Souvent, dans la vie, « nous commençons sur un chemin à la suite de Jésus », mais, « à mi-chemin, une autre idée nous vient à l’esprit » et « nous nous éloignons » a fait observer le pape François lors de la messe qu’il a célébrée ce lundi 27 avril 2020 dans la chapelle de la Maison Sainte-Marthe. « Nous nous conformons à quelque chose de plus temporel, de plus matériel, de plus mondain », a-t-il poursuivi, et nous perdons la mémoire de ce premier enthousiasme que nous avions éprouvé en entendant parler Jésus ».
Le pape François a commenté, dans son homélie, l’Évangile selon saint Jean où, au lendemain de la multiplication des pains, « voyant le pouvoir de Jésus », la foule part à sa recherche dans l’intention de le faire roi. « Ils ont oublié, note le pape, l’enthousiasme que faisait naître dans leur coeur la parole de Jésus ». C’est pourquoi Jésus « corrige l’attitude » de la foule, explique-t-il, « parce qu’à mi-chemin » elle s’est éloignée « de la première consolation spirituelle », empruntant « une voie plus mondaine qu’évangélique ».
Et comment Jésus s’y prend-il ? Il les « ramène à leur premier sentiment, celui qu’ils éprouvaient avant la multiplication des pains, quand ils écoutaient la parole de Dieu ». Le Seigneur, a souligné le pape, « nous fait toujours revenir à la première rencontre, au premier moment où il nous a regardés, nous a parlé et a fait naître en nous l’envie de le suivre ». Et il a invité à demander la « grâce » de « ne pas oublier mon histoire, quand Jésus m’a regardé avec amour et m’a dit : “Voici ton chemin“ ».
Voici notre traduction de l’homélie du pape François.
HG
Homélie du pape François
Les gens qui avaient écouté Jésus pendant toute la journée et qui avaient ensuite eu cette grâce de la multiplication des pains, voyant le pouvoir de Jésus, voulaient le faire roi. Ils sont d’abord allés vers Jésus pour écouter sa parole et aussi pour demander la guérison des malades. Ils sont restés toute la journée à écouter Jésus sans s’ennuyer, sans se lasser : ils étaient heureux d’être là. Et puis, lorsqu’ils ont vu que Jésus leur donnait de quoi manger, ce à quoi ils ne s’attendaient pas, ils ont pensé : « Mais ce serait un bon gouvernant pour nous et ils sera certainement capable de nous libérer du pouvoir des Romains et de faire progresser le pays ». Et ils étaient pleins d’enthousiasme pour le faire roi. Leur intention a changé, parce qu’ils ont vu et qu’ils ont pensé : « Bien… parce que quelqu’un qui fait ce miracle, qui donne de quoi manger au peuple, peut être un bon gouvernant » (cf. Jn 6,1-15). Mais à ce moment-là, ils ont oublié l’enthousiasme que faisait naître dans leur coeur la parole de Jésus.
Jésus s’est éloigné pour aller prier (cf. v.15). Ces gens sont restés là et le lendemain, ils cherchaient Jésus, « parce qu’il doit être ici », disaient-ils, parce qu’ils avaient vu qu’il n’était pas monté dans la barque avec les autres. Et il y avait là une barque, elle était restée là… (cf. Jn 6,22-24). Mais ils ne savaient pas que Jésus avait rejoint les autres en marchant sur l’eau (cf. vv.16-21). Et ils ont décidé d’aller chercher Jésus de l’autre côté du lac de Tibériade et, quand ils l’ont vu, la première parole qu’ils lui ont adressée fut : « Rabbi, quand es-tu arrivé ici ? » (v. 25), comme pour dire : « Nous ne comprenons pas, c’est étrange ».
Et Jésus les ramène à leur premier sentiment, celui qu’ils éprouvaient avant la multiplication des pains, quand ils écoutaient la parole de Dieu : « Amen, amen, je vous le dis :
vous me cherchez, non parce que vous avez vu des signes, mais parce que vous avez mangé de ces pains et que vous avez été rassasiés » (v.26). Jésus dévoile leur intention et dit : « Mais c’est ainsi, vous avez changé d’attitude ». Et eux, au lieu de se justifier : « Non, Seigneur, non… », ils sont restés humbles. Jésus continue : « Travaillez non pas pour la nourriture qui se perd, mais pour la nourriture qui demeure jusque dans la vie éternelle, celle que vous donnera le Fils de l’homme, lui que Dieu, le Père, a marqué de son sceau. » (Jn 6,27). Et eux, empressés, répondirent : « Que devons-nous faire pour travailler aux oeuvres de Dieu ? » (v.28). « Que vous croyiez dans le Fils de Dieu » (cf. v.29). Nous voyons là un cas où Jésus corrige l’attitude des personnes, de la foule, parce qu’à mi-chemin elle s’est un peu éloignée du premier moment, de la première consolation spirituelle et qu’elle a emprunté une voie qui n’était pas la bonne, une voie plus mondaine qu’évangélique.
Cela nous fait penser que bien souvent, dans la vie, nous commençons sur un chemin à la suite de Jésus, derrière Jésus, avec les valeurs de l’Évangile et, à mi-chemin, une autre idée nous vient à l’esprit, nous voyons un signal et nous nous éloignons et nous conformons à quelque chose de plus temporel, de plus matériel, deplus mondain – peut-être – et nous perdons la mémoire de ce premier enthousiasme que nous avions éprouvé en entendant parler Jésus. Le Seigneur nous fait toujours revenir à la première rencontre, au premier moment où il nous a regardés, nous a parlé et a fait naître en nous l’envie de le suivre. C’est une grâce à demander au Seigneur parce que, dans la vie, nous aurons toujours cette tentation de nous éloigner parce que nous voyons autre chose : « Mais ça, ça ira bien, c’est une bonne idée… ». Nous nous éloignons. La grâce de revenir toujours au premier appel, au premier moment : ne pas oublier, ne pas oublier mon histoire, quand Jésus m’a regardé avec amour et m’a dit : « Voici ton chemin ». Lorsqu’à travers de nombreuses personnes, il m’a fait comprendre quel était le chemin de l’Évangile et non d’autres chemins un peu mondains, avec d’autres valeurs. Revenir à la première rencontre.
J’ai toujours été frappé – parmi les choses que dit Jésus le matin de la Résurrection – qu’il affirme ceci : « allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront » (cf. Mt 28,10) ; la Galilée était le lieu de la première rencontre. C’est là qu’ils avaient rencontré Jésus. Chacun de nous a en lui sa « Galilée », le premier moment où Jésus s’est approché et a dit : « Suis-moi ! ». Dans la vie, il se produit ce qui s’est passé pour ces personnes – qui étaient de bonnes personnes, parce qu’ensuite elles demandent : « Mais que devons-nous faire ? » et elles ont aussitôt obéi – il arrive que nous nous éloignions et que nous cherchions d’autres valeurs, d’autres herméneutiques, d’autres choses, et que nous perdions la fraîcheur du premier appel. L’auteur de la Lettre aux Hébreux nous renvoie aussi à cela : « Souvenez-vous de ces premiers jours » (cf. Hb 10,32). La mémoire, la mémoire de la première rencontre, la mémoire de « ma Galilée », lorsque le Seigneur m’a regardé avec amour et m’a dit : « Suis-moi ! ».
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat