Le pape promeut une éducation qui « écoute » et qui harmonise « le langage de la pensée avec les sentiments et avec les actions », et sait surmonter les crises en injectant du « Sens ». Et il annonce la fondation de « l’Université du Sens », gérée par la fondation pontificale Scholas Occurrentes.
Buffon, footballeurs internationaux ont participé à son lancement, au Vatican, en 2013.
Des représentants du sport, de l’art et des sciences, ainsi que des dirigeants sociaux et des référents de différentes communautés religieuses ont aussi accompagné les jeunes.
Le pape se réjouit du rapprochement entre les jeunes promu par Scholas – Japonais et Colombiens, jeunes d’Israël et de Palestine, étudiants de Haïti et de Dubaï – mais aussi entre jeunes et vieux.
Il appelle se ses voeux un monde « de Gratuité, de Sens et de Beauté », à l’image de trois paradigmes « L’Idiot » de Dostoïevski, « l’Appel de Matthieu » du Caravage et le fou du film « La strada ».
Et puis le pape insiste: « N’oubliez jamais ces trois derniers mots: gratuité, sens et beauté. » Une vraie « mystique » est finalement au coeur de cette éducation.
Voilà de quoi surmonter aussi la crise provoquée par la pandémie, fait remarquer le pape: Scholas est née en pleine crise pour l’Argentine.
Voci notre traduction rapide, de travail, de l’espagnol.
AB
Message du pape François
Chers frères et soeurs de Scholas:
Aujourd’hui, après toutes ces années à partager la question qui nous fonde, c’est une grande joie de pouvoir vous appeler «communauté»: communauté d’amis, communauté de frères, de sœurs.
Je me souviens encore de l’origine: deux enseignants, deux professeurs, en plein milieu d’une crise, avec un peu de folie et un peu d’intuition. Une chose pas planifiée, vivante au fur et à mesure du cheminement.
Lorsque la crise a alors laissé une terre de violence, cette éducation a rassemblé les jeunes, générant du sens et donc de la beauté.
Trois images de ce chemin me viennent au coeur, trois images qui ont guidé trois années de réflexion et de rencontre: le fou de « La strada » de Fellini, « L’appel de Matthieu » du Caravage et « L’idiot » de Dostoïevski.
Le Sens – le fou -, l’Appel – Matthieu – et la Beauté.
Les trois histoires sont l’histoire d’une crise. Et dans ces trois domaines, la responsabilité humaine est donc en jeu. La crise signifie à l’origine « rupture », « coupure », « ouverture », « danger », mais aussi « opportunité ».
Lorsque les racines ont besoin d’espace pour continuer à pousser, le pot finit par se casser.
C’est que la vie est plus grande que notre propre vie et, par conséquent, elle se brise. Mais c’est la vie! Elle grandit, elle casse.
Pauvre humanité sans crise! Toute parfaite, toute bien rangée, toute amidonnée. La pauvre. Ce serait, réfléchissons-y, une telle humanité serait une humanité malade, très malade. Dieu merci, cela n’arrive pas. Ce serait une humanité endormie.
D’un autre côté, tout comme la crise nous fonde en nous appelant à l’air libre, le danger survient quand on ne nous apprend pas à nous rapporter à cette ouverture. C’est pour cela que si les crises ne sont pas bien accompagnées, elles sont dangereuses, car on peut être désorienté. Et le conseil des sages, même pour les petites crises personnelles, matrimoniales et sociales: « N’entre jamais seul dans la crise, vas-y accompagné ».
Là, dans la crise, la peur nous envahit, nous nous fermons en tant qu’individus, ou nous commençons à répéter ce qui convient à très peu, en nous vidant de sens, en muselant notre propre vocation, en perdant la beauté. C’est ce qui arrive quand on traverse une crise seul, sans réserves. Cette beauté qui, comme l’a dit Dostoïevski, sauvera le monde.
Scholas est né d’une crise, mais elle n’a pas levé les poings pour se battre avec la culture, ni baissé les bras pour se résigner, ni sortir en pleurant: quelle calamité, quelle époque terrible! Elle est sortie pour écouter le cœur des jeunes, pour cultiver la nouvelle réalité. « Cela ne fonctionne pas? Allons voir là-bas. »
Scholas se comprend à travers les fissures du monde – pas avec la tête – avec tout son corps, pour voir si une autre réponse arrive à l’air libre.
