« Dans tous les diocèses d’Irak, chez les syro-catholiques, les chaldéens…, on étudie et médite les discours du pape », lors de son voyage de mars dernier, fait observer le cardinal Sako, de même que des musulmans, et l’on en parle à la télévision.
Deux mois après le voyage du pape François, le cardinal Louis-Raphaël Sako, patriarche de Bagdad des chaldéens, a fait le point lors d’une visio-conférence organisée par L’œuvre d’Orient, avec la participation de son directeur, Mgr Pascal Gollnisch, ce mardi 11 mai 2021.
Faire cesser le bruit des armes
Parmi les thèmes retenus dans les paroles du pape : faire cesser le bruit des armes, la fraternité, le respect de la vie et de la nature, l’importance de la diversité, la paix, le pardon, l’importance de « se réconcilier au lieu de ce système tribal de se venger ».
Pour le cardinal Sako les Irakiens ont été « ébouis » par ce « discours nouveau » : « c’est très touchant ».
Il souligne spécialement sur l’appel du pape à ce que les armes se taisent et sa charge contre la vente et de la fabrication d’armes.
Les Irakiens chrétiens ont été, ajoute le cardinal Sako « fortifiés dans leur foi » par la visite du pape François.
Il rappelle les rencontres avec les chrétiens pour la messe à Bagdad, la prière à Mossoul, Qaraqosh, la messe à Erbil : « Le pape a confirmé les chrétiens dans leur foi et il leur a donné beaucoup d’espoir. »
Notamment lorsque le pape leur a dit : « Vous êtes une Eglise vivante, une Eglise forte », les invitant à être « fidèles à leur vocation » : « Dieu attend de nous de témoigner de notre foi de façon sincère et courageuse, un témoignage de la vie et pas en paroles. »
Communiquer dans un langage accessible
Il souligne aussi un effort pour communiquer la tradition de l’Eglise dans un langage accessible : « On cherche comment l’Eglise peut trouver un vocabulaire meilleur pour que les chrétiens comprennent, et aussi pour que les musulmans. »
Il diagnostique : « Aujourd’hui les gens ne comprennent pas : il faut un enseignement qui soit compréhensible et à mettre en pratique dans vie familiale et en Eglise. »
Le cardinal Sako fait aussi observer que la liturgie chaldéenne et syriaque ont été traduites en arabe, alors qu’auparavant les gens n’avaient pas « accès à la liturgie ni à l’enseignement de la catéchèse ».
Le patriarche chaldéen note que « parfois des musulmans viennent à la messe, attirés par la prière, par la chorale, les hymnes, ils n’ont pas une liturgie comme la nôtre ».
Le pape touche le cœur des jeunes
Et alors que les jeunes vivent des frustrations, le manque de travail, les problèmes de sécurité, la plaie de la corruption, le cardinal Sako souligne que le pape a « touché le cœur de tous ».
Il rappelle qu’au cours de cette visite, les gens étaient « sur routes » pour offrir au pape « un accueil, avec des drapeaux, des bougies, des applaudissements, chrétiens et musulmans ».
Les jeunes étaient spécialement présents aux messes, à Bagdad, à Erbil, rappelle le patriarche. Mais le miracle ne peut pas être obtenu par une visite de « trois jours », c’est aux Irakiens, dit-il, à faire maintenant « beaucoup d’efforts et de travailler ensemble ».
Le cardinal Sako témoigne du « sentiment commun que Irak a un avenir meilleur » et que « les chrétiens aussi aspirent à un avenir meilleur sans problème, avec une sécurité améliorée, même si elle n’est pas parfaite ».
Le rôle des laïcs
« Les laïcs sont une grande présence dans la vie de l’Eglise » : c’est la réponse du cardinal Sako, interrogé sur le rôle des laïcs, à l’occasion de la publication du motu proprio du pape François sur le ministère des catéchistes.
Pour lui, en Irak, le rôle des laïcs est essentiel, notamment pour la catéchèse, l’animation sociale, l’accompagnement des fiancés au mariage.
Certains suivent des études de théologie à la faculté d’Erbil, ils enseignent la catéchèse même dans les écoles du gouvernement
Ils sont engagés dans la vie du pays, comme en témoigne par exemple le rôle des femmes chrétiennes pour promouvoir le droit des femmes et de l’enfant : « ce sont des pionnières appréciées ».
