Mgr Follo, 28 juin 2020 © Anita Sanchez

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Lectures de dimanche : « La correction fraternelle, par et pour l’amour »

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Le véritable amour aide à grandir

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« La correction fraternelle est faite par et pour l’amour », c’est le titre de la méditation de Mgr Francesco Follo sur les lectures de dimanche prochain, 6 septembre 2020 (XXIIIème Dimanche du Temps Ordinaire – Année A – Ez 33,1.7-9; Ps 94 ; Rm 13,8-10; Mt 18,15-20).

« Le véritable amour, écrit l’observateur permanent du Saint-Siège à l’Unesco à Paris, ne ferme pas les yeux sur les défauts et ne laisse pas les situations et les personnes telles qu’elles sont, avec leurs limites et leurs défauts, mais il aide à grandir. »

Comme lecture patristique, il propose une réflexion de saint Jean Chrysostome sur les 5 voies de la conversion.

La correction fraternelle est faite par et pour l’amour

1) La correction faite avec amour gagne un frère.

Le récit évangélique de ce dimanche suit immédiatement la narration de la parabole de la brebis perdue. Il en est une application concrète et montre que la correction fraternelle est l’expression la plus haute de l’amour fraternel.

Si jamais un frère commet une faute, il faut appliquer en premier ressort la correction personnelle. S’il n’écoute pas, il faut appeler en aide quelques témoins. S’il continue à ne pas écouter l’appel à la conversion, il faut s’adresser à la communauté. S’il n’écoute même pas cette dernière tentative, il faut à ce moment et seulement à ce moment, le considérer comme un païen ou un publicain, c’est-à-dire comme quelqu’un qui s’est mis en dehors de la communauté.

Lorsque le Seigneur parle de correction fraternelle, il veut nous apprendre certaines choses :
1) le véritable amour ne ferme pas les yeux sur les défauts et ne laisse pas les situations et les personnes telles qu’elles sont, avec leurs limites et leurs défauts, mais il aide à grandir ;
2) pour être fraternelle et ne pas tomber au niveau du ressentiment instinctif, la correction doit être inspirée par l’amour et prompte au pardon ;
3) la correction doit être discrète et patiente, découragée seulement par une réponse si obstinée et fière qu’elle devient un rejet total.

Bref, à la question : « En quoi consiste la correction fraternelle ? », nous pourrions répondre que l’amour fraternel implique aussi un sens de responsabilité mutuelle. Donc, si mon frère commet une faute contre moi, je dois faire preuve de charité envers lui, tout d’abord en lui parlant personnellement pour lui faire prendre conscience que ce qu’il a dit ou fait n’est pas bon. Cette façon d’agir s’appelle correction fraternelle, qui n’est pas suscitée par une réaction à l’offense subie, mais par l’amour de son frère (Benoît XVI).

Par la correction fraternelle, nous éloignons notre prochain du mal et le conduisons au bien. C’est donc quelque chose de plus que la réconciliation et le pardon, car il faut toujours pardonner, se réconcilier. Si j’ai pardonné à mon frère, je suis son frère ; mais peut-être qu’il ne se sent pas mon frère, c’est alors une fraternité à moitié. Ce n’est que lorsqu’il se repent de l’erreur qu’il devient frère, alors la fraternité est réciproque.

Donc, faisons nôtre l’enseignement que saint François de Sales a donné à cet égard en déclarant: « Quand nous allons corriger un frère, écrivons d’abord sur une feuille de papier et répétons encore et encore ces deux phrases bibliques : ‘Prendrais-je donc plaisir à la mort du méchant – oracle du Seigneur Dieu –, et non pas plutôt à ce qu’il se détourne de sa conduite et qu’il vive ?’ (Ez 18, 23) et ‘Quoi ! tu regardes la paille dans l’œil de ton frère ; et la poutre qui est dans ton œil, tu ne la remarques pas ? Ou encore : Comment vas-tu dire à ton frère : “Laisse-moi enlever la paille de ton œil”, alors qu’il y a une poutre dans ton œil à toi ? Hypocrite ! Enlève d’abord la poutre de ton œil ; alors tu verras clair pour enlever la paille qui est dans l’œil de ton frère’ (Mt 7, 3-5) ».

