Le pape François a « salué chaleureusement » Mgr Jean Landousies, C.M., responsable de la section française de la secrétairerie d’Etat, qui quitte sa charge à la fin du mois, relève Radio Vatican. Mgr Landousies atteint en effet la limite d’âge canonique de 75 ans. Un prêtre marqué par ses années au service de l’Eglise en Algérie et au Maghreb, et ancré dans « l’espérance ».
Mgr Landousies fait partie des prêtres de la paroisse française Saint-Louis-des-Français de Rome qui ont été reçus par le pape François ce lundi 7 juin 2021 au Vatican.
« Aujourd’hui, avant que vous n’entriez, le père Landousies m’a dit qu’à la fin du mois de juin il quittera ce bureau ici, à la curie : il a été mon traducteur français depuis longtemps », a souligné le pape qui a ajouté en faisant allusion à sa mission en Algérie: « Mais je voudrais faire un résumé de sa personne. C’est un exemple. J’ai trouvé en lui le témoignage d’un prêtre heureux, d’un prêtre conséquent, d’un prêtre qui a su vivre avec des martyrs déjà béatifiés – qu’il connaissait individuellement – et aussi de vivre avec une maladie dont on ne savait pas ce que c’était, avec la même paix, avec le même témoignage. »
Le pape a annoncé que Mgr Landousies partirait pour Marseille: « Et je profite pour le remercier publiquement, même devant L’Osservatore Romano, tout le monde, de son témoignage, qui m’a fait du bien à mainte reprise. Sa façon d’être m’a fait du bien. Il va s’en aller, mais il va exercer son ministère à Marseille, et il fera tant de bien avec cette capacité qu’il a d’accueillir tout le monde ; mais il laisse ici la bonne odeur du Christ, la bonne odeur d’un prêtre, d’un bon prêtre. Alors devant vous, je lui dis merci, merci pour tout ce que tu as fait. »
De la Congrégation de la Mission, fondée par saint Vincent de Paul, c’est-à-dire religieux lazariste, Mgr Landousies a longtemps vécu en Algérie, puis il a travaillé à la Secrétairerie d’État d’abord de 1995 à 2001.
Après trois ans en France, à Paris, au service de la maison-mère des lazaristes, il a été rappelé à Rome où il a vécu les derniers mois du pontificat de Jean-Paul II, puis le pontificat de Benoît XVI.
Et il a souvent servi d’interprète au pape François lors de visites de chefs d’État francophones, notamment lors de la venue du président Emmanuel Macron en juin 2018. Et il a aussi lu les résumés en français des catéchèses du mercredi. Il a également accompagné le pape François dans ses voyages dans des pays francophones, comme en 2019 au Maroc, à Rabat. Mais le reste de sa mission consistait en un service discret.
Racines familiales
Originaire de Pontivy, dans le Morbihan, où il est né en 1946, il a reçu la Légion d’Honneur en 2019 à Rome des mains d’un ami d’enfance, le ministre français de l’Europe et des Affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian.
Celui-ci avait notamment rappelé que leurs pères, travaillant dans la même entreprise bretonne, avaient « partagé la même amitié, à travers la Jeunesse ouvrière chrétienne puis l’Action catholique ouvrière ».
Mgr Landousies avait lui-même confié, en 2017, dans une interview exclusive accordée à Eric Le Dorze pour « Pontivy Journal », l’importance de son héritage familial : « Je dois beaucoup [à mes parents]; ils m’ont donné ma première éducation chrétienne. Avec eux, j’ai appris le sens du respect des personnes, sans faire de différence d’origine, de foi ou de non-foi, et donc l’importance de l’accueil, de la rencontre des autres. Le sens de la justice aussi, de la défense des plus petits, de ceux qui sont mis de côté dans la société. Mes parents en avaient un sens très aigu. »
« Proche » du pape François
Mgr Landousies avait aussi exprimé, lors de la cérémonie pour la Légion d’Honneur, sa gratitude à la fois pour « cette humble et discrète Église d’Algérie » à qui, disait-il, « je dois d’être ce que je suis », et pour les lazaristes.
