Annuler la dette des pays pauvres et revoir les sanctions qui frappent les civils sans porter d’autres fruits : c’est l’appel de Caritas Internationalis, lancé lors de la conférence de presse en streaming de présentation de son rapport annuel, rapporte Radio Vatican, ce 17 juillet 2020, dans cette synthèse (Fausta Speranza).
Le président, le cardinal Luis Antonio Tagle, a plaidé pour une nouvelle espérance de solidarité pour l’avenir, qui dépasse l’aspect émotionnel de la crise sanitaire, demandant que l’on travaille à « un cessez-le-feu mondial ».
La dette et les restrictions commerciales coupent les ponts des possibilités de rachat de populations entières bien au-delà des frontières des pays directement touchés. Un exemple est clair pour tous : le Liban, qui paie certainement des années de politiques économiques à courte vue, est aussi en échec, cependant, à cause des répercussions des sanctions imposées au gouvernement syrien, qui mortifient le commerce depuis des années.
Pour Beyrouth, Damas a été le premier partenaire commercial de la région. Ce n’est là qu’un des sujets abordés lors de la conférence de presse en streaming présentant le rapport annuel de Caritas Internationalis qui a eu lieu hier après-midi. Parmi les participants figuraient le président, le cardinal Luis Antonio Gokim Tagle, le secrétaire général de Caritas Internationalis, Aloysius John, le cardinal Wilfrid Fox Napier, président de Caritas Afrique du Sud et Rita Rhayem, directrice de Caritas Liban.
Un nouvel horizon, selon les mots du card. Tagle
Le cardinal Tagle a envoyé un message d’espoir, convaincu que « les nombreux changements que nous avons connus et que nous connaissons sont une chance pour l’avenir » pour construire « un nouveau lien de solidarité ». Nous sommes « une seule famille humaine » – a rappelé le président de Caritas Internationalis – et le sentiment de proximité que la pandémie a suscité, touchant tout le monde, ne peut être oublié sans laisser un signe : et ce signe devrait être la capacité à donner de nouvelles réponses.
Pas seulement l’émotion provoquée par la crise sanitaire – a fait observer le cardinal Tagle – mais aussi la capacité de combattre avec force des conditions dramatiques comme la faim dans le monde, les guerres, la violence, qui foulent aux pieds les vies humaines et la dignité des personnes. Et donc – a-t-il expliqué – cela signifie retrouver le regard inclusif du pape François dans Laudato Si’ et travailler à des actions concrètes telles qu’un « cessez-le-feu mondial ».
Le regard tourné en particulier vers le Moyen-Orient
Le secrétaire général de l’organisation, Aloysius John, a illustré le tableau qui se dégage du rapport Caritas Internationalis 2019 en soulignant que « la situation au Moyen-Orient s’est considérablement détériorée au cours des six derniers mois et les sanctions économiques ainsi que l’embargo sur la Syrie ont contribué à aggraver la tendance ».
La conviction d’Aloysius John est claire : « Les sanctions unilatérales sans dialogue ni négociation n’ont jamais atteint leur but, au contraire, elles ont été contre-productives ». Il a expliqué que les effets des sanctions en tant qu’outil politique n’ont pas eu les effets escomptés et ont plutôt démontré un énorme pouvoir de destruction des vies des personnes les plus vulnérables ». Les prix sont montés en flèche, les gens n’ont pas les moyens d’acheter de la nourriture, la malnutrition se répand et la colère contre la communauté internationale s’accroît. La situation est pire pour les plus vulnérables, en particulier les enfants, les femmes et les personnes âgées, déjà profondément affectés par les guerres, les tensions, le fondamentalisme et le Covid-19: « Ce sont toujours les plus pauvres, a-t-il rappelé, qui paient le prix le plus élevé ».
Ces jours-ci, « nous regardons tous avec une inquiétude particulière le Liban, qui a toujours été un modèle d’équilibre pour l’ensemble du Moyen-Orient », a souligné Aloysius John. Un pays qui a toujours été un « message de liberté et un exemple de pluralisme pour l’Est et l’Ouest », comme l’a dit Saint Jean Paul II.
Données importantes sur le Liban
Aujourd’hui, au Liban, a déclaré Rita Rhayem, directrice de Caritas dans le Pays des Cèdres, 75% de la population a besoin d’aide et la monnaie locale a perdu 80 % de sa valeur. « Mais – a poursuivi Aloysius John – ce n’est pas la seule raison pour laquelle nous sommes fortement préoccupés par la crise libanaise », ajoutant : « Le Liban a toujours été un centre essentiel pour l’envoi d’aide humanitaire à des pays comme la Syrie et l’Irak, et si la situation ne s’améliore pas, les conséquences pour l’ensemble de la région seront catastrophiques ».
Les demandes concrètes
Un rappel essentiel des paroles du pape : à plusieurs reprises, le Pape François a invité les nations riches à reconsidérer l’annulation de la dette des nations les plus pauvres, a rappelé le Secrétaire général. La dette des nations les plus pauvres est souvent payée par les plus pauvres à la sueur de leur front. Ils sont très vulnérables et sont les proies faciles de toutes sortes de problèmes de santé en raison de leur fragilité. Caritas demande l’allègement de la dette des nations les plus pauvres et la réaffectation des fonds à des organisations fiables travaillant avec ces communautés.