2) La prière s’unit à l’amour fraternel qui corrige.

A cet enseignement sur la correction fraternelle Jésus joint celui du pardon qu’il faut donner 70 fois 7, c’est-à-dire toujours, et aussi celui sur la toute-puissance de la prière pourvu qu’elle soit faite ensemble à la communauté, même s’il s’agit d’une communauté constituée seulement de deux ou trois personnes. Naturellement ces personnes pour prier Dieu doivent se réconcilier entre elles.

Même si dans ce morceau évangélique on parle beaucoup de pardon sans limites, il est aussi clairement dit qu’il faut dénoncer le mal et qu’il faut corriger celui qui le fait. Les paroles de l’Evangile d’aujourd’hui éclairent sur comment les frères puissent détruire les cloisons que le diable construit entre eux. En effet l’Eglise a la claire conscience que le « péché » a le pouvoir de détruire la communion et de faire ainsi perdre au sel son goût. Une communauté divisée parce que quelques « frères a commis une faute » et ils n’ont pas été « gagnés » au pardon, ne peut pas accomplir sa mission dans le monde. Alors cette communauté ne vaut qu’à être écrasée par les hommes comme on fait avec du sel qui ne sert plus à rien.

Jésus nous dit qu’il ne faut pas rester indifférent « si quelqu’un pèche », car il en va la vie de communion avec Dieu et entre nous, parce qu’il faut ouvrir le ciel aux hommes à travers l’Eglise.

Il ne s’agit pas d’une simple question judiciaire pour sauvegarder l’ordre de la société ou de la famille. Jésus n’offre pas sa version des différents degrés de jugement dans un procès pour le bon ordre de l’Etat, mais Il montre comme le jugement de miséricorde du Père qui est aux cieux se réalise dans l’Eglise qui est sur terre. Il faut se soucier pour la destinée de notre frère et de notre sœur, comme il l’avait bien compris Saint François d’Assise: « Et en ceci je veux savoir si tu aimes le Seigneur et si tu m’aimes, moi son serviteur et tien, c’est-à-dire si tu te comporteras de cette façon : qu’il n’y ait aucun frère au monde qui ait péché, autant qu’il soit possible pécher, qu’après avoir vu tes yeux il ne s’en revienne sans ton pardon, s’il te le demande ; et s’il ne demandait pas le pardon, demande-lui s’il veut être pardonné. Et si en suite mille fois il péchera devant tes yeux, aimes-le plus que moi pour ceci : que tu puisses l’attirer au Seigneur ; et aie toujours miséricorde pour ces frères ». (Saint François d’Assisi, Lettre à un ministre).

Aussi la première lecture de la messe d’aujourd’hui avec le passage du prophète Ezéchiel met-elle en évidence ce même enseignement : le prophète est comme un guetteur, et il a l’incontournable devoir d’annoncer les exigences de Dieu, de dénoncer le mensonge n’importe-où il se trouve. Mais le but est toujours le même : celui d’aider le frère à prendre conscience de son état de péché, afin qu’il puisse s’en repentir. Le but est de créer une gêne chez les pécheurs, parce que c’est justement dans une condition de gêne que souvent Dieu s’insère et pousse le pécheur à revenir vers Lui.

A la lumière de ces brèves réflexions, on comprend la deuxième phrase de Jésus qui est écrite dans se passage de l’Evangile de Saint Mathieu : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à soixante-dix fois sept fois ». Il faut donc pardonner toujours, un pardon sans mesure, parce que Dieu nous a fait l’objet d’un pardon sans mesure. Le pardon au prochain est la directe conséquence du pardon de Dieu envers nous. S’il est un devoir de charité dénoncer le mal et corriger qui le commet, ceci est possible car tu as déjà pardonné et tu aimes le pécheur. Dans la communauté chrétienne le péché continue mais parallèlement le pardon des péchés continue de façon encore plus « obstiné ».

3) La prière comme correction et intercession.

Même si parfois une certaine sévérité est nécessaire, toutefois elle doit naître d’un cœur miséricordieux comme celui du Bon Pasteur qui prend la brebis sur ses épaules après l’avoir libéré des épines des ronces. Il la corrige toute en la soutenant. Comme l’étymologie le suggère « corriger » signifie « tenir avec », « soutenir ensemble » et donc il ne s’agit pas d’une punition.

