux criminels l’accès au Paradis, eux qui ne sont pas dignes de la joie éternelle. Il n’y a pas d’exceptions. Saint Ephrem décrit une violente dispute entre le chérubin et le bon larron. Elle se termine lorsque le bon larron montre la clé de la porte du Paradis. Et quelle est la clé du Paradis ? La croix, sa croix transfigurée par la Croix vivifiante de notre Seigneur Jésus-Christ : la Croix ouvre la porte de la vie à nous tous qui croyons en Jésus-Christ, comme le bon larron : « Jésus, souviens-toi de moi quand tu entreras dans ton règne. » La vie du Christ triomphe de tous les pécheurs repentis, même ceux de la dernière minute, comme le bon larron.

2) Amour véritable parce que crucifié

         Bien sûr, comme saint Pierre, nous aussi, nous essayons d’éloigner le Christ du Chemin de croix. La tentation, qui vient du diable, est une tentative de nous détourner de la voie tracée par Dieu (la Voie de la croix) pour la remplacer par un itinéraire établi par la sagesse des hommes, par ce qui est souvent désigné comme le bon sens, le sens commun.

Le Christ a démasqué et surmonté cette tentation : sa vie était un « oui » constant à Dieu et un « non » au Tentateur. Jésus a vaincu le diable. Mais le diable tente d’obtenir du disciple ce qu’il n’a pas réussi à obtenir du Maître : séparer le Messie de la croix, disjoindre la foi en Jésus-Roi de son trône qui est la croix.

Après avoir précisé son identité et avoir démasqué la présence de la tentation, Jésus s’adresse à ses disciples et aux autres personnes et, leur propose son propre chemin d’une façon très claire. Il n’y pas deux chemins, l’un pour Jésus et l’autre pour les disciples, mais un seul : « Qui veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même et prenne sa croix. »

La croix est symbole et icône de l’amour virginal. Elle est la synthèse la plus vraie de l’amour reçu et donné, de l’amour crucifié. En effet,  la Croix donne la certitude d’être aimé, de toujours et pour toujours, totalement et inconditionnellement, ce que rien d’autre ne peut donner. Le vrai visage de Dieu est celui du Crucifié (Jürgen Moltman). Donc, si nous présentons au monde le Christ avec son vrai visage, les gens peuvent le percevoir comme une réponse convaincante ; ils sont capables de suivre le Christ et son message, même s’il est exigeant et marqué par la croix.

Il est vrai que la croix est « une pierre d’achoppement pour les Juifs et folie pour les païens » (1 Co 1,18-24) et qu’il est difficile pour chacun d’entre nous de la comprendre et l’accepter. Mais si nous regardons, par exemple, l’exemple des vierges consacrées vivant dans le monde, celles-ci nous aident à comprendre, à accepter et à vivre la croix :

L’Amour vécu d’une façon virginale est un amour crucifié non pas parce qu’il est un amour mortifié, mais parce que c’est un amour « sacrifié », c’est-à-dire qui est rendu sacré par le don total de soi à Dieu. L’amour vierge est celui du Christ qui « pratiqua » un amour crucifié. Pour aimer, Jésus est allé à l’expérience du dépouillement progressif de lui-même jusqu’à la croix. Si nous voulons aimer en chrétiens, nous devons le savoir et faire comme lui. Cette façon d’aimer met l’autre avant moi et l’Autre (Dieu) au-dessus de moi. La croix est le plus grand signe du plus grand amour, et la virginité est la crucifixion de soi-même pour se donner à Dieu, pour s’enclouer à son amour embrassant le Christ sur la Croix.

Les vierges consacrées sont un exemple significatif et élevé du fait que l’amour de Dieu est « totalitaire », car le Christ dit qu’il faut aimer le Seigneur « de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force » (Mc 12,30). Ces femmes montrent que le corps et le cœur chastement offerts n’éloignent pas de Dieu mais qu’ils rapprochent l’être humain de Dieu, plus que les anges (cf. Eph 1,14) ;  la vie chrétienne est une constante et progressive configuration au Christ crucifié et ressuscité. En effet, comme l’amour du Christ pour nous l’a conduit à la croix, notre amour pour Lui imprime ses blessures d’amour (Ct 2,5) en nous. L’amour purifie  et configure en transfigurant. Mais il convient de noter que la conformité  douloureuse avec le Christ crucifié a comme but ultime d’amener le chrétien à la conformité joyeuse avec le Ressuscité. La virginité n’est pas simplement une renonciation, mais elle est la manifestation de l’amour ardent pour Dieu et pour le prochain. C’est un amour qui transforme l’amant dans l’Aimé. La virginité vécue comme crucifixion a pour but de témoigner que l’amour a gagné à travers le don de soi. La virginité vécue comme résurrection témoigne que l’Époux est réellement présent dans la vie quotidienne et sa présence condescendante donne la joie, la joie pleine et entière (cf. Jn 3,29). La virginité est liberté, elle est un signe de l’amour parfait, qui n’a pas d’impatience, ni d’envie, ni de jalousie, et assure la paix en rayonnant de joie.

