Rosario Livatino @ éditions Morcelliana

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Le juge Livatino martyre de la mafia, portrait par le pape François

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Une foi qui est mise en « pratique de la justice »

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« Une foi qui devient une pratique de la justice et qui, par conséquent, fait du bien au prochain : voilà les caractéristiques spirituelles de Rosario Angelo Livatino », écrit le pape François au sujet du jeune juge sicilien assassiné par la mafia en 1990 et bientôt béatifié. « En même temps qu’il devait juger selon la loi », poursuit le pape, « il se posait, en tant que chrétien, la question du pardon ».

A l’occasion de la publication du livre consacré au magistrat italien Rosario Livatino (1952-1990), engagé dans la lutte contre la mafia, le site en ligne du Vatican Vatican News en publie aujourd’hui la préface signée par le pape François. Pour le pape, Livatino est « un exemple » pour les magistrats et pour tous ceux qui travaillent dans le domaine du droit, en raison de « la cohérence entre sa foi et son engagement professionnel » et de « l’actualité de ses réflexions ».

Il s’agit du livre: « Rosario Angelo Livatino, Dal « martirio a secco » al martirio di sangue » (Du « martyre à sec » au martyre du sang, ndlr) sous la direction de Vincenzo Bertolone, préfacé par le pape François (Editions Morcelliana).

Le 21 décembre 2020, le pape François a reconnu le « martyre » de Rosario Livatino, ce qui a ouvert la voie à sa béatification. Livatino sera solennellement proclamé bienheureux au cours d’une messe célébrée à Agrigente le 9 mai 2021.

HG

Voici notre traduction de la préface du pape François.

Rosario Angelo Livatino (3 octobre 1952 – 21 septembre 1990) […] juge de Canicatti, haï à cause de sa cohérence chrétienne et professionnelle, par les hommes des mafias qui dominaient sur le territoire sicilien dans les années quatre-vingt du siècle dernier, fut tragiquement éliminé par de jeunes tueurs à gages à la solde des chefs des « Stidde » (organisations criminelles italiennes) et de Cosa nostra.

« Les gars, que vous ai-je fait ? », réussit-il à demander, avant que son visage « d’Enfant Jésus », comme le décrivait un de ses amis, ne fût défiguré par les balles. C’était les mots d’un prophète mourant, prêtant sa voix à la complainte d’une juste qui savait qu’il ne méritait pas cette mort injuste. Des mots qui crient contre les Hérode de notre temps, ceux qui, sans regarder en face l’innocence, enrôlent même des adolescents pour en faire des killers impitoyables en mission de mort. Un cri de douleur et en même temps de vérité, qui anéantit par sa force les armées mafieuses, dévoilant la négation intrinsèque de l’Evangile de toutes les formes de mafia, malgré l’ostentation séculaire d’images pieuses, de statues sacrées forcées à faire des courbettes irrespectueuses, de religiosité affichée autant que niée.

C’est pourquoi, en repensant à la figure du magistrat sicilien, je réaffirme ce que j’ai déjà exprimé dans la Salle Clémentine le 29 novembre 2019 : « Livatino est un exemple non seulement pour les magistrats, mais pour tous ceux qui travaillent dans le domaine du droit : pour la cohérence entre sa foi et son engagement professionnel, et pour l’actualité de ses réflexions. L’actualité de Rosario Livatino est surprenante, parce qu’il saisit les signes de ce qui émergera avec encore plus de clarté dans les décennies suivantes, et pas seulement en Italie, c’est-à-dire la justification de l’intrusion du juge dans des domaines qui ne sont lui sont pas propres, surtout en matière des soi-disant « nouveaux droits », avec des jugements qui semblent préoccupés d’exaucer des désirs toujours nouveaux, détachés de toute limite objective ».

Une foi qui devient une pratique de la justice et qui, par conséquent, fait du bien au prochain : voilà les caractéristiques spirituelles de Rosario Angelo Livatino. Depuis qu’il était diplomé, il pensait à la manière façon d’exercer son rôle de juge. Il souffrait beaucoup des jugements pénaux contre les accusés, parce qu’il constatait que la liberté, mal interprétée, avait enfreint la règle de la justice. Et en même temps qu’il devait juger selon la loi, il se posait, en tant que chrétien, la question du pardon. Accomplissant chaque jour un acte de confiance totale et généreuse en Dieu, il est un repère lumineux pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui et de demain, surtout pour les jeunes qui, aujourd’hui encore, sont attirés par les sirènes mafieuses dans une vie de violence, de corruption, d’oppression et de mort. Que son témoignage et son martyre de la foi et de la justice soit semence de concorde et de paix sociale, et un emblème de la nécessité de se sentir et d’être tous frères, et non des rivaux ou des ennemis.

En visitant Agrigente et d’autres lieux de la Sicile, en 1993, mon saint prédécesseur Jean-Paul II s’est exprimé ainsi à la fin de l’Eucharistie célébrée dans la Vallée des Temples : « Que la concorde règne sur votre terre ! La concorde sans morts, sans assassinats, sans peurs, sans menaces, sans victimes ! Que la concorde règne ! Cette concorde, cette paix à laquelle aspirent tous les peuples et toutes les personnes humaines et toutes les familles ! Après tant de temps de souffrances, vous avez enfin le droit de vivre dans la paix. Et ceux qui sont coupables de troubler cette paix, ceux qui portent sur leur conscience tant de victimes humaines, doivent comprendre, doivent comprendre qu’on ne se permet pas de tuer des innocents ! Dieu a dit une fois : « Tu ne tueras pas ! » : aucun homme, aucune association humaine, ou mafia, ne peut changer et piétiner ce droit très saint de Dieu ! »

Que la bonne odeur du Christ, qui se dégage du corps martyrisé du jeune juge devienne alors semence de renaissance – comme cela s’est déjà produit pour certains de ses tueurs à gages et commanditaires, aujourd’hui sur le chemin de la pénitence et de la conversion – pour nous tous, en particulier pour ceux qui vivent encore des situations de violence, de guerre, d’attentats, de persécutions pour des motifs ethniques ou religieux, et divers abus contre la dignité humaine.

Nous rendons grâce pour Rosario Angelo Livatino, notamment aujourd’hui à travers sa béatification, pour l’exemple qu’il nous laisse, parce qu’il a combattu tous les jours la bonne bataille de la foi avec humilité, douceur et miséricorde. Toujours et seulement au nom du Christ, sans jamais abandonner la foi et la justice, pas même lorsque le danger de mort est imminent. C’est la graine qui a été plantée, c’est le fruit qui viendra.

© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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