Pour corriger dans la vérité il faut :
– aimer l’autre jusqu’au point de désirer de porter avec lui le poids de ses péchés, comme le Christ l’a fait prenant sur Lui le péché du monde ;
– il faut aimer le Christ, qui nous appelle à prendre son joug léger et facile à porter : la Croix qui purifie et pardonne ;
– il faut prier avec le Christ. Jésus n’est pas un autre parmi nous, mais Celui qui nous rassemble et unie dans un seul corps. Il nous unie tous dans un même Esprit. Il nous unie dans un même amour qui corrige pardonnant, parce qu’Il ne voit pas en nous, pécheurs, des personnes condamnables, mais pardonnables.

Jésus a imploré le pardon et nous nous unions à Lui dans la prière, sur tout celle eucharistique en demandant à « Abba, Père » que sa volonté soit faite, c’est-à-dire que personne ne se perde. En priant en communion de charité, nous exerçons – dans un certain sens – le ministère de « délier » les cordons du péché et celui de « lier » à nouveau à la communion avec le Père et avec les frères.

Cette prière de correction et d’intercession est exercée de façon particulière par les Vierges Consacrées de par le monde.

Ces femmes, filles de l’Eglise, savent que le Seigneur ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse et il vive (cf. Ez 18,23; 33,11). En effet le désir de Dieu est toujours celui de pardonner, sauver, donner la vie, transformer le mal en bien. Et donc c’est exactement ce désir divin que dans la prière devient désir de la personne humaine et s’exprime à travers les mots d’intercession.

Avec la prière d’intercession elles prêtent leur propre voix et aussi leur propre cœur à la volonté divine : le désir de Dieu est miséricorde, amour et volonté de salut ; et ce désir de Dieu trouve chez ces femmes (mais aussi en chacun des chrétiens) et dans leur prière la possibilité de se manifester de façon concrète à l’intérieur de l’histoire des hommes, pour être présent là où il y a nécessité de la grâce.

Alors que l’enseignement de l’Eglise, lieu du pardon, et l’exemple des Vierges Consacrées nous apprenne à ouvrir davantage le cœur à la miséricorde démesurée de Dieu, afin que dans la prière quotidienne nous sachions désirer le salut de l’humanité et le demander avec persévérance et confiance au Seigneur qui est grand dans l’amour, un amour surprenant et infini.

En remettant le livre de la Liturgie des Heures, l’Evêque s’adresse à la consacrée avec ses mots: « la prière de l’Eglise résonne sans interruption dans ton cœur et sur tes lèvres comme louange éternelle au Père et comme vivante intercession pour le salut du monde » (Rituel de Consécration des Vierges, rites explicatifs, n. 48), parce que le premier et incontournable engagement des vierges consacrées est celui de la prière, comme il est expressément requis pendant le rite de consécration (cf. Ibid., Préambules, n. 2). De ce fait, toute vierge appartenant à l’Ordo garde constamment présent à son esprit que la prière n’est pas seulement une personnelle et généreuse réponse à la voix de l’Epoux et une humble requête d’aide pour se maintenir fidèle au saint engament et au don reçu, mais elle est aussi participation intime à la vie du Corps mystique du Christ, intercession inlassable pour l’Eglise et pour le monde.

Lecture Patristique
SERMON DE S. JEAN CHRYSOSTOME
SUR LE DIABLE TENTATEUR (2, 6; PG 49, 263-264)
Les 5 chemins de la conversion

Voulez-vous que je vous indique les chemins de la conversion ? Ils sont nombreux, variés et différents, mais tous conduisent au ciel.

Le premier chemin de la conversion, c’est la condamnation de nos fautes. Commence toi-même par dire tes fautes, pour être justifié. Et c’est pourquoi le Prophète disait : J’ai dit : Je veux confesser au Seigneur les iniquités que j’ai commises ; et toi, tu as pardonné le péché de mon cœur. Condamne donc toi-même les fautes que tu as commises, et cela suffira pour que le Maître t’exauce. Celui qui condamne ses fautes, en effet, craindra davantage d’y retomber. Éveille ta conscience pour avoir ton accusateur en toi-même et ne pas le rencontrer devant le tribunal du Seigneur. Voilà donc un excellent chemin de conversion.

