Mgr Follo, 28 juin 2020 © Anita Sanchez

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« Quand nous pardonnons, nous imitons Dieu », par Mgr Follo

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Le pardon et la compassion, manifestations de la toute-puissance

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« Quand nous pardonnons, nous imitons « Dieu qui manifeste sa toute puissance dans la manière la plus haute par le pardon et par la compassion » », fait observer Mgr Francesco Follo dans son commentaire hebdomadaire des lectures de la messe du dimanche: ce sera, dimanche prochain, 13 septembre 2020, le XXIVème Dimanche du Temps Ordinaire – Année A, pour l’Eglise latine.

L’Observateur permanent du Saint-Siège à l’UNESCO, à Paris, souhaite que ces lectures permettent de « comprendre qu’en pardonnant à notre prochain nous recevons le pardon de Dieu, qui non seulement nous donne quelque chose mais nous donne quelqu’un: le Christ ».

Comme lecture patristique Mgr Follo propose un sermon de saint Augustin d’Hippone.

AB

Quand nous pardonnons, nous imitons « Dieu qui manifeste sa toute puissance dans la manière la plus haute par le pardon et par la compassion » (cf. Lit. Dim,)

 

1) Le pardon sans limites pour donner la vie.

            Dans le pardon, un miracle arrive : le mal devient bien parce qu’il nous demande d’aimer davantage et nous acceptons le défi. Ainsi le mal devient la cause d’un amour plus grand. Dans le pardon, chacun de nous fait à l’autre ce que le Christ fait constamment avec nous, et, aujourd’hui Il nous enseigne en affirmant la nécessité d’un pardon sans limites.

L’Evangile de ce dimanche nous narre l’épisode où Pierre demanda au Christ combien de fois il aurait dû pardonner à son prochain. Le Messie, le porteur de l’évangile de la miséricorde répondit qu’il devait pardonner « non pas sept fois, mais soixante-dix fois sept » (Mt 18,21s), c’est-à-dire toujours. En effet le nombre « soixante-dix » par « sept » est symbolique et ne signifie pas une grande quantité déterminée, mais une quantité infinie, démesurée.

En disant qu’il faut pardonner « soixante-dix fois sept », Jésus enseigne que le pardon chrétien n’a pas de limites et que seul le pardon sans limites ressemble au pardon de Dieu.
Ce pardon divin est la raison et la mesure du pardon fraternel. C’est parce que Dieu le Père nous a fait objet d’un pardon sans mesures, que nous devons pardonner sans mesure.

Le pardon fraternel  est la conséquence du pardon paternel de Dieu à invoquer sur ceux qui nous offensent, en priant : « Notre Père qui est au cieux … pardonne-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés » et en s’appropriant la prière du Christ sur la Croix lorsque Celui-ci supplia  en s’adressant au Père : « Père pardonne-leur parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils font » (Lc 23.34).

« Pardon » est la parole prononcée par le Christ auquel on a fait tant de mal, de façon injuste et sans mesures. Le Messie mourant  pardonne et ouvre  l’espace de l’amour infini à celui qui l’offense et qui le tue. Il prononce cette parole du cœur qui révèle un Dieu infiniment bon : le Dieu du pardon et de la miséricorde.

Comment pouvons-nous, nous pauvres êtres limités, mettre en pratique cet amour illimité ?
En premier lieu, en mendiant la miséricorde de Dieu parce que nous ne pouvons donner ce que nous n’avons pas. Le Patron, celui dont parle le Christ dans la parabole d’aujourd’hui, se laisse attendrir par la supplication du serviteur et il efface toute sa dette, en révélant un amour non seulement patient mais sans limites dans sa miséricorde. L’erreur à éviter, après avoir reçu ce pardon, est de ne pas reconnaître qu’en ce pardon il y a son amour pour nous et que cet amour grandit en nous si nous le partageons.

En deuxième lieu, en prenant conscience que l’accueil du pardon de Dieu se concrétise dans le savoir pardonner aux autres et qu’en pardonnant à celui qui nous a offensé, nous aimons le prochain comme nous-même et nous réalisons non seulement son bonheur et sa joie mais également notre bonheur et notre joie.

