« Les chrétiens unis auront beaucoup à offrir à l’Irak », affirme Mgr Jean-Benjamin Sleiman, ocd, une semaine après la visite du pape François dans le pays (5-8 mars 2021).
Dans un entretien accordé à Zenit, l’archevêque latin de Bagdad, religieux carme, revient sur cet événement historique qui a permis une « nouvelle espérance ».
Il estime que désormais, l’Eglise est invitée à reprendre la parole du pape, « à la méditer et à la traduire à travers des mesures et des décisions en vue d’une renaissance, d’une reprise, peut-être également pour redéfinir son identité, sa véritable mission ».
Zenit – Comment résumez-vous ce voyage ?
Mgr Sleiman – La visite du pape a bien réalisé l’intention du Saint-Père : être un pèlerin humble de proximité, de participation et de fraternité.
Après la venue du pape, certaines choses ont-elles changé à Bagdad et en Irak ?
Les effets de la visite pontificale ne peuvent pas être mesurés. Certes, dans de nombreux cœurs, une nouvelle espérance a percé. C’est fondamental. Si l’exode des chrétiens continue, c’est parce qu’ils n’arrivent plus à percevoir leur avenir, en particulier celui de leurs enfants, dans ce pays de la Mésopotamie.
Une semaine après, quelles répercussions peut-on sentir ?
Ce qui domine, c’est le sentiment de satisfaction d’avoir bien reçu le Saint-Père.
Quel a été le message le plus fort ?
Le message le plus fort, c’est la personne du Saint-Père. Pour les chrétiens et pour les non-chrétiens. Beaucoup, peut-être même tout le monde, découvrent un pasteur singulier. L’humilité incarnée, la charité qui sème la fraternité, la vérité comme vertu du chrétien, la parole pleine d’amour et de vérité, de réalisme et de miséricorde, de sens politique et de kérygme… voilà la présence-message du pape François sur une terre dont les conflits sont à la mesure des énormes richesses, où la violence, multiple, fruit de décennies d’oppression et de frustrations, renaît encore aujourd’hui des affrontements internationaux qui se greffent sur les structures internes.
Comment favoriser des effets durables, et non éphémères ?
L’Eglise est invitée à reprendre la parole pontificale, à la méditer et à la traduire à travers des mesures et des décisions en vue d’une renaissance, d’une reprise, peut-être également pour redéfinir son identité, sa véritable mission.
Votre rêve pour l’Irak et pour les chrétiens ?
Vous avez raison de mettre ensemble l’Irak et les chrétiens irakiens. Si l’Irak va bien, les chrétiens vont bien. Mais si l’Irak ne va pas bien, les chrétiens unis auront beaucoup à offrir à l’Irak.
Dans votre diocèse, existe-t-il des initiatives pour l’œcuménisme, le dialogue interreligieux ?
Mon archidiocèse est particulier. Il est né des missionnaires, il est toujours en manque d’un peuple. Il n’a jamais eu un clergé diocésain ; ce sont les religieux missionnaires qui administrent pastoralement les fidèles dont le nombre a augmenté avec le temps : il y a peu de conversions mais des groupes de migrants comme les Indiens du Kérala qui ont accompagné les Britanniques au lendemain de la première guerre mondiale ainsi que de nombreuses familles européennes ou carrément originaires d’Alep, qui se sont établies dans le pays.
Avez-vous rencontré le pape François ?
J’ai salué le Saint-Père. Je faisais partie de la Délégation pontificale mais je n’ai pas pu parler avec lui. Je suis le seul évêque, directement soumis au Saint-Siège. Je perçois mon ministère parmi les Eglises orientales comme pétrinien. J’aurais beaucoup aimé parler au Saint-Père de l’Eglise latine au Moyen-Orient, de son identité, sa mission, ses difficultés etc. J’espérais pouvoir demander au successeur de Pierre un enseignement sur l’Eglise-communion, sur la collégialité épiscopale et sur l’œcuménisme.
Propos recueillis par Anne Montabone, avec Hélène Ginabat pour la traduction