« La conscience d’appartenance à quelque chose de plus grand que nous-mêmes à travers la prise de conscience de l’interdépendance de l’humanité entière intime un devoir de solidarité universelle qui commence par le respect de chacun dans sa dignité et dans sa différence qu’elle soit raciale, ethnique, linguistique, religieuse, géographique, etc », fait observer le p. Bado SJ.
Il souligne invite au courage: « Ayons donc le courage de vivre désormais avec un cœur ouvert à la dimension de l’humanité. »
« Soigner ceux qui sont blessés, en éliminant toute peur, est un autre pas vers la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié (JMMR), qui sera célébrée le dimanche 26 septembre 2021 », rappelle, ce mardi 6 juillet 2021, la section Migrants et Réfugiés du Dicastère pour le service du développement humain intégral.
Le message du pape François a été publié par Zenit le 6 mai 2021, on le trouve ici. Il s’achève par une prière.
« Avec le thème Vers un nous toujours plus grand, le Saint-Père nous exhorte à agir de telle façon qu’« à la fin, il n’y ait plus d’autres, mais un seul nous ».
Migrants et Réfugiés publie donc des réflexions théologiques pastorales « pour construire ensemble ce nous », dont cette réflexion du p. Bado.
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UN “NOUS” GRAND COMME L’HUMANITÉ
P. Arsène Brice BADO, SJ, PhD
« Vers un nous toujours plus grand », tel est le titre du message du Saint-Père pour la 107ème Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié. Ce titre sonne comme un appel à un nouvel humanisme fondé sur la reconnaissance de notre humanité commune caractérisée par l’interrelation et l’interdépendance de sorte que « chacun est ce qu’il est grâce à ce que nous sommes tous » comme le dira Desmond Tutu. Ce grand « nous » auquel le Saint-Père nous interpelle ne se réalise pas par la négation des différences, mais plutôt par la reconnaissance de la valeur et de la dignité unique de chacun et de tous, par la reconnaissance des différences qui nous font exister. C’est un appel à une unité dans la diversité; une unité qui ne peut se bâtir que grâce à la solidarité, à l’hospitalité, à l’ouverture à autrui et surtout aux membres les plus vulnérables de notre humanité tels que les réfugiés, les migrants, les malades, les pauvres, et tous ceux et celles dont les circonstances difficiles de la vie font qu’ils/elles se retrouvent en marge de nos sociétés.
« Vers un nous toujours plus grand », est un appel qui vient à point nommé, car c’est bien la grande leçon que nous donne la pandémie de la Covid-19 dont l’humanité entière est confrontée aujourd’hui.
Avec son apparition en novembre 2019, la Covid-19 nous a rappelé de façon brutale ce que nous savions déjà à travers les tendances de la mondialisation à savoir l’interdépendance commune entre tous les peuples du monde et avec la planète entière. En effet, un virus qui apparaît dans la ville de Wuhan en Chine fait des victimes à des milliers de kilomètres à Abidjan, Bamako, Ouagadougou, Paris, Rome, Londres, Washington, Brasilia, Moscou, etc., sans épargner aucune capitale si puissante soit-elle, sans épargner aucun continent, aucun pays. De même, la Covid-19 a bravé des barrières de toutes sortes pour infecter à la fois des Noirs et des Blancs, des Jaunes et des Rouges, des femmes et des hommes, de personnes âgées et de jeunes gens, des riches et des pauvres, des intellectuels et des analphabètes. Les animaux non plus n’ont guère été épargnés et certains scientifiques tendent même à leur attribuer la paternité de ce virus.
Jamais l’humanité n’avait été forcé de se rendre à l’évidence de notre destinée commune, de notre interconnexion, de notre interdépendance mutuelle. La mondialisation était jusque-là restée essentiellement économique. Car, il n’y a que quelques privilégiés qui pouvaient se permettre de consommer des produits venant de l’autre bout du monde, voyager avec des moyens de transport de plus en plus performant capable de compresser le temps et l’espace ; il n’y a que quelques privilégiés qui disposent d’un smartphone et qui grâce à l’internet et aux réseaux sociaux pouvaient suivent les événements qui se déroulent à des milliers de kilomètres. Le sentiment d’appartenir à un village planétaire était partagé que par quelques privilégiés.
