Place Saint-Pierre, 13 mars 2013 © L'Osservatore Romano

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8e Anniversaire du pontificat: « Aider l’Eglise à être une mère féconde »

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La genèse, les 8 ans, les perspectives et la face cachée de l’iceberg

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Pour le cardinal Jorge Mario Bergoglio, en mars 2013, avant le conclave, le « prochain pape » devait être « un homme qui, par la contemplation de Jésus-Christ et l’adoration de Jésus-Christ, aide l’Église à sortir d’elle-même vers les périphéries existentielles, qui l’aide à être une mère féconde ».

On a en effet su ce que le cardinal argentin avait dut au pré-conclave de 2013, grâce au cardinal Jaime Ortega, qui a reçu une autorisation explicite du pape pour parler de ce qu’il avait dit à l’occasion de ces réunions à huis-clos – 161 interventions de cardinaux lors des dix « congrégations » qui ont réuni cardinaux électeurs et non-électeurs avant l’entrée en conclave –.

L’intervention au pré-conclave: courage!

Celle du cardinal Bergoglio, très remarquée, a fait cristalliser les votes sur son nom. Le défunt cardinal archevêque de La Havane, Jaime Ortega, avait alors demandé au cardinal Bergoglio s’il pouvait relire le texte de Bergoglio. Or celui-ci n’avait écrit que quelques points. Pour Ortega, le cardinal Bergoglio a alors rédigé un petit texte à partir de ses notes. Après l’élection, le cardinal cubain a demandé au pape – qui la lui a accordée – la permission de le publier. Nous l’avons traduit le 27 mars 2013.

Pour le cardinal Ortega c’était un un discours « magistral, perspicace, captivant et authentique », en quatre points reflétant un diagnostic sur la situation de l’Eglise.

Le courage, le zèle pour l’évangélisation. Il affirmait que « l’Eglise doit tout quitter et se tourner vers les périphéries », pas seulement géographiques, mais également humaines et existentielles, qu’elle doit aller vers les plus petits, approcher les personnes où se manifeste le péché, la douleur, l’injustice et l’ignorance.
Les maladies de l’Eglise quand elle n’évangélise pas, joue en mode « auto-référence » et un certain « narcissisme théologique », un regard qui éloigne du monde et qui fait qu’elle « prétend tenir Jésus Christ pour elle, sans le faire sortir dehors ».

Le discernement entre « l’Eglise évangélisatrice qui sème « Dei Verbum religiose audiens et fidenter proclamans »  et l’Eglise mondaine qui vit replie sur elle-même et pour elle-même » apporte « un éclairage sur les changements et réformes possibles qui doivent être faites pour le salut des âmes » .

Dernier point : « Pensant au prochain pape, il faut un homme qui, de la contemplation et de l’adoration de Jésus Christ, aide l’Eglise à sortir d’elle-même vers la périphérie existentielle de l’humanité, pour qu’elle devienne  mère féconde de la « douce et réconfortante joie d’évangéliser » . » Voilà un premier titre tout trouvé « Evangelii gaudium ». Et un don qui frappe: la joie du pape François.

Voilà le programme adopté par les cardinaux électeurs en choisissant Jorge Mario Bergoglio. Et cette réforme, il allait l’entreprendre sous le signe de la miséricorde, en créant la surprise du jubilé extraordinaire, en père spirituel: n’a-t-il pas en quelque sorte voulu permettre à toute l’Eglise – et au monde – de faire cette expérience fondamentale de miséricorde qui a marqué sa vocation, l’a accompagné dans les tempêtes de l’histoire, et s’est inscrite dans sa devise comme une ancre d’espérance? Pour que chaque chrétien – et spécialement les jeunes – puisse à son tour devenir « miséricorde » là où il vit au quotidien.

La genèse, les 8 ans, les projets

Pour marquer le 8e anniversaire du pontificat, c’est-à-dire de l’élection du cardinal Bergoglio comme 266e Successeur de Pierre, premier pape jésuite, premier pape du « sud » du monde, premier pape a prendre le nom de François d’Assise – et en même temps aussi très « salésien » -, le 13 mars 2021,  certains reviennent en effet avec pertinence sur la genèse du pontificat et à ce que disait le cardinal Bergoglio, comme le fait Stefania Falasca, dont l’interview de 2007 sur Aparecida dans « Trenta Giorni » est très éclairant. On y retrouve des thèmes majeurs: Marie, la prière, la présence du Peuple de Dieu, la mission, l’Eglise « en sortie », la miséricorde, le courage apostolique, l’Esprit Saint, Jonas et Ninive – on pense au voyage en Irak!-, de Lubac et la mondanité spirituelle…

D’autres discernent bilan en « huit gestes » pour les huit années, comme Gianni Valente dans In Terris: Evangelii gaudium, les messes à Sainte-Marthe, le Jubilé de la Miséricorde, l’accord avec la Chine, la canonisation d’Oscar Romero, le Document d’Abu Dhabi, les gestes durant le premier confinement, les voyages en terres de « murs » (Lampedusa, Bari pour le Moyen-Orient, les attaques déchaînées par Mgr Vigano, les scandales dont McCarrick) et les remèdes… la prière quotidienne du rosaire demandée aux catholiques « pour protéger l’Eglise des déchirements voulues par le diable ».