Il y en a un deuxième, qui n’est pas inférieur à celui-là : c’est de ne pas garder rancune à nos ennemis, de dominer notre colère pour pardonner les offenses de nos compagnons de service, car c’est ainsi que nous obtiendrons le pardon de celles que nous avons commises contre le Maître ; c’est la deuxième manière d’obtenir la purification de nos fautes. Si vous pardonnez à vos débiteurs, dit le Seigneur, mon Père, qui est aux cieux, vous pardonnera aussi.

Tu veux connaître le troisième chemin de la conversion ? C’est la prière fervente et attentive que tu feras du fond du cœur.

Si tu désires connaître le quatrième chemin, je citerai l’aumône: elle a une puissance considérable et indicible.

La modestie et l’humilité ne sont pas des moyens inférieurs à ceux que nous avons dits pour détruire les péchés à la racine. Nous en avons pour témoin le publicain qui ne pouvait pas proclamer ses bonnes actions, mais qui les a toutes remplacées par l’offrande de son humilité et a déposé ainsi le lourd fardeau de ses fautes.

Nous venons donc d’indiquer cinq chemins de la conversion : d’abord la condamnation de nos péchés, puis le pardon accordé aux offenses du prochain ; le troisième consiste dans la prière ; le quatrième dans l’aumône, le cinquième dans l’humilité.

Ne reste donc pas inactif, mais chaque jour emprunte tous ces chemins ; ce sont des chemins faciles et tu ne peux pas prétexter ta misère. Car, même si tu vis dans la plus grande pauvreté, tu peux abandonner ta colère, pratiquer l’humilité, prier assidûment et condamner tes péchés. Ta pauvreté ne s’y oppose nullement. Mais qu’est-ce que je dis là ? Alors que, sur ce chemin de la conversion où il s’agit de donner ses richesses (c’est de l’aumône que je veux parler), même la pauvreté ne nous empêche pas d’accomplir le commandement. Nous le voyons chez la veuve qui donnait ses deux piécettes.

Nous avons donc appris comment soigner nos blessures ; appliquons ces remèdes : revenus à la vraie santé, nous profiterons hardiment de la table sainte et avec beaucoup de gloire nous irons à la rencontre du roi de gloire, le Christ. Obtenons les biens éternels par la grâce, la miséricorde et la bonté de Jésus Christ notre Seigneur.

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Mgr Francesco Follo

Mgr Francesco Follo est ordonné prêtre le 28 juin 1970 puis nommé vicaire de San Marco Evangelista à Casirate d’Adda de 1970 à 1976. Il obtient un doctorat en Philosophie à l’Université pontificale grégorienne en 1984. De 1976 à 1984, il travaille comme journaliste au magazine Letture du Centre San Fedele de la Compagnie de Jésus (jésuites) à Milan. Il devient membre de l’Ordre des journalistes en 1978. En 1982, il occupera le poste de directeur-adjoint de l’hebdomadaire La Vita Cattolica. De 1978 à 1983, il est professeur d’Anthropologie culturelle et de Philosophie à l’Université catholique du Sacré Cœur et à l’Institut Supérieur des Assistant Educateurs à Milan. Entre 1984 à 2002, il travaille au sein de la Secrétairerie d’Etat du Saint-Siège, au Vatican. Pendant cette période il sera professeur d’Histoire de la Philosophie grecque à l’Université pontificale Regina Apostolorum à Rome (1988-1989). En 2002, Mgr Francesco Follo est nommé Observateur permanent du Saint Siège auprès de l’UNESCO et de l’Union Latine et Délégué auprès de l’ICOMOS (Conseil international des Monuments et des Sites). Depuis 2004, Mgr Francesco Follo est également membre du Comité scientifique du magazine Oasis (magazine spécialisé dans le dialogue interculturel et interreligieux). Mgr Francesco Follo est Prélat d’Honneur de Sa Sainteté depuis le 27 mai 2000.

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