« Seul l’allégement de la dette et sa réaffectation au développement à la base – a-t-on rappelé lors de la réunion en streaming – permettront d’atteindre les objectifs de développement durable et de garantir la dignité des plus pauvres ». « Il est inconcevable – a déclaré Aloysius John – que des mesures hâtives mises en œuvre sans aucun dialogue avec les acteurs régionaux soient fatales pour les plus pauvres ». C’est pourquoi les représentants de Caritas se sont joints à l’appel du Pape, « pour arrêter toute violence et tout conflit » et ont demandé « la suspension immédiate des sanctions ».
Des mots durs contre les sanctions
Aloysius John a déclaré que les sanctions oppriment les plus pauvres et sont, en substance, des outils pour « tuer passivement des civils innocents ». Il a qualifié les sanctions de « mesures injustes affectant les personnes les plus vulnérables, surtout en cette période de Covid-19 » et a déclaré qu’elles « créent un terrain fertile pour le terrorisme ». « Les personnes qui fuient des situations difficiles deviennent des migrants clandestins qui sont rejetés par les pays voisins et l’Europe ». En substance, Aloysius John a rappelé que « la lutte contre la faim, la pauvreté et l’injustice est l’objectif principal de la confédération car elle garantit le bien-être et la dignité humaine des plus vulnérables ».
L’engagement du corps ecclésial en temps de pandémie
Pour faire face à l’urgence du Covid-19, Caritas Internationalis a financé 23 projets et 14 autres ont déjà été approuvés. Grâce à eux, les familles ont reçu une aide alimentaire de base, des kits d’hygiène, du savon, des couches et une aide en espèces pour payer le loyer et répondre à d’autres besoins urgents. Ce n’est là qu’un exemple parmi des centaines de petites mais très importantes actions qui contribuent à prévenir la propagation du virus.
À l’heure actuelle, Caritas Internationalis aide près de 9 millions de personnes dans 14 pays, dont l’Équateur, l’Inde, la Palestine, le Bangladesh, le Liban et le Burkina Faso. En outre, quelque 2 millions de personnes bénéficient de programmes de financement totalisant 9 millions d’euros dans différentes régions du monde. Malheureusement, les responsables de Caritas sont bien conscients que des centaines de milliers de personnes supplémentaires ont besoin d’aide.
L’alarme du FMI en vue du G20
Il a été rappelé que le confinement a paralysé l’économie mondiale de diverses manières, avec de fortes répercussions en Europe, aux États-Unis, en Chine et au Japon. Caritas invite chacun à une prise de conscience : celle que l’on est confronté à une urgence atypique dans laquelle des pays qui comptent normalement parmi les principaux donateurs sont aussi les plus touchés par le virus. C’est également pour cette raison que l’utilisation de l’aide internationale pour répondre aux besoins nationaux « n’est pas la bonne solution », ne peut être suffisante. L’incertitude reste grande même si certains signes de reprise sont présents.
C’est ce que dit le Fonds monétaire international (FMI) dans le document préparé pour le G20 des ministres des finances et des gouverneurs des banques centrales, qui aura lieu le 18 juillet. Au G20, le Fonds appelle à des « efforts collectifs » : « Ils sont essentiels pour mettre fin à la crise financière et relancer la croissance ». Le Parlement européen appelle également à une nouvelle approche. Dans le communiqué publié la semaine dernière lors de la session plénière, il est indiqué qu’en Syrie, après une décennie de conflit, le temps est venu pour l’Europe de repenser ses intérêts et sa politique. En plus de soutenir le renouvellement du mécanisme des Nations unies (qui fournit une aide transfrontalière à la Syrie), « l’Europe devrait développer des politiques parallèles qui peuvent progressivement aller au-delà de la simple fourniture d’aide humanitaire ».
Cela « pourrait consister à permettre aux acteurs locaux de mettre en œuvre des projets de redressement par un soutien direct, en utilisant les institutions de microfinancement pour fournir des prêts aux agriculteurs et aux coopératives agricoles, ou en soutenant les capacités des petites entreprises pharmaceutiques à répondre aux besoins locaux ».
230 millions de personnes menacées par la faim
Selon le Programme alimentaire mondial, le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde en raison de la pandémie pourrait doubler pour atteindre 230 millions. L’Afrique manque de nourriture et les inondations, les sécheresses, les invasions de criquets et les mauvaises récoltes dans de nombreux pays ne font qu’aggraver la situation.
Dans certains États du Moyen-Orient, d’Amérique latine et d’Asie, la malnutrition infantile et le nombre d’adultes souffrant de la faim augmentent déjà. Parmi les personnes les plus exposées, on trouve les migrants, les personnes déplacées à l’intérieur du pays, les réfugiés et les rapatriés, comme ceux du Venezuela. La situation des migrants en situation irrégulière est particulièrement critique car ils n’entrent dans aucune des catégories éligibles à l’aide.
Traduction de Zenit, Hélène Ginabat