D’autres regardent en avant et ce que le pape François « veut encore faire » , comme Loup Besmond de Senneville dans La Croix: l’audience du 15 mars au « député européen Pierre Larrouturou, qui viendra demander au pape de soutenir l’idée de taxer les transactions financières », l’après-pandémie, les prochains voyages, la réforme pour plus de synodalité et le synode d’octobre 2022 sur ce thème. Dès le 13 mars 2013, le pape disait: « Et maintenant, initions ce chemin : l’Évêque et le peuple. »

La partie invisible de l’iceberg

D’autres, du monde entier, disent simplement merci. L’ambassade de France près le Saint-Siège, notamment, écrit sur twitter: « Merci @Pontifex_fr pour votre engagement en faveur d’un monde au service de la personne humaine et de sa dignité. Puisse votre message d’espérance contribuer à la #Justice et à la #paix ».

D’autres regardent en profondeur ce qui soutient tout l’édifice du pontificat et l’audace missionnaire et miséricordieuse qui le traverse, comme le directeur du Réseau Mondial de Prière du Pape, le jésuite français Frédéric Fornos: « Huit ans de pontificat. La prière est le ministère invisible du Pape François. C’est comme la partie invisible de l’iceberg. Elle est essentielle pour la mission de l’Eglise, au point qu’il a créé, au cours de ces années, une Fondation Vaticane. »

« Et, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi! », c’est l’appel incessant du pape François, dès le premier soir, le 13 mars 2013: « Je vous demande une faveur : avant que l’Évêque bénisse le peuple, je vous demande de prier le Seigneur afin qu’Il me bénisse : la prière du peuple, demandant la Bénédiction pour son Évêque. Faisons cette prière en silence de vous tous sur moi. »

Ce geste inédit, depuis la loggia des bénédictions de la basilique vaticane, après la longue attente de la foule bigarrée, sous les rafales de pluie, les yeux rivés naguère sur la cheminée de la Sixtine autour de laquelle virevoltaient des goélands argentés, et maintenant saisis par le nouveau visage de « Pierre » qui s’incline en demandant la prière du peuple de Dieu, à 19h06. Pour le p. Claudio Monge OP, à Istanbul, ce simple geste de s’incliner « a changé pour toujours l’histoire de la papauté ».

D’autre moments où le pape s’est incliné ont frappé les esprits ai cours de ces huit années: devant le patriarche de Constantinople, aux pieds des leaders politiques du Soudan du Sud, pour les exhorter à faire la paix, ou pour laver les pieds des prisonniers, des émigrés, des malades, le Jeudi Saint, devant le baiser de Philippe Naudin sur son front, ou pour embrasser la main du pape émérite.

Car sa première prière a été ce soir-là pour son prédécesseur: « Tout d’abord, je voudrais prier pour notre Évêque émérite, Benoît XVI. Prions tous ensemble pour lui afin que le Seigneur le bénisse et que la Vierge le protège. »

Et dès le premier soir, le pape argentin appelait à prier pour la « fraternité » qui a fleuri dans l’encyclique « Fratelli tutti » et dans des gestes qui ont frappé toutes les mémoires: « Un chemin de fraternité, d’amour, de confiance entre nous. Prions toujours pour nous : l’un pour l’autre. Prions pour le monde entier afin qu’advienne une grande fraternité. » Voilà, pour le pape Bergoglio, comment Aider l’Eglise à être une mère féconde » de nombreux frères.

Où est orienté notre cœur?

Et que dit en ce moment le pape François? Hier, il a reçu une équipe de waterpolo de Gênes, le port italien d’où se sont embarqués ses grands parents en route pour Buenos Aires, le 1er février 1929, sur le « Giulio Cesare ». L’équipe lui a offert une ardoise en mémoire de cet événement. Le pape, hier, s’est souvenu de ses racines. Un arbre, dit-il souvent aux jeunes, en paraphrasant un poète argentin, Luis Francisco Bernardez, doit avoir des racines pour pouvoir fleurir et porter du fruit: « N’ayez pas honte de vos racines ».

Demain, le pape présidera la messe marquant le 500e anniversaire de l’arrivée du christianisme aux Philippines, avec le souvenir de la croix de Magellan et du Santo Niño de Cebu, et aux contact de la communauté philippine de Rome. Mission et mémoire des racines, toujours.

Et aujourd’hui, seulement un tweet, qui appelle à un examen de conscience, conçu par S. Ignace comme action de grâce pour les dons reçu, et demande de pardon pour les manquements aux appels de l’amour, occasion de réajuster la trajectoire. Le pape écrit: « Le sens du #Carême est discerner vers où est orienté notre cœur. Essayons de nous demander : où me mène le navigateur de ma vie? Vers Dieu ou vers mon « moi »? »  Une question que le pape pose avec l’image du « navigateur » de voiture ou de smartphone!

Sa devise épiscopale, devenue sa devise papale, indique certainement cette l’orientation profonde du coeur de Jorge Mario Bergoglio: « Miserando atque eligendo ». Cette citation est tirée des Homélies de Bède le Vénérable. Commentant le récit évangélique de la vocation de saint Matthieu, celui-ci écrit : « Alors Jésus vit un publicain, et, parce qu’il le regardait en lui faisant miséricorde et en le choisissant, il lui dit : Suis-moi » (« Vidit ergo Jesus publicanum, et quia miserando atque eligendo vidit, ait illi, Sequere me »). C’est une lecture de la liturgie des Heures au jour de la Saint-Matthieu. Le pape a confié avoir entendu l’appel de Dieu en cette fête, le 21 septembre 1953: il avait 16 ans. Il a souvent médité sur le regard du Christ qui se pose sur chacun avec miséricorde et l’appelle.

Auguri, Santità!

 

 

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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