En troisième lieu, en prenant conscience que le pardon n’est pas seulement un acte que nous sommes appelés à faire infiniment (des fois infinies) mais c’est une façon d’être qui doit influencer toute notre vie quotidienne pendant toute notre existence. C’est une dimension « religieuse » dans le sens vrai du terme parce qu’elle exprime notre communion avec Dieu dont l’amour transforme. « Pardonner ce n’est pas ignorer mais transformer :  Dieu doit entrer dans ce monde et opposer à l’océan de l’injustice un plus grand océan du bien et de l’amour » (Benoît XVI, 24 juillet 2005).

Un grand exemple, humain de ce pardon nous vient de la Vierge Marie qui souvent est invoquée comme la Mère de Miséricorde. Aux pieds de son Fils crucifié, Marie nous pardonna acceptant comme ses fils les hommes par qui le Christ avait été mis sur la Croix et qui il mourrait. Avec ce « oui » (fiat) elle devint pour toujours, sans limites, notre Mère, Mère du pardon, comme auparavant elle se mit pleinement à disposition de Dieu et devint la mère de Jésus, le visage humain de la divine Miséricorde. Marie est ainsi devenue et reste pour toujours la « Mère de la Miséricorde » modèle et exemple de pardon.

            2) Pardon et gratuité.

            La parabole d’aujourd’hui nous donne aussi un autre enseignement au sujet du pardon : il ne doit pas « seulement » être pour toujours mais aussi gratuit et il ne faut pas séparer le rapport d’avec Dieu de celui du prochain. En effet le serviteur des paraboles est condamné parce qu’il retient le Pardon pour lui et ne permet pas que le pardon reçu devienne joie et pardon pour les autres aussi.
L’erreur de ce serviteur est de séparer le rapport avec Dieu du rapport avec le prochain. C’est en fait un rapport unique : comme il y a un rapport de gratuité, d’amour accueillant entre Dieu et les hommes, ainsi il doit y être la même chose entre l’homme et ses frères.

Je pense que la parabole veut aussi souligner que l’amour de Dieu envers nous n’est pas avant tout circulaire, réciproque mais expansif. Il est gratuit. Dieu ne se laisse pas enfermer dans l’étroite réciprocité. Donc, celui qui croit en Dieu et parle de Dieu doit élargir l’espace du pardon qui réalise la vraie justice.

L’important est de comprendre et de vivre le fait que « la justice de Dieu est son pardon (Misericordiae vultus, 20). Le pape François écrit : « La miséricorde n’est pas contraire à la justice mais elle exprime le comportement de Dieu envers le pécheur  en lui offrant une ultérieure possibilité de se convertir et de croire » (Id, 21). Nous devons être Eglise en sortie regardant les autres avec les yeux de Jésus : des yeux d’amour et non d’exclusion, certains que Dieu est tout et seul Amour, et parce qu’il est Amour, il est accueil, dialogue et que dans sa relation avec nous, hommes pécheurs, devienne compassion, grâce et pardon : miséricorde.

Les vierges consacrées sont particulièrement appelées pour être des témoins de cette miséricorde du Seigneur dans laquelle nous sommes tous sauvés.

L’existence de ces femmes tient vivant l’expérience du pardon de Dieu, parce qu’elles vivent dans la conscience d’être des personnes sauvées, d’être « grandes » lorsqu’elles se reconnaissent « petites », de se sentir renouvelées et enveloppées par la sainteté de  Dieu lorsqu’elles reconnaissent leur propre péché.

La vie consacrée reste donc une école privilégiée de la « componction du cœur », de la reconnaissance humble de sa propre misère, mais est aussi une école de la confiance dans la miséricorde de Dieu, dans son amour qu’il n’abandonne jamais.

En effet, plus nous sommes près de Dieu, plus nous sommes utiles aux autres.
Avec le don total d’elles-mêmes, les vierges consacrées expérimentent la grâce, la miséricorde et le pardon de Dieu non seulement pour soi mais pour les frères parce que leur vocation est de porter dans le cœur et dans la prière les angoisses et les attentes des hommes, particulièrement de ceux qui sont loin de Dieu.

