Le procès sur les investissements du Saint-Siège à Londres, ouvert ce 27 juillet 2021, a été renvoyé au 5 octobre prochain. Un temps accordé aux défenses pour présenter leurs preuves et à l’accusation pour répondre aux exceptions soulevées par les avocats.
La première audience du procès financier du Vatican – très médiatisé – a duré sept heures, en l’absence de la plupart des accusés – 10 au total, anciens employés du petit Etat et personnes du monde de la finance internationale – mais en présence du cardinal Angelo Becciu. L’ancien substitut de la Secrétairerie d’État et ancien préfet de la Congrégation pour les causes des saints est inculpé pour détournement de fonds, abus de pouvoir, en bande organisée et avec subornation de témoins.
Dans un communiqué publié à l’issue de l’audience, le cardinal Becciu a renouvelé sa confiance envers le Tribunal de la Cité du Vatican. Il a dit attendre la suite du procès « avec sérénité » et a exprimé sa certitude que les preuves et témoignages « prouveront son innocence ».
L’audience a constitué principalement dans les illustrations des exceptions présentées par les avocats. Parmi elles : le secret-défense auquel est soumise la gestionnaire italienne Cecilia Marogna par le Service d’information italien ; le manque d’accès aux dépositions des accusés et aux documents, qui met en difficulté la défense. Mais surtout, beaucoup ont contesté la légitimité de l’APSA (Administration du patrimoine du Siège Apostolique) et de l’IOR (institut financier du Vatican) à se constituer parties civiles.
L’homme d’affaires Raffaele Mincione, présent également, a fait savoir qu’il contestait la compétence territoriale du Vatican. Mgr Perlasca a dénoncé cinq interrogatoires sans présence d’avocat. Mais lui-même, a répondu le Vatican, avait fait la demande d’une déposition spontanée, pour laquelle la présence d’un avocat n’est pas nécessaire, selon le droit. Les interrogatoires ont par ailleurs tous été filmés.
Les parties civiles, notamment représentées par l’avocate Severino, ont expliqué que l’APSA était légitime après le transfert de compétences de la Secrétairerie d’État voulu par le pape François. Elles ont souligné la teneur morale de ce procès, touchant la réputation du Saint-Siège.
En conclusion, le promoteur de justice (procureur) a affirmé que si des erreurs avaient été commises dans la procédure, le Vatican était prêt à y remédier. Rappelant que la racine du droit du petit État était le droit canonique, il a défendu l’autorité du pape dans l’Église, justifiant l’interrogatoire de l’évêque de Côme, Mgr Oscar Cantoni, qui n’a pas « empiété sur le territoire italien », mais a concerné le territoire diocésain.
Après 1h20 de délibération des juges, deux ordonnances ont été lues : le mandat de capture de Raffaele Mincione a été révoqué ; et le président s’est réservé de donner réponse à toutes les exceptions.
Une série d’échéance a été accordée aux défenses et à la justice vaticane, pour remettre preuves et dépositions, avant la prochaine audience, dans un peu plus de deux mois.
Le rapport du promoteur de justice du Vatican sur cette affaire, dont nous avions donné une synthèse, pointe du doigt des détournements de fonds, abus de pouvoir, fraudes, blanchiments, au sommet de la hiérarchie des finances vaticanes.
Outre le cardinal Becciu, les autres accusés sont le Suisse René Brülhart, président de l’AIF de 2014 à 1019 (inculpé pour abus de pouvoir) ; le prêtre italien Mauro Carlino, ancien secrétaire du substitut de la Secrétairerie d’Etat (extorsion et abus de pouvoir) ; l’Italien Enrico Crasso, ancien gérant du patrimoine confidentiel de la Secrétairerie d’Etat (détournement de fonds, corruption, extorsion, recyclage, fraude, contrefaçon d’acte public et d’actes privés) ; l’Italien Tommaso Di Ruzza, directeur de l’AIF de 2015 à 2019 (détournement de fonds, abus de pouvoir, violation du secret professionnel) ; la gestionnaire italienne Cecilia Marogna (détournement de fonds) ; le financier italien Raffaele Mincione (détournement de fonds, fraude, abus de pouvoir, malversation) ; l’avocat italien Nicola Squillace (fraude, malversation, recyclage) ; l’employé du Bureau administratif de la Secrétairerie d’Etat Fabrizio Tirabassi (corruption, extorsion, détournement de fonds, fraude, abus de pouvoir) ; et le financier italien Gianluigi Torzi (extorsion, fraude et détournement de fonds, recyclage).
Quatre sociétés sont également mises en cause : HP Finance LLC, Prestige Family Office et Sogenel Capital Investment, liées à Enrico Crasso ; Logsic Humanitarne Dejavnosti, liée à Cecilia Marogna.
Le cardinal Becciu a annoncé qu’il avait lancé une procédure pour calomnie à l’encontre de Mgr Alberto Perlasca et Francesca Immacolata Chaouqui, « pour les déclarations très graves et complètement fausses » qu’ils ont données au cours de l’enquête du Promoteur de justice et dont il a eu connaissance « il y a seulement quelques jours ».