Il témoigne de la proximité qu’il vit en tant que pasteur avec les fidèles: « Nous nous sentons comme une famille : l’évêque, le patriarche, est un père, pas un administrateur. Il est proche des gens. Chaque dimanche, je me rends dans une paroisse, à l’écoute de difficultés, des demandes, pour les aider. Ma maison est ouverte à eux, pour une aide, un problème de travail : c’est l’Eglise qui cherche une bonne solution (…). On n’est pas coincé dans maison ou dans un palais : nous n’avons pas de palais ! »
Reconstruire le patrimoine et les hommes
Interrogé sur la reconstruction du patrimoine chrétien en Irak, le patriarche Sako confie que la réparation des quatre églises visitées par le pape à Mossoul était envisagée par les autorités.
Mais pour le patriarche ce n’était « pas la priorité » parce qu’il y a « peu de chrétiens à Mossoul ».
Pour lui la priorité c’est de « construire homme irakien pour qu’il soit ouvert, équilibré, pas fanatique ».
Mais il a le « sentiment que pour la première fois, le patrimoine chrétien fait partie du patrimoine irakien ».
Par exemple, à Ur, on prépare un centre de tourisme, et à Bagdad, on restaure une église de la fin du 1er siècle-début 2e s., « où saint Thomas a prêché l’Evangile » et le patriarche ajoute que « l’Irak est différent des autres pays », que l’Eglise n’a aucun problème pour construire.
Mais il reste le « problème financier, à cause corruption générale ». Il salue en cela le soutien de L’Œuvre d’Orient.
Les réfugiés d’Irak
A une question sur le retour des réfugiés qui ont fui l’Irak, le patriarche a une réponse nuancée : « Retourner en Irak, cela dépend des conditions de vie… Il n’y a pas beaucoup de services. C’est difficile de demander aux chrétiens de revenir dans cette situation. Peut être plus tard. »
Mais il ne faut ni « oublier l’Irak », ni « oublier leur foi » : il faut « méditer l’exemple des chrétiens et de leur fidélité jusqu’à verser leur sang ».
Il cite les 120 000 chrétiens qui ont tout quitté en une nuit à Qaraqosh.
« Ils savent pardonner »
La question du pardon se pose et le patriarche répond sans hésitation : « Dès le début, ils ont su pardonner, ils prient le Notre Père. Les chrétiens sont très conscients de cela. On n’a jamais trouvé un chrétien qui se venge : ce geste du pardon est très connu, les musulmans l’apprécient beaucoup. Pour cela, ils ont puj retournés dans plaine de Ninive, à Karamless, à Qaraqosh. Ils sont revenus pour reconstruire, pour retrouver une coexistence harmonieuse. Je n’ai aucun doute. »
Mgr Gollnisch se souvient d’une vieille femme de la plaine de Ninive qui priait le Notre Père en araméen et demandait : « Priez pour que je pardonne, je veux pardonner. » Elle avait été chassée trois jours plus tôt par Daesh.
Mgr Gollnisch demande : « Est-ce que nous en sommes capables en France ? »
La prière pour l’Occident
Le cardinal Sako ajoute que les chrétiens d’Irak prient pour les chrétiens Occident afin qu’ils « retrouvent ce dépôt de la foi de manière profonde » et « s’engagent à vivre cette foi et sortent de cette société indifférente ».
Il souligne que les chrétiens d’Occident « ont toujours soutenu chrétiens d’Orient, il ne faut pas nous oublier ».
Il souhaite une action à la fois « politique » et « sociale » pour dire que les chrétiens sont « citoyens de leur pays et que droits de l’homme doivent être respectés ».
Il estime que l’expérience de l’Occident en matière de séparation de la religion et de l’Etat est importante et que c’est « un bien » : il faut « aider ces Etats à la démocratie et à la séparation de la religion et de l’Etat, de la politique ». Il souligne que « la liberté de conscience » de chacun manque en Orient.
Pour Mgr Gollnisch, les chrétiens de France aussi peuvent relire ce que le pape a dit aux Irakiens, c’est aussi valable » pour les chrétiens de France, car ses paroles ont une « portée universelle », notamment en ce qui concerne « le respect de l’autre, la paix, la mission de l’Eglise, la gratuité de l’Evangile, la façon être chrétien dans une société qui n’est pas chrétienne ».