La virginité est le fruit d’une amitié prolongée et mûrie avec Jésus par l’écoute constante de sa parole, dans le dialogue de la prière, dans la rencontre eucharistique. Pour cela les vierges consacrées sont des témoins crédibles de la foi. Elles doivent être des personnes qui vivent pour le Christ avec le Christ et dans le Christ en transformant leur propre vie selon les plus grandes exigences de la gratuité.

La gratuité est un des noyaux de l’évangile. Tout est Grâce. « Personne » ne peut rien prétendre à quoi que ce soit, tout est donné.
Comme Paul il faut dire : “Qui donc t’a mis à part ? As-tu quelque chose sans l’avoir reçu ? Et si tu l’as reçu, pourquoi te vanter comme si tu ne l’avais pas reçu ? » (1 Cor 4,7). La gratuité n’est pas de faire les choses sans raison mais de les faire avec la plus grande des motivations, qui est la foi qui devient active par la charité (cf. Gal 5,6)

 

Lecture patristique

Saint Augustin (354 – 430) Sermon 83, 2.4 (PL 38, 515-516)


Le Seigneur a raconté pour notre instruction la parabole du débiteur impitoyable, et, comme il ne veut pas que nous périssions, il y a joint cet avertissement: C’est ainsi que votre Père du ciel vous traitera, si chacun de vous ne pardonne pas à son frère de tout son cœur (Mt 18,35). Vous le voyez, mes frères, la parole est claire, l’avertissement utile ; ils réclament notre obéissance, ce moyen de salut très efficace, qui nous rend capables d’observer le commandement.

Tout homme, il est vrai, est débiteur de Dieu, et tout homme a un frère qui est son débiteur. Y a-t-il quelqu’un qui ne doive rien à Dieu, sinon celui en qui on ne peut trouver de péché ? Et quel est l’homme qui n’a pas un frère pour débiteur, sinon celui que personne n’a offensé ? Pourrait-on, à ton avis, en trouver un seul dans le genre humain, qui ne soit comptable de quelque manquement envers un frère ?

Donc, tout homme est débiteur envers quelqu’un, et il a, lui aussi, un débiteur. Dès lors, le Dieu juste t’a donné une règle à suivre envers ton débiteur, règle qu’il appliquera lui-même envers le sien. Il existe, en effet, deux ouvres de miséricorde qui peuvent nous libérer. Le Seigneur lui-même les a formulées brièvement dans son évangile : Remettez, et il vous sera remis ; donnez, et l’on vous donnera (Lc 6,37-38). La première a pour objet le pardon, et la seconde, la charité.

Le Seigneur parle du pardon. Or, tu désires obtenir le pardon de tes péchés, et tu as aussi des péchés à pardonner à quelqu’un. Il en va de même pour la charité : un mendiant te demande l’aumône et tu es le mendiant de Dieu, car nous sommes tous, quand nous le prions, les mendiants de Dieu. Nous nous tenons, ou plutôt nous nous prosternons devant la porte de notre Père de famille ; nous le supplions en nous lamentant, désireux de recevoir de lui une grâce, et cette grâce, c’est Dieu même. Que te demande le mendiant ? Du pain. Et toi, que demandes-tu à Dieu ? Simplement le Christ, qui dit : Je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel (Jn 6,51). Vous voulez être pardonnes ? Pardonnez. Remettez, et il vous sera remis. Vous voulez recevoir ? Donnez, et l’on vous donnera.

Oui, vraiment, si nous considérons nos péchés et passons en revue les fautes que nous avons commises par action, par la vue, par l’ouïe, par la pensée, par tant de mouvements de notre cœur, j’ignore si nous pourrions nous endormir sans sentir peser tout le poids de notre dette. Voilà pourquoi chaque jour nous présentons à Dieu des demandes, chaque jour nos prières vont frapper à ses oreilles, chaque jour nous nous  prosternons en disant: Remets-nous nos dettes comme nous les avons remises nous-mêmes à ceux qui nous devaient (Mt 6,12).

Quelles dettes veux-tu te faire remettre? Toutes, ou une partie ? Tu vas répondre « Toutes. » Fais-donc de même pour ton débiteur. C’est la règle que tu formules et la condition que tu poses. Tu les rappelles lorsque tu pries en accord avec ce pacte et cette alliance, et que tu dis : Remets-nous nos dettes comme nous les avons remises nous-mêmes à ceux qui nous devaient.

 

 

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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