Mgr Olivier Leborgne, évêque d’Arras (France), suit pour la Conférence épiscopale française les questions concernant les relations avec les communautés catholiques dites « traditionalistes » et il évoque les « enjeux importants » du motu proprio du pape François Traditionis Custodes, sur l’usage du missel de Jean XXIII, et sa lettre aux évêques, du 16 juillet 2021, dont nous avons publié des traductions rapides, non officielles, de travail.
Au micro de Radio Vatican (Hélène Destombes), Mgr Leborgne explique comment il reçoit ce motu proprio: « Je l’ai reçu avec gravité, car l’enjeu est important. D’ailleurs, la lettre du Pape aux évêques le manifeste de manière très forte, peut-être même pour nous, Français, inattendue, mais ce texte est bien pour l’Église universelle. J’ai donc accueilli ce motu proprio avec une vraie gravité pour les enjeux d’unité et de liturgie qu’il porte, et pour exercer aussi la responsabilité qui est la nôtre dans le cadre défini, et avec une vraie charité et attention pastorale à ceux qui ont l’habitude de célébrer avec les livres liturgiques de saint Jean XXIII. »
« L’usage du rite romain extraordinaire sera désormais très encadré. Célébrer avec le missel de 1962 devra se faire en totale communion avec l’évêque. Une responsabilité majeure est ainsi confiée aux évêques. Comment avez-vous accueilli cette décision? », demande Hélène Destombes pour Radio Vatican.
« Plutôt favorablement, répond Mgr Leborgne, la communion avec l’évêque est une condition fondamentale. Dans la très grande majorité des lieux en France, cela est le cas. Seuls quelques lieux sont plus tendus, mais nous allons continuer à travailler dans cette communion avec le cadre défini. »
Hélène Destombes évoque un certain rejet du Concile : « Le Pape François s’est dit attristé par une instrumentalisation du missel de 1962. Il souligne un rejet du Concile Vatican II, qui alimente une tendance à la division. A-t-elle été constatée en France? »
« Ce n’est pas une tendance de fond, affirme l’évêque d’Arras, mais nous avons remarqué telle ou telle personne ou groupe où la messe pouvait être instrumentalisée, et où le motu proprio de Benoît XVI était mal compris. La forme extraordinaire devait rester extraordinaire. Et petit à petit, on a voulu dire que la forme extraordinaire était meilleure que l’ordinaire. Nous avons donc senti un certain glissement chez quelques-uns mais l’on ne peut pas dire que cela soit une tendance de fond. Je parle bien sûr pour la France. »
Hélène Destombes pose la question non plus des catholiques attachés au « rite extraordinaire », mais de la Fraternité Saint-Pie X »: « Dans la lettre aux évêques qui accompagne ce motu proprio, le Pape François rappelle que les concessions pour l’utilisation de l’ancien missel établies par ses prédécesseurs étaient motivées par le désir de favoriser la recomposition du schisme avec le mouvement dirigé par Mgr Lefebvre. Ce motu proprio, dans le cas de la France, est-il intimement lié au cas de la Fraternité Saint-Pie X? »
Mgr Leborgne insiste justement sur l’unité voulue par le pape François et il appelle à la « confiance »: « Sans doute, comme progressivement Jean-Paul II et Benoît XVI ont rouvert la porte. Aujourd’hui, la majorité des fidèles et des prêtres dans ces communautés n’ont pas connu la Fraternité de Mgr Lefebvre, donc je ne sais pas si on peut ainsi le voir comme cela. Mais la visée est bien celle de l’unité, tout comme l’ont souhaité Jean-Paul II et Benoit XVI. Tout concile provoque des réactions, l’Histoire le montre, et les Papes se battent toujours pour maintenir la communion, à tout prix. Il ne faut pas oublier que Benoît XVI, en parlant de forme extraordinaire du missel, avait pris une initiative absolument pas traditionnelle. Le rite romain, le rite chaldéen, syro-malabar sont des rites qui ont un missel fort, et n’ont pas de forme extraordinaire. Le Pape Benoit avait introduit pour le bien pour la charité cette distinction, mais certains s’en sont servis malheureusement contre ce qu’elle voulait servir. D’où la réaction du Pape François. Je pense à tous ceux qui ne comprennent pas ce motu proprio, qui le juge trop dur, qu’ils entendent cette communion et fasse confiance au Saint-Père. »
Hélène Destombes mentionne le questionnaire auquel les évêques ont répondu préalablement à la décision du pape François: « Le Pape François indique avoir pris cette décision pour défendre l’unité du corps du Christ. Va-t-il y avoir tout un travail à faire dans les diocèses pour expliquer aux fidèles, aux prêtres, le sens de ce motu proprio, notamment à ceux qui souhaitent célébrer avec l’ancien missel? »
Mgr Leborgne souligne que célébrer la liturgie ce n’est pas faire « ce qu’on veut »: Le Pape pose des conditions claires et précises, nous sortons d’un certain flou qui pouvait exister. Ce n’est pas si étonnant que cela, mais certains en ont une interprétation très moderniste: comme si finalement l’on pouvait faire ce que l’on veut. Et bien non, dans l’Église, l’on reçoit la liturgie, y compris quand on est prêtre. Quand on met en œuvre le rite romain, l’on ne se balade pas d’une forme à l’autre, on a pu en voir quelques excès. Les diocèses sont très inégalement concernés par ce motu proprio: dans le diocèse de Versailles il y plusieurs communautés, le diocèse d’Arras où il y a un seul lieu, et pas problématique du tout d’un point de vue liturgique. Quand on lit la lettre du Pape aux évêques, le Saint-Père demande un renouveau eucharistique et une nouvelle attention à la liturgie pour toute l’Église, et pas seulement pour le missel extraordinaire mais pour le missel romain de Paul VI. Il y a eu des excès, et il faut que tous se sentent concernés par ce renouveau eucharistique et liturgique. Nous devrons le travailler partout. »