Comment rendre grâce au terme d’une année si éprouvante? Le pape François propose de regarder les « nombreuses personnes » qui, « sans autre récompense que celle de faire le bien, trouvent la force de se préoccuper des autres » et il invite à se poser la question: « Qu’est-ce qui les pousse à renoncer à quelque chose d’eux-mêmes, de leur propre confort, de leur temps, de leurs biens, pour le donner aux autres? »
Le pape François, empêché par une « douloureuse sciatique » de présider les premières vêpres de la solennité de Marie Mère de Dieu et le Te Deum d’action de grâce pour l’année civile écoulée, a confié son homélie au cardinal Giovanni Battista Re, doyen du collège des cardinaux, qui l’a lue au cours de l’office.
Le pape François propose cette réponse: « Au fond, tout au fond, même s’ils n’y pensent pas eux-mêmes, la force de Dieu les pousse, qui est plus puissante que nos égoïsmes. C’est pour cela que ce soir nous le louons, parce que nous croyons et que savons que tout le bien qui se fait jour après jour sur la terre vient, à la fin, de lui, vient de Dieu. »
« Et en regardant vers l’avenir qui nous attend, nous implorons à nouveau: « Que ta miséricorde soit toujours avec nous, en toi nous avons espéré. » En toi est notre confiance et notre espérance », conclut le pape.
dans un tweet, le pape a résumé ces motifs d’action de grâce en disant: « Rendons grâce à Dieu pour les bonnes choses advenues pendant la pandémie, pour toutes les personnes qui, sans faire de bruit, ont cherché à rendre plus supportable le poids de l’épreuve. »
Les vêpres ont été suivies de l’adoration eucharistique et de la bénédiction du Saint-Sacrement et la célébration s’est achevée par le chant de l’antienne mariale « Alma Redemptoris Mater », avant que l’assemblée, réduite, masquée, n’entonne le chant de Noël « Adeste fideles ».
Voici notre traduction, rapide, de travail, de l’homélie du pape François, prononcée par le cardinal Re en italien.
AB
Homélie du pape François
Lue par le cardinal Giovanni Battista Re qui a annoncé: « Je lis le texte que le Saint-Père, le Pape François, avait préparé pour cette occasion. »
Chers frères et sœurs!
Cette célébration du soir a toujours un double aspect: par la liturgie, nous entrons dans la fête solennelle de Marie Mère de Dieu; et en même temps nous terminons l’année solaire par le grand hymne de louange.
Il sera question du premier aspect dans l’homélie de demain matin. Ce soir, nous donnons un espace aux remerciements pour l’année qui touche à sa fin.
«Te Deum laudamus», «Nous te louons, Dieu, nous te proclamons Seigneur…». Il pourrait sembler forcé de remercier Dieu à la fin d’une année comme celle-ci, marquée par la pandémie. Les pensées vont aux familles qui ont perdu un ou plusieurs membres; nous pensons à ceux qui ont été malades, à ceux qui ont souffert de la solitude, à qui a perdu son travail …
Quelqu’un demande parfois: quel est le sens d’un drame comme celui-ci? Nous ne devons pas être pressés de répondre à cette question. Même Dieu ne répond pas à nos «pourquoi» les plus angoissés en recourant à des «raisons supérieures». La réponse de Dieu suit le chemin de l’Incarnation, comme le chantera bientôt l’antienne du Magnificat: « Pour le grand amour par lequel il nous a aimés, Dieu a envoyé son Fils dans une chair du péché. »
Un Dieu qui sacrifierait les êtres humains pour un grand dessein, même le meilleur possible, n’est certainement pas le Dieu que nous a révélé Jésus-Christ. Dieu est Père, «Père éternel», et si son Fils s’est fait homme, c’est à cause de l’immense compassion du cœur du Père. Dieu est Père et berger, et quel berger abandonnerait ne serait-ce qu’une seule brebis, en pensant que de toute façon il lui en reste plusieurs? Non, ce dieu cynique et impitoyable n’existe pas. Ce n’est pas le Dieu que nous «louons» et que «proclamons Seigneur».
Le bon Samaritain, lorsqu’il rencontra ce pauvre homme à moitié mort sur le bord de la route, ne lui fit pas de discours pour expliquer le sens de ce qui lui était arrivé, peut-être pour le convaincre que c’était vraiment un bien pour lui. Le Samaritain, ému de compassion, se pencha sur cet étranger, le traitant comme un frère et il prit soin de lui en faisant tout ce qui était en son pouvoir (cf. Lc 10, 25-37).
Ici, oui, peut-être pouvons-nous trouver un «sens» à ce drame qu’est la pandémie, comme des autres fléaux qui affectent l’humanité: celui d’éveiller en nous la compassion et de provoquer des attitudes et des gestes de proximité, de soin, de solidarité, d’affection.
C’est ce qui s’est passé et se passe également à Rome ces derniers mois; et surtout, ce soir, rendons en grâce à Dieu, rendons grâce à Dieu pour les bonnes choses qui se sont produites dans notre ville pendant le confinement et, en général, pendant la pandémie, qui n’est malheureusement pas encore terminée. Nombreux sont ceux qui, sans faire de bruit, ont essayé de rendre le poids de l’épreuve plus supportable. Par leur engagement quotidien, animés par l’amour du prochain, ils ont réalisé ces paroles de l’hymne du Te Deum: « Chaque jour nous te bénissons, nous louons ton nom pour toujours ». Parce que la bénédiction et la louange qui plaisent le plus à Dieu sont l’amour fraternel.
Les travailleurs de la santé – médecins, infirmières, infirmières, bénévoles – sont sur le front, et pour cela, ils sont particulièrement dans nos prières et méritent notre gratitude; ainsi que de nombreux prêtres, religieuses et religieux, qui se sont donnés avec générosité et dévouement. Mais ce soir, notre merci va à tous ceux qui s’efforcent chaque jour de faire vivre leur famille de la meilleure façon possible et à ceux qui se sont engagés à leur service pour le bien commun. Pensons aux responsables scolaires et aux enseignants, qui jouent un rôle essentiel dans la vie sociale et qui doivent faire face à une situation très complexe. Nous pensons également avec gratitude aux administrateurs publics qui savent mettre en valeur toutes les bonnes ressources présentes dans la ville et sur le territoire, et qui sont détachés des intérêts privés et aussi de ceux de leur parti. Pourquoi? Parce qu’ils recherchent vraiment le bien de tous, le bien commun, le bien à partir des plus défavorisés.
Tout cela ne peut arriver sans la grâce, sans la miséricorde de Dieu. Nous – nous le savons bien par expérience – dans les moments difficiles nous sommes portés à nous défendre – c’est naturel – nous sommes portés à nous protéger nous-mêmes et nos proches, à protéger nos intérêts … Comment est-il possible alors que tant de personnes, sans autre récompense que celle de faire le bien, trouvent la force de se préoccuper des autres? Qu’est-ce qui les pousse à renoncer à quelque chose d’eux-mêmes, de leur propre confort, de leur temps, de leurs biens, pour le donner aux autres? Au fond, tout au fond, même s’ils n’y pensent pas eux-mêmes, la force de Dieu les pousse, qui est plus puissante que nos égoïsmes. C’est pour cela que ce soir nous le louons, parce que nous croyons et que savons que tout le bien qui se fait jour après jour sur la terre vient, à la fin, de lui, vient de Dieu. Et en regardant vers l’avenir qui nous attend, nous implorons à nouveau: « Que ta miséricorde soit toujours avec nous, en toi nous avons espéré. » En toi est notre confiance et notre espérance.
© Copyright – Traduction de Zenit, Anita Bourdin