Le pape François accueille le patriarche Bartholomée à la basilique S. Nicolas, à Bari (Italie) 7/7/2018 © Vatican Media

Le pape François accueille le patriarche Bartholomée à la basilique S. Nicolas, à Bari (Italie) 7/7/2018 © Vatican Media

Œcuménisme : le nationalisme dans l’Église « abolit le principe de la synodalité »

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Entretien avec le patriarche Bartholomée Ier (2/2)

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Le patriarche œcuménique de Constantinople Bartholomée Ier met en garde contre le nationalisme affirmant que « l’entrée du nationalisme dans l’Église conduit à s’éloigner de la catholicité de l’Église et abolit le principe de la synodalité ».

C’est ce que le patriarche orthodoxe a dit dans une interview accordée aux trois journaux européens d’inspiration chrétienne : le quotidien de la Conférence épiscopale italienne Avvenire et les deux quotidiens d’inspiration protestante, Nederlands Dagblad et le danois Kristeligt DagbladAvvenire a publié le texte complet de l’interview le 13 février 2021.

Nous avons publié le premier volet de cette synthèse hier, lundi 8 mars 2021.

Le patriarche souligne qu’« il est inconcevable que la nation soit déclarée un facteur décisif de la vie ecclésiastique, que l’Église prononce un discours ethnocentrique, qu’elle s’allie à des mouvements politiques nationalistes, qu’elle sacrifie l’ordre canonique au nom de la nation ».

Selon le patriarche œcuménique, « il est impossible que la vraie foi orthodoxe soit une source de nationalisme ». Il cite les paroles du chercheur byzantin Sir Steven Runciman qui affirmait que « l’orthodoxie est une solution excellente à la question de l’unité des peuples, puisqu’elle ne favorise aucunement le nationalisme ». « Le patriarcat œcuménique, souligne Bartholomée Ier, bien qu’il soit dans le tourbillon des nationalismes, ne s’est pas rendu et maintient son caractère supranational. »

Dans son interview, le patriarche s’arrête également sur la question de la synodalité : « La structure synodale de l’Église, la compréhension et l’application dans la pratique du principe de la synodalité, dit-il, sont une importante conquête théologique. » Et « un aspect central de la synodalité est sa connexion essentielle avec l’ecclésiologie eucharistique ».

En ce qui concerne « le rôle » du patriarcat de Constantinople, explique-t-il, il est « défini par des canons et, jusqu’ici, il a été exercé efficacement, toujours dans le cadre de ces canons ». Le patriarcat œcuménique « ne peut pas avoir de ‘prétentions papales’, affirme Bartholomée Ier, parce que nous n’avons pas besoin d’un ‘pape’ pour le fonctionnement de la synodalité ». La synodalité est « indissolublement liée non pas à la papauté, mais au primat, explique le patriarche, parce qu’il n’y a pas de synode sans un primus. C’est une exigence de foi orthodoxe et pas seulement de convenance canonique ».

« Des liens fraternels » avec le pape François

Bartholomée Ier souligne qu’il a de très bonnes relations avec le pape François : « Je suis lié à Sa Sainteté par des liens fraternels. Nous nous sommes rencontrés une dizaine de fois. Nous avons de nombreux intérêts communs, une sensibilité et des intentions communes sur des questions sociales comme la protection de nos semblables qui sont dans le besoin, les pauvres, les réfugiés, la promotion de la paix et de la réconciliation, le dialogue interreligieux et la protection de la création. »

Il précise que « la question du chemin vers l’unité et le progrès du dialogue théologique demeurent d’une importance centrale » dans leurs « relations ». « La confiance mutuelle entre le pape et moi-même, dit-il, la volonté commune de dépasser les obstacles et d’accélérer le chemin vers l’unité désirée, les rencontres personnelles, les déclarations communes, sont toutes des contributions précieuses au développement plus large des relations entre nos Églises. »

« Pas de schisme dans l’orthodoxie »

Depuis la reconnaissance de l’autocéphalie (autogouvernement ecclésial) de l’Église orthodoxe d’Ukraine, des tensions sont grandes entre le patriarcat de Moscou et le patriarcat œcuménique de Constantinople. Cependant, le patriarche œcuménique affirme qu’il ne s’agit pas de schisme dans l’Église orthodoxe : « Il n’y a pas de schisme dans l’orthodoxie, déclare-t-il. Je l’ai dit et je le répète maintenant. Il y a une vision différente de l’Église de Russie sur la question ukrainienne, qui s’est manifestée à travers la cessation de la communion entre l’Église mère de Constantinople et ensuite avec les autres Églises autocéphales qui se sont accordées à la décision du patriarcat œcuménique de concéder l’autocéphalie à l’Église d’Ukraine. »

L’orthodoxie, poursuit-il, « malgré les problèmes occasionnels qui surgissent entre ses Églises autocéphales locales, malgré les différentes approches aux questions administratives, reste unie, parce qu’il n’existe pas de différences dogmatiques ».

Dans la question ukrainienne, explique le patriarche, « nous avons fait la même chose que dans les autres cas de concession de l’autocéphalie », « nous avons suivi la tradition de l’orthodoxie, établie par la pratique ecclésiastique séculaire ». Avant l’Ukraine, rappelle Bartholomée Ier, Constantinople avait déjà accordé « l’autocéphalie à neuf autres Églises locales ». « Ceux qui remettent en question les droits et les responsabilités du patriarcat œcuménique, note le patriarche, remettent en cause, en substance, leur propre existence et identité, la structure même de l’orthodoxie. »

Le patriarcat œcuménique, « en tant que premier Trône de l’orthodoxie », « s’est toujours battu, dans le cadre de ses responsabilités, pour la conservation de l’unité panorthodoxe ». Selon lui, « si Moscou avait manifesté la volonté de collaborer, se rendant compte des conditions historiques, sociales et ecclésiastiques émergentes, la question aurait été résolue il y a de nombreuses années ». « Pendant trois décennies, rappelle-t-il, Moscou a été ostensiblement aveugle devant la tragique situation ecclésiastique de ce pays. » Ainsi, « la concession d’un statut autocéphale à l’Église d’Ukraine par le patriarcat œcuménique était, par conséquent, non seulement ecclésiologiquement et canoniquement correcte, mais également l’unique solution réaliste du problème ».

Avec une traduction d’Hélène Ginabat

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Marina Droujinina

Journalisme (Moscou & Bruxelles). Théologie (Bruxelles, IET).

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