 

Lecture Patristique

Homélie de saint Césaire d’Arles (+ 543)

Sermon 159, 1 4-6; CCL 104, 650.652-654)

Quand le Seigneur nous dit dans l’Evangile : Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il renonce à lui-même (Mc 8,34), nous trouvons qu’il nous commande une chose difficile et nous considérons qu’il nous impose un lourd fardeau. Mais si celui qui commande nous aide à accomplir ce qu’il commande, cela n’est pas difficile.

Où devons-nous suivre le Christ, sinon là où il est allé ? Or, nous savons qu’il est ressuscité et monté aux cieux : c’est là que nous avons à le suivre. Il ne faut certainement pas nous laisser envahir par le désespoir, car, si nous ne pouvons rien par nous-mêmes, nous avons la promesse du Christ. Le ciel était loin de nous avant que notre Tête y soit montée. Désormais, si nous sommes les membres de cette Tête, pourquoi désespérer de parvenir au ciel ? Pour quel motif ? S’il est vrai que sur cette terre tant d’inquiétudes et de souffrances nous accablent, suivons le Christ en qui se trouvent le bonheur parfait, la paix suprême et l’éternelle tranquillité.

Mais l’homme désireux de suivre le Christ écoutera cette parole de l’Apôtre : Celui qui déclare demeurer dans le Christ doit marcher lui-même dans la voie où lui, Jésus, a marché (1Jn 2,6). Tu veux suivre le Christ ? Sois humble, comme il l’a été. Tu veux le rejoindre dans les hauteurs ? Ne méprise pas son abaissement.

En péchant, l’homme avait couvert sa route d’obstacles, mais celle-ci fut aplanie lorsque le Christ l’eut foulée à sa résurrection et qu’il eut fait d’un étroit sentier, une avenue digne d’un roi. L’humilité et la charité sont les deux pieds qui permettent de la parcourir rapidement. Tous sont attirés par les hauteurs de la charité, mais l’humilité est le premier degré qu’il faut monter. Pourquoi lèves-tu le pied plus haut que toi ? Tu veux donc tomber et non monter ? Commence par la première marche, c’est-à-dire l’humilité, et déjà elle te fait monter.

Voilà pourquoi notre Seigneur et Sauveur ne s’est pas borné à dire : Qu’il renonce à lui-même, mais il a ajouté : Qu’il prenne sa croix et qu’il me suive (Mc 8,34). Que signifie : Qu’il prenne sa croix ? Qu’il supporte tout ce qui lui est pénible, c’est ainsi qu’il marchera à ma suite. Dès qu’il aura commencé à me suivre, en se conformant à ma vie et à mes commandements, il trouvera sur son chemin bien des gens qui le contrediront, qui chercheront à le détourner, qui non seulement se moqueront de lui, mais le persécuteront. Ces gens-là ne se trouvent pas uniquement parmi les païens qui sont hors de l’Église ; il s’en trouve même parmi ceux qui semblent être dans l’Église, si on les juge de l’extérieur. Mais ils lui sont bel et bien étrangers, en raison de leurs actions mauvaises.

Tout en se glorifiant du seul nom de chrétien, ils persécutent sans cesse les bons chrétiens. Dès lors, si tu désires suivre le Christ, porte sa croix sans plus attendre et supporte les méchants sans te laisser abattre.

Le Seigneur a dit : Si quelqu’un veut marcher derrière moi, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive. Si donc nous voulons mettre ceci en pratique, efforçons-nous, avec l’aide de Dieu, de faire nôtre cette parole de l’Apôtre : Lors donc que nous avons nourriture et vêtement, sachons être satisfaits. Il est à craindre que si nous recherchons plus de biens terrestres qu’il ne nous en faut, dans l’intention de nous enrichir, nous ne tombions dans la tentation, dans le piège du démon, dans une foule de convoitises insensées et funestes, qui plongent l’homme dans la ruine et la perdition (1Tm 6,8-9).

Daigne le Seigneur nous prendre sous sa protection et nous délivrer de cette tentation, lui qui vit et règne avec le Père et l’Esprit Saint dans tous les siècles des siècles. Amen.

 

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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