Le septième anniversaire de la visite hautement symbolique du pape François sur l’île de Lampedusa (Italie), c’est mercredi prochain, 8 juillet 2020 : pour marquer l’événement, le pape présidera la messe à 11h, en la chapelle de la Maison Sainte-Marthe au Vatican, annonce le Saint-Siège dans un communiqué en italien de ce lundi 6 juillet.
Etant donné l’urgence sanitaire, le Saint-Siège précise que « seul le personnel de la Section migrants et réfugiés du Dicastère pour le service du développement humain intégral » pourra participer à cette messe.
Les morts en mer
Le pape s’est rendu sur l’île italienne de Lampedusa le 8 juillet 2013, pour dénoncer la « culture de l’indifférence » face aux dizaines de milliers de personnes qui ont fait naufrage en tentant de passer du continent africain en Europe. Il a prié en mer et lancé des couronnes de fleurs dans ce « cimetière » qu’est devenue la Méditerranée : « J’ai senti que je devais venir ici dès que j’ai su tous ces drames, ces morts en mer », a dit notamment le pape. Il a achevé son homélie par cette question : « Seigneur, que nous entendions aujourd’hui aussi tes questions : « Adam où es-tu ? », « Où est le sang de ton frère ? ». »
L’île de Lampedusa, d’une superficie d’environ 20 km2, compte quelque 6 300 habitants. Elle est située à 128 km à l’est/nord-est du Ras Kaboudia (Tunisie), entre Malte et la Tunisie. Cette proximité d’un territoire de l’Union européenne et de l’Afrique explique qu’elle soit le lieu de débarquement privilégié de dizaines de milliers de naufragés sauvés en mer.
Des familles qui émigrent
L’histoire de la famille du pape François, originaire du Piémont italien, l’a certainement sensibilisé au sort des émigrés et des naufragés. On sait notamment que le transatlantique italien « Principessa Mafalda di Savoia », sur lequel ses grands-parents auraient dû embarquer de Gênes pour Buenos Aires, si une complication bureaucratique ne les en avait pas empêchés, a sombré, avec au moins 1 252 passagers et membres de l’équipage à bord, devant les côtes du Brésil, le 25 octobre 1927 : 6 navires arrivèrent à sauver des centaines de naufragés, mais 314 personnes manquèrent à l’appel.
Le père du futur pape, Mario Bergoglio, âgé de 21 ans, embarquera finalement en 1929 sur le « Giulio Cesare » qui arrivera à Buenos Aires le 15 février.
Une autre histoire familiale donne une mémoire vive au Dicastère pour le Service du développement humain intégral : la Section migrants et réfugiés est dirigée par le cardinal Michael Czerny, jésuite du Canada, dont le blason est orné d’un bateau transportant une famille de quatre réfugiés. Et sa croix pectorale a été confectionnée à partir du bois d’un bateau de migrants ayant tenté de traverser la Méditerranée, mais c’est aussi un renvoi au « bois de la croix où Jésus a été crucifié ». Pourquoi ?
La persécution nazie
Sa famille était originaire de Moravie, dans ce qui était alors la Tchécoslovaquie, avant d’émigrer au Canada en 1948. Il raconte: « Ma mère, Winifred Hayek Czerny, a subi la prison et les camps de concentration nazis durant 20 mois… Elle a aussi été condamnée à travailler dans une ferme. Elle est née catholique, de parents catholiques, mais ses grands-parents étant nés juifs, elle fut classée comme juive par les autorités nazies qui ont gouverné le Protectorat de Bohème et de Moravie à partir de mars 1939. »
Sa mère eut « la chance de survivre aux insanités monstrueuses du régime ». Quand elle a eu le courage de revenir visiter le camp de Terezin en avril 1995, et elle a écrit sur le Livre d’or: “J’ai survécu”.
Winifred Hayek Czerny devint sculptrice, un art par lequel elle entendait « retourner ce mal » qui réduisait des êtres humains en poussière – la poussière humaine des fours crématoires – : au contraire, avec « de la poussière et de l’argile, elle sculptait les formes de ces nombreuses personnes » mortes en camp.
Le père du cardinal, Egon Czerny, refusa quant à lui de divorcer alors que son épouse était condamnée. Il échappa au camp de concentration, mais il fut condamné aux travaux forcés à Postoloprty.
Le cardinal jésuite se souvient aussi de sa grand-mère : comme peintre, elle a représenté “la Fuite en Egypte” sur du verre : une image qu’il a choisie pour commémorer sa nomination comme cardinal le 5 octobre 2019.
Invasions, déportation, émigration
Catholique, née en 1893 de parents juifs, Anna Löw Hayek fut déportée, en 1942-1943, au camp de Terezin, avec son époux Hans et ses deux fils Karl Robert et Georg. Elle mourut à Auschwitz, quelques semaines après la fin de la guerre.
Le cardinal Czerny raconte aussi les péripéties de ses parents pour trouver des fonds afin d’émigrer au Canada, en 1948, et d’échapper ainsi à l’oppression communiste : « Un parent tout d’abord d’accord, s’est ensuite rétracté. Puis un entrepreneur avait accepté d’embaucher mon père, mais il a changé d’avis quand son usine a brûlé. »
Finalement, c’est un ami d’études qui a apporté son soutien : « Il avait lui-même émigré au Canada quelques années plus tôt avec sa femme et son jeune fils. Nous sponsoriser incluait l’engagement de subvenir à nos besoins pendant un an si mon père ne trouvait pas de travail. Sa famille nous a malgré tout aidés à entrer dans le pays, nous a accueilli et nous a accompagnés » le temps de l’adaptation, notamment linguistique et culturelle.
Pour le cardinal Czerny, l’histoire de sa famille est devenue l’histoire de son engagement.