Mais, la Covid-19 va au-delà de la mondialisation économique qui reste une affaire de privilèges. La Covid-19, se répand dans toutes les couches sociales ; on n’a pas besoin d’internet, de smartphone, ni d’argent pour l’avoir. Même le paysan analphabète et pauvre qui n’a ni radio ni n’est connecté à aucun réseau télécommunication peut être infecté. La Covid-19 se partage généreusement, gratuitement, malheureusement, à tous et à toutes, sans votre avis. Ainsi, elle s’est avérée être le signe le plus manifeste de l’interdépendance de toute l’humanité et de toute la planète.
La Covid-19 induit donc un contexte radicalement nouveau qui nous oblige à repenser notre vivre ensemble comme humanité sur la planète en prenant au sérieux la question de notre interdépendance, de notre interconnexion et en nous rappelant que nous tous citoyens du monde, et ce qui s’y passe nous concerne tous et engage notre responsabilité commune.
En même temps, la Covid-19 induit des mouvements contraires qui rendent difficiles la prise en compte de notre humanité commune et l’intégration de notre responsabilité comme citoyenneté monde. En effet, paradoxalement, face à la Covid-19 qui nous rappelle que nous vivons dans le même bateau, dans la même maison commune, nous observons plutôt des mouvements de repli identitaire et nationalistes. De fait, nous observons la fermeture des frontières, on ne peut guère se déplacer sur la terre comme avant. Aujourd’hui, voyager devient une exception alors que la Covid-19 nous rappelle que nous vivons dans le même village planétaire, dans la même maison commune. A l’intérieur de nos pays, des villes, des lieux de travail, nous sommes obligés de mettre en œuvre des mesures barrières : Au moment où notre humanité commune redécouverte nous invite à transcender nos identités particulières nous voilà obligés de porter des masques ; au moment où notre humanité commune nous invite à nous rencontrer par-delà nos frontières raciales, linguistiques, géographiques, nous voilà contraints de nous distancer, voire nous confiner. Quels paradoxes !
Dans ce contexte, le message du Saint-Père vient comme un avertissement contre la montée des « nationalismes fermés et agressifs (cf. Fratelli tutti, n. 11) et l’individualisme radical (cf. ibid., n. 105 » qui risque de nous faire oublier la leçon de la pandémie de la Covid-19 qui nous a rappelé combien nos égoïsmes sont mortels, qu’on ne se sauve pas seul, mais que le salut se trouve dans la solidarité sans frontière. Plus que jamais, c’est « vers un nous toujours plus grand » qu’il faut tendre. Plus que jamais, nous sommes responsables les uns des autres, ce qui se passe à l’autre bout du monde nous concerne, nous ne pouvons plus vivre sans tenir compte des autres et de notre environnement. Il y a donc une urgence à redécouvrir que nous faisons partie du monde entier, de l’univers et que nous sommes citoyens du monde.
Dans cette perspective, le message du Saint-Père prend le contrepied de la médiatisation de la question migratoire où le migrant est presque perçu comme un criminel. Derrière le problème migratoire, il y a un problème humain. On ne peut pas réduire ce problème à une question de sécurité. Lorsque les uns et les autres seront disposés à découvrir à travers le migrant, une dignité humaine qui réclame d’être reconnue et respectée, lorsque les uns et les autres prendront conscience que le migrant est l’un de nous, c’est-à-dire un être humain comme chacun de nous et que nous faisons partie d’une même et unique famille humaine, alors on posera la question de la migration en des termes nouveaux et les réponses seront nouvelles et plus humanisantes. Dans toutes les situations qui impliquent l’humain, il faut les traiter avec respect, car on s’approche du sacré!
Somme toute, la conscience d’appartenance à quelque chose de plus grand que nous-mêmes à travers la prise de conscience de l’interdépendance de l’humanité entière intime un devoir de solidarité universelle qui commence par le respect de chacun dans sa dignité et dans sa différence qu’elle soit raciale, ethnique, linguistique, religieuse, géographique, etc. Ayons donc le courage de vivre désormais avec un cœur ouvert à la dimension de l’humanité.
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