« Prendre soin les uns des autres » c’est le mot d’ordre d’un document du Saint-Siège sur l’écologie humaine intégrale qui met l’accent sur la « conversion », la formation de la « conscience » et « l’éducation » : il s’agit de promouvoir une écologie « intégrale » en proposant « une nouvelle vision du monde ». Et il y a « urgence » : un appel à ne pas se résigner, mais à assumer une « mission passionnante ».
« En chemin pour le soin de la maison commune. Cinq ans après Laudato si’ » : c’est le titre de ce document de 224 pages sur « l’écologie intégrale » publié en italien ce jeudi 18 juin 2020 par le Vatican.
Il est le fruit de la collaboration de plusieurs dicastères du Saint-Siège à l’intérieur d’une interface instituée l’année de la publication de l’encyclique, en 2015, pour « analyser les moyens de promouvoir et de mettre en œuvre l’écologie intégrale ».
On pourrait dire qu’il s’agit d’un appel à la libération de la création et des plus pauvres d’abus globaux dont les armes pacifiques sont proposées au fil du document dans différents domaines, et dont la prémisse est une volonté de changement – « conversion » – écologique, économique, sociale, politique, spirituelle, dans une approche « holistique », interdisciplinaire. C’est une « feuille de route » pour l’après-pandémie.
Il y a urgence
Les premières paroles sont tirées de saint Paul et donnent le ton : « Le temps presse » (1 Corinthiens 7,29). Une urgence d’autant plus pressante du fait de la pandémie, et l’introduction cite le pape François qui, le 27 mars dernier, place Saint-Pierre, parlait de « jugement » et invitait à « saisir ce temps d’épreuve comme un temps de choix » : « Ce n’est pas le temps de ton jugement, mais celui de notre jugement : le temps de choisir ce qui importe et ce qui passe, de séparer ce qui est nécessaire de ce qui ne l’est pas. C’est le temps de réorienter la route de la vie vers toi, Seigneur, et vers les autres. Et nous pouvons voir de nombreux compagnons de voyage exemplaires qui, dans cette peur, ont réagi en donnant leur vie. »
Il s’agit de promouvoir une culture de la vie en somme et non de la mort, dans tous les aspects des activités humaines : « En cette période difficile, destinée à changer les sociétés dans lesquelles nous vivons, nous sommes appelés à prendre soin les uns des autres, à ne pas nous enfermer dans l’égoïsme, à promouvoir et à défendre la vie l’homme de son commencement à son accomplissement naturel, à offrir des soins médicaux adéquats pour tous, nourrir la solidarité internationale, à combattre la culture du rejet, à étudier, à construire ensemble de nouveaux systèmes économiques et financiers plus équitables, à nous engager au dialogue, à la paix, au refus de la violence et de la guerre. »
Une mission passionnante
L’introduction du document refuse « l’indifférence », thème cher au pape François : « Face aux souffrances des plus pauvres et à l’exploitation de la maison commune, à laquelle on ne peut plus assister avec indifférence. »
Mais le ton n’est pas celui de la lamentation mais de l’enthousiasme : « Quelle mission passionnante ! »
Une tâche qui est décrite sous ses différentes facettes : « Dans ce contexte, ce qu’on appelle la crise écologique devient un moment propice de stimulation à la conversion et à des décisions concrètes et incontournables ; elle invite à un dialogue interdisciplinaire et opère à tous les niveaux, du plus local à l’international ; elle demande un parcours pédagogique pour la formation intégrale de la conscience. »
Laudato si’ est une encyclique « sociale » en même temps que sur l’écologie, rappelle le document à propos de l’origine de la crise écologique : « À l’origine de la crise écologique se trouve une profonde crise morale et culturelle affectant nos sociétés, marquée par un anthropocentrisme individualiste exaspéré qui a conduit, entre autres, à altérer la relation entre l’être humain et la nature, avec les conséquences que nous constatons tous maintenant. »
Une « culture » pour affronter la crise
Il s’agit rien moins que d’élaborer une nouvelle « culture » : avec Laudato si’, le document constate que « nous ne disposons pas encore de la culture nécessaire pour affronter cette crise », il faut un « changement de route » quoi passe par une « conversions spirituelle » une « conversion au Christ qui naît de la lecture des signes des temps à la lumière de l’Evangile et de la rencontre avec Jésus ».
C’est pourquoi il s’agit de promouvoir progressivement une écologie qui soit vraiment « intégrale » : « L’affirmation selon laquelle « tout est lié » (LS, 91; 240) est inhérente au concept directeur de l’encyclique: l’écologie intégrale, concept complexe et multidimensionnel qui adopte une vision à long terme. »
L’introduction propose cette définition de l’écologie « intégrale » : « L’écologie intégrale ne peut être réduite à la seule dimension environnementale ; elle nécessite une vision intégrale de la vie pour élaborer au mieux des politiques, des indicateurs, des processus de recherche et d’investissement, des critères d’évaluation, en évitant des concepts trompeurs de développement et de croissance. Le risque du réductionnisme est en fait toujours aux aguets. Par la proposition d’écologie intégrale, le pape entend indiquer une nouvelle vision du monde. »
La nature, les pauvres, la paix
Il s’agit, indique le document d’une « vision qui entend offrir un cadre global pour comprendre et relever les grands défis d’aujourd’hui comme la pandémie de Covid-19 et d’autres défis environnementaux, humains et sociaux, économiques de notre temps ».
