Mgr Pascal Gollnisch © L'Oeuvre d'Orient

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En Irak, le pape « renforce le camp de la paix », assure Mgr Gollnisch

Une voix qui respecte le peuple irakien

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En Irak, le pape François « renforce le camp de la paix », souligne Mgr Pascal Gollnisch, directeur de L’Œuvre d’Orient, que Zenit a rencontré à Bagdad, durant le voyage apostolique (5-8 mars 2021). Les Irakiens ont besoin « d’une voix de portée mondiale, une voix forte », qui les « respecte » et qui leur redonne la fierté d’être Irakiens », ajoute-t-il dans cet entretien avec notre envoyée spéciale.

Vous accompagnez ce voyage papal avec une douzaine de personnes engagées au sein de L’Oeuvre d’Orient…

Venir en Irak, pour nous, c’est une question de crédibilité vers l’extérieur, mais aussi de nourriture intérieure. Ce que j’ai vu en Irak et en Syrie a nourri mon sacerdoce. Je me suis nourri spirituellement de ces rencontres, de ces visages, de ces regards. Peu de temps après que les habitants aient été chassés d’Erbil, je suis entré dans un camp de réfugiés avec ma croix pectorale, je les ai vus se mettre en ligne, j’ai pensé qu’il voulaient me demander si je pouvais leur trouver un visa pour quitter l’Irak… mais ce n’était pas du tout ça, ils voulaient tous embrasser ma croix pectorale. Maintenant je ne la porte plus de la même manière.

Quelle est l’attente des réfugiés que vous avez rencontrés ? 

Ils exprimaient des cris de souffrance, avec un sentiment d’injustice, car ils ne sont pas partie prenante d’un conflit, ils n’ont été que victimes. Ils éprouvent aussi de l’angoisse, mais jamais de vengeance. Un jour je suis allé auprès d’une famille de réfugiés, on était assis par terre, sous une tente, ils me parlaient… à la fin de je leur ai proposé de prier le Notre Père en araméen. Au moment de « comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés », une femme m’a regardé droit dans les yeux et m’a dit : « Priez pour nous, pour qu’on soit vraiment capables de pardonner ».

Comment la population irakienne accueille ce voyage du premier pape dans le pays ?

Les catholiques sont très heureux de cette visite, ils n’y croyaient qu’à moitié… Leur joie est retenue, elle est réelle, très profonde, mais ce n’est pas une exubérance à l’italienne. Pour les chrétiens non-catholiques, c’est aussi quelque chose d’important. Les responsables des églises chrétiennes – anglican, chef des syriaques orthodoxes – ont participé à la messe chaldéenne avec le pape hier.

Les Irakiens ont besoin d’une parole qui les respecte, en tant qu’Irakiens. On ne se rend pas compte parfois que ce peuple a été humilié. Cela fait 40 ans que tout le monde néglige les Irakiens, on les envahit… Les Américains sont arrivés ici en terrain conquis, au lieu de venir en libérateurs ils sont devenus très vite des occupants qui humilient. Les Irakiens ont besoin d’une voix de portée mondiale, une voix forte, qui leur redonne la fierté d’être Irakiens. Le message du pape touche leur coeur. Cet événement est très suivi, il suffit d’allumer la télévision pour voir que les chaines irakiennes ne parlent que de ça.

L’étape suivante, c’est l’appel à l’unité que représente cette visite : tous ont souffert, ils se sont fait violence les uns contre les autres. La souffrance peut les laisser dans le ressentiment, ils peuvent rester figés, en opposition les uns aux autres. Et si le pape donne aux Irakiens la conscience de la dignité de leur pays, il peut permettre de faire avancer vers l’unité, et d’ouvrir la question de l’avenir. Pas d’un coup de baguette magique, c’est un chemin. Il faut répondre à l’attente des jeunes, qui n’ont rien connu d’autre et se demandent quelle est leur vie ici.

L’avenir des chrétiens d’Irak n’est pas à couper de l’Irak, il n’y aura pas un avenir radieux pour les chrétiens dans un Irak qui sombrera de plus en plus, ni l’inverse.

Quel est le grand événement de cette visite ? 

Pour moi il y en a trois. Tout d’abord, que le pape vienne dans cette cathédrale syro-catholique de Bagdad (le 5 mars). Je suis arrivé quelque jours après le drame (l’attentat de 2010 qui a fait 48 morts, ndlr), j’ai vu cette cathédrale avec les traces des balles dans le mur, les traces de sang. Tous les 31 octobre, je célèbre une messe avec les blessés. Y voir le pape dix ans après, c’est incroyable. Beaucoup de musulmans veulent vivre en paix avec les chrétiens, mais je ne suis pas prêt à oublier ce qu’il s’est passé. On n’oublie pas les violences passées comme si elles n’avaient pas eu lieu, on honore la mémoire des martyrs.

Le deuxième événement impressionnant de ce voyage, c’est Mossoul (7 mars), la deuxième ville d’Irak réduite à un tas de cailloux.

Et le troisième, c’est la visite aux chrétiens de Qaraqosh, ville qui a été détruite et qui a vu une vraie haine anti-chrétienne, avec les croix brisées. Daesh a été un recul civilisationnel considérable, avec ses tortures. Dans ces trois lieux, le pape va à la rencontre de la souffrance des gens. Il a fallu son autorité pour venir, beaucoup le déconseillaient.

Que peut-on espérer pour l’avenir ? 

Le pape n’arrive pas comme s’il était le FMI avec des milliards pour résoudre les problèmes économiques ; il n’envoie pas non plus la Garde suisse pour faire la sécurité en Irak. Ce n’est pas comme cela que ça marche. Ce sont des choses spirituelles, humaines, qui avancent. Il renforce le camp de la paix : il y a le camp de la lumière, et celui des ténèbres, les forces de vie et les forces de mort, et le pape vient renforcer ce camp de vie et de lumière. C’est un moment aussi très important pour l’Irak, qui doit élire de nouveaux dirigeants en juin.

De notre envoyée spéciale dans l’avion papal

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Anne Kurian-Montabone

Baccalauréat canonique de théologie. Pigiste pour divers journaux de la presse chrétienne et auteur de cinq romans (éd. Quasar et Salvator). Journaliste à Zenit depuis octobre 2011.

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