Délégation du Patriarcat oecuménique de Constantinople, 28 juin 2021 © Vatican Media

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Hâter la communion entre catholiques et orthodoxes, le voeu du pape

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Devant le patriarcat œcuménique de Constantinople

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« Le moment n’est-il pas venu de donner, avec l’aide de l’Esprit, un nouvel élan à notre chemin pour faire tomber les vieux préjugés et dépasser définitivement les rivalités néfastes ? » : telle est la question que pose le pape François aux représentants du patriarcat œcuménique de Constantinople, ce 28 juin 2021.

Le pape a reçu en audience la délégation annuelle du patriarcat œcuménique de Constantinople, guidée par le métropolite Emmanuel de Chalcédoine. La visite s’inscrit dans le cadre du traditionnel échange de délégations pour les fêtes de leurs saints patrons respectifs – le 29 juin à Rome pour la célébration des saint Pierre et Paul et le 30 novembre à Istanbul pour la célébration de saint André.

Après l’audience, la délégation a été reçue au Conseil pontifical pour la promotion de l’unité des chrétiens, selon l’usage ; elle assistera à la célébration eucharistique solennelle présidée par le pape le 29 juin. Arrivé à Rome dimanche 27 juin, le groupe est accompagné par le métropolite grec orthodoxe de Buenos Aires Iosif et le diacre Barnabas Grigoriadis.

Souhaitant tirer la « leçon d’humilité » donnée par la crise actuelle, le pape espère que le « témoignage de communion croissante » entre catholiques et orthodoxes « sera également un signe d’espoir pour de nombreux hommes et femmes qui se sentiront encouragés à promouvoir une fraternité plus universelle et une réconciliation capable de remédier aux torts du passé ».

« Chaque crise conduit à un carrefour ouvrant deux voies », a averti le pape : « celle du repli sur soi, dans la recherche de ses propres sécurités et opportunités, ou celle de l’ouverture à l’autre, avec les risques que cela comporte, mais surtout avec les fruits de grâce que Dieu garantit ».

Voici notre traduction du discours du pape François.

Discours du pape François

Chers frères dans le Christ,

Je vous salue avec joie et vous accueille affectueusement à Rome, à l’occasion de la solennité des saints apôtres Pierre et Paul. Je remercie le métropolite Emmanuel pour les paroles courtoises qu’il m’a adressées – les paroles d’un frère. L’échange annuel de délégations entre l’Eglise de Rome et celle de Constantinople, pour les fêtes de leurs saints patrons respectifs, est un signe de la communion réelle, bien qu’elle ne soit pas encore totale, qui nous lie déjà. Je suis très reconnaissant envers Sa Sainteté Bartholomée et le Saint Synode qui ont voulu vous envoyer parmi nous et je vous remercie pour votre aimable visite.

Cette année, nous fêterons les saints Pierre et Paul alors que le monde peine encore à sortir de la crise dramatique causée par la pandémie. Ce fléau a été une épreuve qui a frappé tout et tout le monde. Ce qui serait plus grave que cette crise, ce serait de la gâcher, sans en tirer la leçon qu’elle nous donne. C’est une leçon d’humilité, qui nous enseigne l’impossibilité de vivre en bonne santé dans un monde malade et de continuer comme avant sans nous rendre compte de ce qui n’allait pas. Aujourd’hui encore, le grand désir de revenir à la normalité peut masquer la prétention insensée de s’appuyer à nouveau sur de fausses sécurités, sur des habitudes et des projets qui visent exclusivement le profit et la poursuite de ses propres intérêts, sans se soucier des injustices planétaires, du cri des pauvres et de la santé précaire de notre planète.

Et nous chrétiens, que nous dit tout cela ? Nous sommes nous aussi sérieusement appelés à nous demander si nous voulons recommencer à tout faire comme avant, comme s’il ne s’était rien passé, ou si nous voulons relever le défi de cette crise. Une crise, comme le révèle la signification originelle du mot, implique un jugement, une séparation entre ce qui fait du bien et ce qui fait du mal. En effet, le terme désignait autrefois le geste des paysans qui séparaient le bon grain de la balle à jeter. La crise demande donc de faire un tri, d’opérer un discernement, de s’arrêter pour examiner dans tout ce que nous faisons, ce qui reste et ce qui passe.

Or, nous croyons, comme l’enseigne l’apôtre Paul, que c’est l’amour qui reste à jamais parce que, tandis que tout passe, « la charité ne passe pas » (1 Cor 13,8). Il ne s’agit certes pas de l’amour romantique, centré sur soi, sur ses propres sentiments, désirs et émotions ; nous parlons de l’amour concret, vécu à la manière de Jésus. C’est l’amour du grain qui donne sa vie en mourant en terre, qui porte du fruit en se brisant. C’est l’amour qui « ne cherche pas son intérêt », qui « excuse tout, espère tout, supporte tout » (vv. 5.7). En d’autres termes, l’Evangile assure des fruits abondants non pas à ceux qui accumulent pour eux-mêmes, non pas à ceux qui regardent leurs avantages, mais à ceux qui partagent ouvertement avec les autres, semant avec abondance et gratuitement, dans un humble esprit de service.

Prendre au sérieux la crise que nous traversons signifie donc, pour nous, chrétiens en chemin vers la pleine communion, nous demander comment nous voulons avancer. Chaque crise conduit à un carrefour ouvrant deux voies : celle du repli sur soi, dans la recherche de ses propres sécurités et opportunités, ou celle de l’ouverture à l’autre, avec les risques que cela comporte, mais surtout avec les fruits de grâce que Dieu garantit. Chers frères, le moment n’est-il pas venu de donner, avec l’aide de l’Esprit, un nouvel élan à notre chemin pour faire tomber les vieux préjugés et dépasser définitivement les rivalités néfastes ? Sans ignorer les différences qui seront surmontées à travers le dialogue, dans la charité et dans la vérité, ne pourrions-nous pas inaugurer une nouvelle phase des relations entre nos Eglises, caractérisée par le fait de marcher davantage ensemble, de vouloir faire de réels pas en avant, de nous sentir vraiment coresponsables les uns des autres. Si nous sommes dociles à l’amour, l’Esprit Saint, qui est l’amour créatif de Dieu et met de l’harmonie entre les diversités, ouvrira les voies pour une fraternité renouvelée.

Le témoignage de communion croissante entre nous, chrétiens, sera également un signe d’espoir pour de nombreux hommes et femmes qui se sentiront encouragés à promouvoir une fraternité plus universelle et une réconciliation capable de remédier aux torts du passé. C’est le seul chemin pour ouvrir un avenir de paix. Un beau signe prophétique sera également la collaboration plus étroite entre orthodoxes et catholiques dans le dialogue avec les autres traditions religieuses, domaine dans lequel je sais que vous êtes très impliqué, chère Eminence Emmanuel.

Chers amis, je voudrais vous remercier encore une fois pour votre présence. Je vous demande de bien vouloir transmettre à Sa Sainteté Bartholomée, que je considère comme un véritable frère, mes salutations affectueuses et respectueuses, et de lui dire que je me réjouis de le voir ici, à Rome, en octobre prochain, occasion de rendre grâce à Dieu pour le trentième anniversaire de son élection. Par l’intercession des saints Pierre et Paul, les chefs des apôtres, et de saint André, le premier appelé, que le Dieu tout-puissant et miséricordieux nous bénisse et nous attire toujours plus vers son unité. Et vous, très chers amis, gardez pour moi, s’il vous plaît, une place dans vos prières. Merci.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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