Conférence de presse des Orientations pastorales pour les déplacés climatiques

Conférence de presse des Orientations pastorales pour les déplacés climatiques

Au Mozambique, le changement climatique n’est pas une hypothèse

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Intervention de Mgr Claudio Dalla Zuanna au Vatican

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« Les changements climatiques ne sont pas une menace hypothétique ; c’est déjà une réalité qui exige une action immédiate », affirme l’évêque mozambicain Mgr Claudio Dalla Zuanna à l’occasion de la parution des Orientations du Vatican pour les déplacés climatiques.

L’archevêque de Beira est intervenu en ligne lors d’une conférence de presse, appelant à « créer des conditions pour accueillir les personnes déplacées par les catastrophes de plus en plus nombreuses ». Il a décrit la situation de crise dans son pays, où les mouvements forcés « affaiblissent la communauté et le tissu social avec ses relations ».

« Tout est à reconstruire dans des lieux de réinstallation anonymes, loin de la ville, avec peu d’aides et seulement pour un temps déterminé, livrant à elles-mêmes les personnes plus fragiles et incapables de reconstruire leur vie », a-t-il déploré dans ce témoignage dont nous publions la traduction.

AKM

Intervention de Mgr Claudio Dalla Zuanna, S.C.I.

Avec presque 3000 km de côtes longeant l’Océan indien, le Mozambique est un pays qui a une certaine familiarité avec les tempêtes tropicales et les cyclones. Sa chance est d’avoir face à lui, comme un grand bouclier, l’île de Madagascar où, en rencontrant la terre ferme, les cyclones perdent de leur puissance de destruction. Seuls ceux qui s’introduisent dans le Canal du Mozambique, en contournant les extrémités de l’île, atteignent la longue côte mozambicaine, généralement au sud ou au nord de celle-ci. Les cyclones touchent rarement la zone centrale du pays où se trouve la ville de Beira. Mais cela a changé !

La température des eaux du Canal s’est considérablement élevée ces dernières années, permettant aux tempêtes tropicales et aux cyclones, qui n’épuisent pas leur force sur la terre ferme de Madagascar, de se recharger grâce à la forte évaporation et d’augmenter de catégorie en seulement deux jours, le temps habituellement nécessaire aux perturbations de ce type pour traverser les 400 km de mer et atteindre le Mozambique. S’il se trouve que, pour diverses raisons, la perturbation reste sur le Canal du Mozambique pendant 5 ou 6 jours, comme en mars 2019, un cyclone d’une force extraordinaire peut se déchaîner, comme cela fut le cas du cyclone Idai, le plus fort dont l’Afrique australe ait le souvenir. Ce cyclone a détruit 90% des bâtiments de la ville, rasant au sol les quartiers précaires de la périphérie, mais également arrachant le toit de la cathédrale qui n’avait jamais subi de dommages aussi graves pendant les cent années de son existence. L’hôpital de la ville, auquel s’adressent les plus ou moins 3 millions d’habitants de la région, de multiples institutions publiques, écoles et même la maison de l’évêque, ont eu leur toit arraché par les vents qui ont soufflé à plus de 200 km heures.

Depuis mars 2019, la ville de Beira a été frappée par deux autres cyclones, le dernier datant du 23 janvier de cette année ; même s’ils étaient d’une force inférieure, ils ont laissé des traces de destruction. (La maison de l’évêque a eu une seconde fois son toit arraché). Trois cyclones en moins de deux ans sur la ville de Beira semblent avoir choisi de passer par la ville. Certaines études récentes ont montré que la température de la zone centrale du pays a augmenté au-delà de la moyenne nationale, qui est également en hausse, peut-être parce que la déforestation pour l’exportation de bois a été plus importante dans la région. (L’exportation de bois du Mozambique de ces dix dernières années a été supérieure à celle des 500 années précédentes). Cette élévation de la température pourrait être une des causes du passage de ces perturbations extrêmes par la zone centrale du pays.

Outre les vents forts, les tempêtes tropicales déversent d’énormes quantités de pluie qui, dans une zone de plaine comme Beira, avec des parties en-dessous du niveau de la mer, provoquent des inondations parfois énormes comme lors du cyclone Idai, lorsque 2000 km2 furent immergés autour de la ville, isolant celle-ci pendant des jours, faisant plus de 800 morts et des centaines de milliers de personnes déplacées.

Avec ces déplacements forcés, tout est perdu : maisons, biens, opportunités de travail, accès à l’école et aux services de santé (par exemple, après le passage du cyclone Idai, des milliers de personnes touchées par le sida et suivant un traitement antirétroviral, ont dû l’interrompre, avec les conséquences négatives que cela comporte).

Ces mouvements forcés affaiblissent la communauté et le tissu social avec ses relations, tout est à reconstruire dans des lieux de réinstallation anonymes, loin de la ville, avec peu d’aides et seulement pour un temps déterminé, livrant à elles-mêmes les personnes plus fragiles et incapables de reconstruire leur vie.

Les changements climatiques ne sont pas une menace hypothétique ; c’est déjà une réalité qui exige une action immédiate, notamment de créer des conditions pour accueillir les personnes déplacées par les catastrophes de plus en plus nombreuses. On ne peut pas se limiter à une intervention d’urgence, parfois motivée par des émotions qui disparaissent rapidement, ni à réinstaller les personnes déplacées dans des zones où les services essentiels n’ont pas été prévus. C’est valable pour les gouvernements, mais également pour l’Eglise dans sa vocation comme maison accueillante, famille de Dieu. Le document publié aujourd’hui est une réponse dans la bonne direction, il nous revient de lui faire porter du fruit.

Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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