Il avait rendu hommage au pape François, disant qu’il lui apportait « tant » dans sa « vie de prêtre et de service de l’Église ». Au « Pontivy Journal », il disait : « Aujourd’hui, je suis donc proche du pape François, que j’apprécie beaucoup. Je retrouve en lui bien des intuitions que j’avais perçues dans l’Église d’Algérie, une Église simple, ouverte, qui va vers les gens, sans faire de distinctions, qui les prend tels qu’ils sont pour les aider à progresser. Il dit souvent qu’il « faut construire des ponts et non des murs ». »
C’est « très jeune » qu’il a entendu l’appel du Christ à être prêtre : « Ma vocation de prêtre m’est venue très jeune. Mon souci était d’aller plutôt vers des endroits où il n’y en avait pas beaucoup, des prêtres… Un missionnaire, venu à Pontivy à l’occasion d’un pardon de Notre-Dame-de-Joie, m’a fait connaître Saint-Vincent-de-Paul et la communauté qu’il a fondée, les Prêtres de la mission (dits lazaristes), qui ont pour mission d’aller vers les plus pauvres, les plus mis de côté. Alors je me suis mis à la suite de Saint-Vincent ! En 1968 je suis parti en coopération à Alger. Cela m’a donné envie d’y retourner comme prêtre. En rentrant j’ai fini mes études à l’Institut catholique de Paris, tout en étant vicaire à Ivry-sur-Seine. »
Une période douloureuse de l’histoire de l’Algérie
Et puis il a passé deux ans à Damas en Syrie, pour se familiariser avec la langue et la culture arabes : « Deux très belles années dans un peuple très chaleureux et accueillant. Comment ne pas être très triste en voyant ce qui s’y passe aujourd’hui ! »
Et ce fut Alger et le Maghreb : « J’ai ensuite passé 20 ans à Alger, au Centre d’études diocésain. C’est un lieu de rencontre et de dialogue important entre chrétiens et musulmans, ouvert à tous, en particulier aux étudiants et enseignants algériens, grâce à une importante bibliothèque, à des conférences… Mon travail consistait à assurer, dans un esprit de dialogue interreligieux, la formation permanente biblique, théologique et spirituelle des chrétiens dispersés en petites communautés dans tout le pays. »
En Algérie, il a partagé une période douloureuse de l’histoire du pays et de l’histoire de l’Eglise: « En même temps pendant 11 ans, j’ai été secrétaire de la Conférence des évêques de l’Afrique du Nord (Algérie, Tunisie, Maroc, Libye). Tout cela m’a fait voyager et connaître d’assez près les réalités du Maghreb. Les dernières années passées en Algérie ont été plus difficiles, en raison des violences qui ont ensanglanté le pays dans les années 1990. Au cours de cette période, 19 religieux et religieuses chrétiens, dont les moines de Tibhirine et l’évêque d’Oran, Mgr Claverie, qui ont été assassinés. Je les ai tous bien connus ! C’est vrai que cette période a été très dure pour l’Église d’Algérie. Mais elle lui a permis aussi d’exprimer au jour le jour sa solidarité avec le peuple algérien qui a connu des dizaines de milliers de morts, dont une centaine d’imams musulmans qui n’ont pas voulu cautionner toute cette violence. Cette petite Église a porté, et porte toujours, le témoignage que l’Église n’est pas fermée sur elle-même. C’est ce que le pape François appelle aujourd’hui une « Église en sortie ». »
Le « service », à Rome
Puis ce fut l’appel à Rome : « Fin 1995, on m’a demandé de traverser la Méditerranée pour venir travailler au Vatican. Une grande surprise pour moi ! Donc de 1995 à 2001 j’ai été envoyé à la secrétairerie d’État du Vatican. Disons en gros que c’est le secrétariat général du Pape. Pendant six ans, j’ai donc travaillé aux côtés du pape Jean-Paul II. Puis mes supérieurs lazaristes m’ont demandé de venir à Paris comme responsable de notre maison-mère, une grande maison où repose le corps de Saint-Vincent-de-Paul. Après trois ans, je suis revenu à Rome où j’ai vécu les derniers mois de Jean-Paul II, puis l’élection et le pontificat de Benoît XVI, et maintenant le pape François. »
Il souligne l’importance du « service » : « Ce qui importe c’est de servir la mission de l’Église là où l’on se trouve et selon les circonstances du moment, sans choisir a priori ! J’ai dû le faire de façons très diverses au cours de ma vie ! Aujourd’hui c’est au service du pape, pas seulement de sa personne, mais aussi d’une certaine manière, de tous ceux que lui-même veut rejoindre. On connaît son souci des plus pauvres, de ceux qui souffrent, qui sont persécutés, rejetés… Que ce soit dans ses interventions, ses voyages dans les pays éprouvés par la guerre, les violences ! J’ai été avec lui en Centrafrique, ce pays dévasté par la pauvreté et la violence… »
Le refus du pessimisme
Surtout, il insistait sur la vertu d’espérance et le refus du pessimisme: « C’est cela qui manque surtout : l’espérance, pas comme un lot de consolation pour demain, mais comme une œuvre à réaliser aujourd’hui, voir tout ce qui va bien et travailler à le développer. C’est une porte ouverte sur l’avenir. La vie a un sens ! Et pour les chrétiens, ce sens se trouve dans la reconnaissance du fait que notre vie vient de Dieu et va vers Dieu. L’avenir de l’Église, c’est d’annoncer cette espérance ! Et cela n’est pas théorique, mais a des conséquences très concrètes. À la place qui leur revient dans la société, les chrétiens doivent participer, avec d’autres bien sûr, à la construction d’un monde plus humain où chacun a sa place, peut vivre dans la dignité. Pour cela, le pape François invite justement les chrétiens à « sortir », pour aller vers les gens, partager avec eux sur leurs réalités, les accompagner. Voilà un défi essentiel : dire non au pessimisme ! Ce qui ne signifie pas être naïfs. Il s’agit de faire confiance à l’homme et à ses capacités pour avancer. En chacun il y a plus de possibilités qu’on l’imagine. Encore faut-il ouvrir les yeux et s’engager sur la route. Et les chrétiens ont la conviction que cela fait partie de ce que Jésus est venu vivre avec les hommes et les femmes de son temps et qu’il continue à vivre avec nous aujourd’hui. »
Avec Pontivy Journal du 8 novembre 2017