« La misère serait-elle alors une fatalité ? Nous ne le croyons pas », déclare Daniel Alingilya de Bukavu, de la République démocratique du Congo. Dans son témoignage adressé aux jeunes économistes et entrepreneurs rassemblés en ligne pour participer au forum international « Économie de François », Daniel cite les paroles du p. Joseph Wresinski, fondateur du Mouvement ATD Quart Monde, dont il fait partie :« La misère est l’œuvre des hommes, seuls les hommes peuvent la détruire ».
Le forum s’est ouvert ce jeudi 19 novembre 2020, à 14h, avec la vidéo « Écouter le cri des plus pauvres pour transformer la terre », éditée par le Mouvement international ATD Quart Monde.
Dans la vidéo qui présente la vie précaire des familles pauvres en Afrique, un jeune Congolais affirme que « malgré les conditions extrêmement difficiles, elles s’adaptent, s’acharnent, résistent, et essayent de garder la tête haute ».
MD
Voici son témoignage :
Daniel Alingilya (Bukavu, RDC)
Dans cette période de profonds bouleversements climatiques, les familles les plus pauvres sont les plus touchées. Elles sont obligées de s’installer dans des lieux instables, pollués et dangereux, sujets à des éboulements de plus en plus fréquents, et d’inondations causées par de fortes pluies.
La richesse naturelle de nos pays crée nos malheurs, elle attire des puissants sans scrupule provoquant ainsi le pillage, la corruption, l’exploitation des plus faibles, les guerres … tous ces crimes accélèrent le déséquilibre des écosystèmes, et provoquent les désastres.
Le coronavirus fragilise encore davantage les personnes pauvres qui doivent déjà faire face au quotidien à des défis énormes pour leur survie. Si la pandémie au niveau sanitaire n’a pas affecté autant qu’en Europe les populations de notre continent, on peut dire que les personnes pauvres ont été les premières à être victimes de ses conséquences économiques et sociales. Elle a mis encore une fois en lumière les inégalités intolérables et souligné la nécessité d’un système de protection sociale pour tous.
Durant ces moments d’instabilité, les services de base comme les écoles, les institutions de santé ne fonctionnent pas normalement ou alors ils cessent carrément de fonctionner. Les structures communautaires et familiales sont détruites. La vie des familles pauvres est un perpétuel recommencement face à ces crises de toutes natures dont elles ne sont pas responsables et sur lesquelles elles ont peu de prise, mises à écart de tous lieux de décision, oubliées. Pour vivre, elles doivent accepter des activités dangereuses et mal payées, sans aucune protection contre les maladies, les accidents, et occasionnant une usure précoce du corps. Elles se contentent d’une alimentation bon marché, le plus souvent nocive … Elles survivent grâce à leur seul courage et à la solidarité entre elles. Beaucoup de parents surtout les mères s’adonnent à l’activité de porte-faix, travail éreintant et quand elles tombent malades, c’est toute la famille qui vacille. Leur espérance de vie diminue chaque jour. Certaines femmes circulent toute la journée pour vendre des petits poissons même jusqu’au soir. Malgré les conditions extrêmement difficiles, elles s’adaptent, s’acharnent, résistent, et essayent de garder la tête haute. Les enfants de ces familles souffrent beaucoup, certains d’entre- eux ne sont pas scolarisés, ils décident d’abandonner l’école pour aller soutenir leurs parents dans leurs activités informelles de survie : vendre des sachets, de l’eau, de beignets, ils travaillent aux restaurants, aux dépotoirs et d’autres font des travaux lourds tels que le bétonnage.
La misère serait-elle alors une fatalité ? Nous ne le croyons pas. Comme disait le père Joseph Wresinski, fondateur du Mouvement ATD Quart Monde : « La misère est l’œuvre des hommes, seuls les hommes peuvent la détruire ».