Procès du petit séminaire Saint Pie X, 14 octobre 2020 © Vatican Media

Procès du petit séminaire Saint Pie X, 14 octobre 2020 © Vatican Media

Procès au Vatican, huitième audience: les questions en suspens

Audience du témoin par qui l’affaire a été révélée

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« C’est un fait objectif qu’il y ait eu des rapports, même si l’accusé le nie », la question est donc maintenant de savoir si ces relations étaient « volontaires ou subies »: Giuseppe Pignatone, président du tribunal du Saint-Siège, a ouvert la huitième audience du procès concernant des abus présumés au pré-séminaire San Pio X du Vatican – des « enfants de choeur du pape », vendredi 26 mars 2021. Elle a duré près de quatre heures (10h35-14h05).

L’audience a vu présents l’accusé, le p. Martinelli, le recteur du pré-séminaire, Mgr Enrico Radice, les 4 avocats, le témoin, Kamil Jarzembowski, et Mgr Vittorio Lanzani, vicaire de l’archiprêtre de l’époque de la basilique Saint-Pierre, le cardinal Angelo Comastri.

La question posée est donc celle d’une relation consentie ou pas entre la victime présumée, L. G., et le jeune Gabriele Martinelli, à l’époque du même âge – ils ont un an de différence – et aujourd’hui prêtre et des compagnons du pré-séminaire, entre 2006 et 2012.

Gabriele Martinelli est accusé de violences sexuelles, et l’ancien recteur, Mgr Enrico Radice, de manque de vigilance.

Jusqu’ici, pas de témoin oculaire des présumées agressions de G. Martinelli. Il jouissait de ce privilège en étant le protégé de Mgr Radice. Cependant tous disent avoir entendu parler de ces rencontres nocturnes: « Tout le monde savait … » revient sans cesse au fil des audiences.

Mgr Vittorio Lanzani a affirmé en revanche plusieurs fois:  « je ne sais pas » et « je ne me souviens pas », déclarant qu’il avait pris connaissance de « faits graves » au sein du pré-séminaire après des entretiens avec certains jeunes, dont L. G. mais il n’entre pas dans les détails. Mgr Lanzani a immédiatement averti le cardinal Comastri.

Il nie avoir été au courant d’agressions sexuelles: « Jamais eu de soupçons d’abus, jamais entendu parler de quoi que ce soit de tel ». Mais le cardinal Comastri aurait immédiatement informé ses supérieurs la Secrétairerie d’État par téléphone: « Le substitut de l’époque (alors le card. Giovanni Becciu, ndlr), a déclaré que Martinelli devait être écarté et Radice remplacé ».

Mgr Radice a quitté son poste de recteur en septembre 2014, G. Martinelli est resté étudiant jusqu’en 2012, mais il semble qu’il ait continué, même en tant qu’étudiant universitaire, à fréquenter le pré-séminaire, où il avait un logement personnel et à participer en tant que ministre aux messes du pape.

Le seul témoin oculaire des abus allégués c’est Kamil Jarzembowski, un Polonais de 25 ans arrivé en 2009 comme élève au San Pio X à 14 ans et expulsé en 2013. Il a fait naguère éclater l’affaire à la télévision italienne, dans l’émission « Les Hyènes ». Il a répondu aux questions des juges et des avocats pendant plus de deux heures.

Il a affirmé qu’entre entre 2011 et 2012 (la dernière année d’études de Martinelli et l’avant-dernière année de L. G.) il a vu Gabriele Martinelli se glisser dans la chambre qu’il partageait avec L. G., entre 22h30 et 23h30 et qu’il a entendu des bruits et des paroles vulgaires.

Des détails scabreux ont été évoqués lors de l’audience. Kamil Jarzembowski les avait déjà décrits dans une lettre de juin 2014 à Mgr Diego Coletti, alors évêque de Côme, le diocèse de l' »Opera Don Folci », responsable du pré-séminaire.

La lettre a été lue par le juge Pignatone: Kamil Jarzembowski s’est plaint du déménagement demandé par Mgr Radice, disant avoir téléphoné à don Angelo Magistrelli, alors chef de l' »Opera Don Folci », pour demander des explications. Magistrelli, actuel recteur du pré-séminaire, a répondu que la raison en était « la calomnie et les lettres anonymes ». Kamil Jarzembowski a avoué qu’il nourrissait envers  Martinelli, du ressentiment pour l’attitude « arrogante » envers les autres garçons, en particulier dans le choix des tours pour les liturgies

Jarzembowski, se dit avoir été « terrifié » : « Si vous vous opposiez à Martinelli, vous alliez aussi contre le recteur ». Maos il n’en a pas parlé avec  L.G. sauf au moment de son départ.

Dans sa lettre à Mgr Coletti, Kamil Jarzembowski a écrit que les actes sexuels entre les deux ont eu lieu « non par amour pervers mais par désir d’assouvir leur libido ». Le jeune Polonais a également utilisé cette même phrase dans de nombreux autres courriels et lettres envoyés par «soif de vérité et de justice» aux autorités ecclésiastiques. Par exemple, dans une lettre adressée au cardinal Beniamino Stella, préfet de la Congrégation pour le clergé, totalement différente de celle à Coletti par sa longueur et son contenu.

Kamil Jarzembowski a insisté sur le fait qu’il était sûr que les relations n’étaient pas consenties et il a également ajouté qu’il avait noté dès son entrée au pré-séminaire qu’entre Martinelli et L. G. il y avait une «inimitié» profonde.

Kamil Jarzembowski a dit avoir rapporté ces faits au cardinal Comastri, qui s’est montré « stupéfait »:  courriels et réunions ont suivi. Après sa deuxième rencontre, le 9 juin 2014, Kamil Jarzembowski affirme avoir été expulsé de l’institution:  « J’ai fui par la Porte Sant’Anna, à 5h30 du matin, parce que je voulais me suicider. J’ai pensé: si je reste encore ici, je deviendrai fou ou je me tuerai. Alors je suis allé à Tiburtina parce que je pensais me suicider ». Et pourquoi pas au Vatican? « J’étais confus, a déclaré Kamil Jarzembowski, je voulais aller le plus loin possible, prendre le premier train qui passait ».

La prochaine audience est fixée au 14 avril. Elle prévoit les témoignages du p. Angelo Magistrelli, recteur du pré-séminaire, le p. Enzo Magistrelli, ancien président de l’Institut S. Apollinaire, – le lycée où ont étudié l’accusé, Martinelli, la présumée victime, L. G. et le témoin Kamil, ainsi que le p. Luigi Portarulo, ancien pré-séminariste et professeur à S. Apolliniare.

Avec Salvatore Cernuzio et Maria Elena Ribezzo

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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