L’encyclique, rappelle l’introduction, propose un approche en trois axes : « Mettre en lumière le caractère inséparable de la « préoccupation pour la nature, la justice envers les pauvres, l’engagement dans la société et la paix intérieure » (LS 10) ; récupérer les différents niveaux de l’équilibre écologique : intérieur, avec soi-même, solidaire avec les autres, naturel avec tous les êtres vivants, spirituel avec Dieu (LS 210) ; prendre conscience de la responsabilité de l’être humain , de chacun, envers soi-même, envers le prochain, envers la création et envers le Créateur. »
Et pour cela l’Eglise ne dispose pas de solutions toutes faits mais invite à se mettre en marche par la culture du « dialogue » (LS 3), en pensant à « un seul monde » et à un « projet commun » : impossible aujourd’hui de « s’isoler », pas de place pour la « mondialisation de l’indifférence », on est tous « dans le même bateau ».
L’introduction renvoie aussi à la Déclaration d’Abou Dhabi sur la « fraternité humaine » de février 2019, invitant les croyants des différentes religions à « sauvegarder la création et tout l’univers » et à « soutenir toute personne, spécialement les plus nécessiteuses et les plus pauvres ».
Construire ensemble un avenir
Elle rappelle les lignes directrices de l’encyclique : « L’intime relation entre les pauvres et la fragilité de la planète ; la conviction que tout est lié dans le monde ; la critique du nouveau paradigme et des formes de pouvoir qui dérivent de la technologie ; l’invitation à chercher d’autres façons de comprendre l’économie et le progrès ; la valeur propre de chaque créature ; le sens humain de l’écologie ; la nécessité de débats sincères et honnêtes ; la grave responsabilité de la politique internationale et locale ; la culture du déchet et la proposition d’un nouveau style de vie. »
L’objectif de ce nouveau document est donc de « dessiner et construire ensemble un avenir qui nous voie unis pour garder la vie qui nous a été donnée et cultiver la création qui nous a été confiée par Dieu pour lui faire porter du fruit sans exclure ou rejeter » personne.
Il s’agit d’actualiser l’enseignement social de l’Eglise : « à la lumière de la doctrine sociale de l’Église et en particulier de Laudato si ‘ », le document présente des « propositions opérationnelle » pour « inspirer l’action des institutions de l’Église, des fidèles et de toutes les personnes de bonne volonté ».
Des propositions concrètes
Ces propositions sont fondées sur le fait que « tout est lié », donc pas de « réductionnisme » ; il faut aussi compte du principe de « subsidiarité » en vertu duquel « toutes les sociétés supérieures doivent se mettre dans une attitude d’aide (« subsidium ») – donc de soutien, de promotion, de développement – par rapport aux autres » d’où l’importance de coordonner les actions aux différents niveaux locaux et universel; et il convient de développer à chaque fois « l’aspect éducatif », à tous les niveaux que ce soit en famille ou dans les media.
Le document se présente sous la forme de deux grands chapitres chapitres : « Education et conversion écologique », décliné en 12 paragraphes – de la conversion à la communication en passant par la vie, la famille, l’école, la catéchèse, le dialogue œcuménique et interreligieux-, et « Ecologie intégrale et développement humain intégré », en 12 paragraphes aussi – de l’alimentation au climat en passant par la finance et l’urbanisation -.
Le document s’achève sur l’engagement du plus petit Etat du monde : l’Etat de la Cité du Vatican. Cela touche par exemple la gestion des ordures et le recyclage, la gestion de l’eau et l’irrigation, les méthodes de culture, l’énergie ou les émissions de gaz à effet de serre.
Le document est présenté ce jeudi matin à la presse par Mgr Paul Richard Gallagher, secrétaire pour les relations avec les Etats, Mgr Fernando Vérgez Alzaga, secrétaire général du Gouvernorat, Mgr Angelo Vincenzo Zani, secrétaire de la Congrégation pour l’éducation catholique, Mgr Bruno Marie Duffé, secrétaire du Dicastère pour le service du développement humain intégral, ainsi que par M. Aloysius John, secrétaire général de Caritas Internationalis et M. Tomás Insua, cofondateur du Mouvement catholique mondial pour le climat.
Voici notre traduction des titres de la table des matières :
Introduction
Chapitre I
ÉDUCATION ET CONVERSION ÉCOLOGIQUE
- Écologie intégrale et conversion spirituelle
- La vie humaine
- La famille et les jeunes pour la défense de la maison commune
- École maternelle et primaire
- École secondaire
- Université
- Apprentissage tout au long de la vie
- Éducation informelle et culture culturelle
- Catéchèse
- Dialogue œcuménique
- Dialogue interreligieux
- Communication
Chapitre II
ÉCOLOGIE INTÉGRALE ET DÉVELOPPEMENT HUMAIN INTÉGRÉ
- Alimentation
- L’eau
- L’énergie
- Écosystèmes, déforestation, désertification, l’utilisation des terres
- Mers et océans
- Économie circulaire
- Travail
- Finances
- Urbanisation
- Institutions, justice et administration publique
- Santé
- Climat : défis, responsabilités, opportunités
L’ENGAGEMENT DE L’ÉTAT DE LA CITÉ DU VATICAN
Conclusion