Et c’est cela éduquer. L’éducation écoute ou n’éduque pas. Si elle n’écoute pas, elle n’éduque pas. L’éducation crée la culture ou n’éduque pas. L’éducation nous enseigne à célébrer, ou elle n’éduque pas.
Quelqu’un pourrait me dire: « Mais comment? Est-ce que éduquer, ce n’est pas savoir des choses? » Non. Ce n’est pas savoir. Mais éduquer, c’est écouter, créer de la culture, célébrer.
Et c’est ainsi que Scholas a grandi.
Même ces deux fous – les pères fondateurs, on peut les appeler ainsi en riant – n’imaginaient pas que cette expérience éducative du diocèse de Buenos Aires, se développerait vingt ans après, comme une nouvelle culture, « en habitant poétiquement cette terre », comme nous l’a enseigné Hölderlin. En écoutant, en créant et en célébrant la vie. Cette nouvelle culture qui habite poétiquement cette terre.
En harmonisant le langage de la pensée avec les sentiments et avec les actions. C’est ce que vous m’avez souvent entendu dire: le langage de la tête, du cœur et des mains, synchronisés. La tête, le cœur et les mains qui grandissent harmonieusement.
J’ai vu à Scholas des professeurs et des étudiants japonais danser avec des Colombiens. C’est impossible! Je l’ai vu. J’ai vu les jeunes d’Israël jouer avec ceux de Palestine. Je l’ai vu. Les étudiants de Haïti pensant avec ceux de Dubaï. Les enfants du Mozambique peignant avec ceux du Portugal … J’ai vu, entre l’Orient et l’Occident, un olivier créant une culture de la rencontre.
C’est pourquoi, dans cette nouvelle crise que l’humanité affronte aujourd’hui, où la culture a montré qu’elle a perdu sa vitalité, je veux célébrer [le fait] que Scholas, en tant que communauté qui éduque, en tant qu’intuition qui grandit, ouvre les portes de l’Université du Sens. Parce qu’éduquer, c’est chercher le sens des choses. C’est enseigner comment trouver le sens des choses.
En réunissant les rêves des enfants et des jeunes et l’expérience des adultes et des personnes âgées. Cette rencontre doit toujours avoir lieu sinon il n’y a pas d’humanité, car il n’y a pas de racines, il n’y a pas d’histoire, il n’y a pas de promesse, il n’y a pas de croissance, il n’y a pas de rêves, il n’y a pas de prophétie.
Etudiants de toutes les réalités, langues et croyances, pour que personne ne soit laissé de côté quand ce qui est enseigné ce n’est pas une chose, mais la Vie. La même vie qui nous a fait naître et donnera toujours naissance à d’autres mondes. Des mondes différents, uniques, comme celui que nous sommes aussi. Dans nos douleurs les plus profondes, nos joies, nos désirs et nos nostalgies. Mondes de Gratuité, de Sens et de Beauté. « L’Idiot », « l’Appel » du Caravage et le fou de « La strada ».
N’oubliez jamais ces trois derniers mots: gratuité, sens et beauté. Ils peuvent sembler inutiles! Surtout de nos jours. Qui commence à faire une entreprise à la recherche de la gratuité, du sens et de la beauté? Elle ne produit pas, elle ne produit pas. Et pourtant, de cette chose qui semble inutile dépend l’humanité entière, l’avenir.
Continuez, prenez cette mystique qui a été donnée, que personne n’a inventée; et les premiers à être surpris furent ces deux fous qui la fondèrent. Et c’est pourquoi ils la remettent, ils la donnent, parce qu’elle ce n’est pas à eux. C’est quelque chose qui est venu en cadeau. Continuez à semer et à récolter, avec le sourire, avec le risque, mais tous ensemble et toujours main dans la main pour surmonter toute crise.
Que Dieu vous bénisse. Et n’oubliez pas de prier pour moi. Merci beaucoup.
Copyright – Traduction de Zenit, Anita Bourdin