Une lettre d’origine diplomatique – une « note aux nonces » -, en espagnol, explique ce que le pape François dit dans le documentaire « Francesco » présenté au Festival du film de Rome le 21 octobre dernier sur les « cohabitations » entre personnes de même sexe.
Il s’agit d’un document « pastoral » voulu par le pape lui-même pour apporter toutes les clarifications nécessaires après la confusion suscitée par les interprétations du documentaire, confirment à Zenit des sources vaticanes.
Le texte a été publié en espagnol, le 31 octobre, sans autre indication d’origine ou de destinataire, sur la page facebook du nonce apostolique au Mexique, Mgr Franco Coppola, ce qui indique implicitement l’origine de la lettre (Secrétairerie d’Etat) et la volonté du pape François de clarifier le contexte de ses propos, mal interprétés.
La lettre a aussi été publiée le lendemain, 1er novembre 2020, par le biographe du pape François, Austen Iverreigh (@austeni), qui indique, en anglais, sans autre précision sur son origine, que la lettre a été « envoyée le 30 octobre, et est parvenue, via un nonce latino-américain, à la demande de la secrétairerie d’État du Vatican, pour fournir «quelques éléments pour une bonne compréhension de certaines expressions du Saint-Père» dans le documentaire « Francesco ». » Le document a pour titre dans la copie publiée par Ivereigh: « Pour comprendre certaines expressions du pape dans le documentaire « Francesco ». » La volonté du pape d’apporter cette clarification est confirmée aussi par Ivereigh.
Comme nous l’avons indiqué dans notre analyse du 21 octobre, les deux questions posées au pape dans l’interview originale de la télévision mexicaine en 2019 ont été retirées pour les besoins du montage.
La première réponse du pape, nous l’avons indiqué également, est faite de trois extraits de l’interview de Valentina Alazraki pour « Televisa ». Elle porte sur la famille d’origine des personnes homosexuelles, familles exhortées par le pape à ne pas rejeter une personne homosexuelle du fait de son orientation.
La seconde question et la réponse (inédites, mais du même tournage de Televisa) portent sur le cadre juridique des « cohabitations » de personnes de même sexe en Argentine. Le pape répond à une question sur la législation dans sa patrie il y a une dizaine d’années et sur sa prise de position de l’époque, en tant qu’archevêque de Buenos Aires.
Nous avions aussi rapproché ces propos du pape avec les paragraphes 250 et 251 de « Amoris laetitia », que nous citions in extenso. Pour conclure: rien de nouveau dans les propos du pape et rien de contraire à la doctrine catholique.
Nous avons cité en outre le dialogue avec Dominique Wolton (2017) dans lequel le pape François recommande de réserver le mot « mariage » à l’union d’un homme et d’une femme. La lettre cite à ce propos une autre interview de 2014 dans laquelle le pape disait déjà la même chose: une position constante.
Cette lettre apporte une confirmation de notre lecture et c’est la première fois qu’une telle source, présentée comme vaticane par une biographe sérieux, publie une analyse des réponses du pape après la confusion provoquée par le documentaire et les interprétations qu’il a suscitées.
Voici notre traduction, rapide, de travail, et complète, de la lettre publiée par Austen Ivereigh sur son compte twitter et par le nonce Coppola sur sa page facebook: un texte en espagnol.
AB
Lettre sur le documentaire « Francesco »
Certaines affirmations contenues dans le documentaire « Francesco » du réalisateur Evegeny Afineevski, ont suscité, il y a quelques jours différentes réactions et interprétations. On offre par conséquent quelques éléments utiles, dans le désir de favoriser une, à la demande du Pape, une compréhension adéquates des paroles du Saint-Père.
Il y a plus d’un an, durant une interview, le pape François a répondu à deux questions distinctes à deux moments différents qui, dans ce documentaire, ont été montées et publiées comme une seule réponse dans la mise en contexte nécessaire, ce qui a engendré de la confusion. Le Saint-Père avait d’abord fait une référence pastorale sur la nécessité qu’au sein d’une famille, le fils ou la fille ayant une orientation homosexuelle ne soient jamais discriminés. C’est à eux que se réfèrent les paroles: « Les personnes homosexuelles ont le droit d’être en famille; elles sont des enfants de Dieu, elles ont le droit à une famille. On ne peut pas chasser personne de sa famille ni lui rendre pour cela la vie impossible. »
Le paragraphe suivant de l’exhortation apostolique « Amoris laetitia » (2016) peut éclairer de telles expressions: « L’Eglise fait sienne l’attitude du Seigneur Jésus qui, dans un amour sans limite, s’est offert pour chaque personne sans exception. Avec les Pères synodaux, j’ai pris en considération la situation des familles qui vivent l’expérience d’avoir en leur sein des personnes manifestant une tendance homosexuelle, une expérience loin d’être facile tant pour les parents que pour les enfants. C’est pourquoi, nous désirons d’abord et avant tout réaffirmer que chaque personne, indépendamment de sa tendance sexuelle, doit être respectée dans sa dignité et accueillie avec respect, avec le soin d’éviter » toute marque de discrimination injuste » et particulièrement toute forme d’agression et de violence. Il s’agit, au contraire, d’assurer un accompagnement respectueux des familles, afin que leurs membres qui manifestent une tendance homosexuelle puissent bénéficier de l’aide nécessaire pour comprendre et réaliser pleinement la volonté de Dieu dans leur vie » (n. 250).
Une question suivante de l’interview était quant à elle en lien avec une loi locale d’il y a dix ans en Argentine sur les « mariages égalitaires des couples de même sexe » et l’opposition de l’archevêque de Buenos Aires d’alors à ce sujet. A ce propos, le pape François a affirmé que « c’est incongru de parler de mariage homosexuel », ajoutant que dans le même contexte il a parlé du droit de ces personnes d’avoir une certaine couverture légale: « Ce que nous devons faire c’est une loi de cohabitation civile; ils ont le droit d’être couverts légalement. J’ai défendu cela. »
Le Saint-Père s’était exprimé ainsi au cours d’une interview en 2014: « Le mariage est entre un homme et une femme. Les Etats laïcs veulent justifier les unions civiles pour réguler certaines situations de cohabitation, mus par l’exigence de réguler les aspects économiques entre les personnes, comme par exemple assurer l’assistance sanitaire. Il s’agit de pactes de cohabitation de différentes natures: on ne saurait donner une liste de leurs différentes formes. Il est nécessaire de voir les différents cas et de les évaluer dans leur variété. »
Il est donc évident que le pape François s’est référé à des dispositions d’Etat, certainement pas à la doctrine de l’Eglise, répétée de nombreuses fois au cours des années.
(c) Traduction de Zenit, Anita Bourdin
Mis à jour le 2 novembre 2020 à 12h 40