« Le centre de l’Église n’est pas le ministère, c’est le baptême, c’est-à-dire la foi. Et le témoignage de la foi est justement un lieu où les femmes peuvent occuper un espace extraordinaire », affirme le cardinal Marc Ouellet, préfet de la Congrégation pour les évêques.
La présence des femmes dans la formation des prêtres est nécessaire, souligne le cardinal : « Dans ce domaine, nous avons besoin de l’opinion des femmes, de leur intuition, de leur capacité à saisir le côté humain des candidats, leur degré de maturité émotionnelle ou psychologique. » « L’expérience de la collaboration avec les femmes à un niveau paritaire aide le candidat à envisager son futur ministère et la manière dont il saura respecter les femmes et collaborer avec elles, poursuit le cardinal : Si l’on ne commence pas pendant la formation, le prêtre risque de vivre sa relation avec les femmes de manière cléricale. »
Dans le numéro de mai de « Femme Église Monde » (Donne Chiesa Mondo), la revue mensuelle de L’Osservatore Romano, le cardinal échange avec Romilda Ferrauto, conseillère spéciale de la Salle de presse du Saint-Siège, sur les différents aspects du rôle des femmes dans la formation sacerdotale et plus généralement dans la vie de l’Église. Dans l’interview publiée sur Vatican News ce 24 avril 2020, le cardinal soulève plusieurs défis auxquels les femmes font face dans l’Église.
Les relations entre les prêtres et les femmes sont encore souvent difficiles : « Il y a un malaise, parce qu’il y a la peur… affirme le cardinal. Pour un prêtre, pour un séminariste, la femme représente un danger ! Alors qu’en réalité, le vrai danger est celui des hommes qui n’ont pas une relation équilibrée avec les femmes. »
Le rôle des femmes dans la formation des futurs prêtres
Les futurs prêtres doivent apprendre à « interagir avec les femmes, de manière naturelle » ainsi qu’à « faire face au défi que représente la présence des femmes »: « cela doit être enseigné et appris dès le début », insiste-t-il. Si les séminaristes sont isolés, ils « se retrouvent ensuite brutalement dans la réalité ; et alors ils peuvent perdre le contrôle ».
Pour le moment, la formation de futurs prêtres comporte encore plusieurs problèmes : « Nous sommes toujours dans une conception cléricale de la formation, qui s’efforce de progresser, mais reste dans la continuité de ce qui a été fait, affirme le cardinal Ouellet. Il y a plus d’éléments concernant la formation humaine, mais je crois que c’est encore très insuffisant en ce qui concerne l’intégration des femmes dans la formation. »
Le cardinal revient sur ce problème à quelques reprises au cours de l’entretien, en précisant que « pour le prêtre, apprendre à se mettre en relation avec les femmes, dans le cadre de la formation, est un facteur humanisant qui favorise l’équilibre de la personnalité et de l’affectivité de l’homme ». L’absence d’interaction avec des femmes peut conduire à des problèmes très graves dans la vie du prêtre, estime-t-il : « L’Homme est un être émotionnel. Si l’interaction entre les sexes est absente, il y a le risque de développer une compensation… qui peut être de type alimentaire, ou s’exprimer dans l’exercice du pouvoir, ou dans des relations fermées, une fermeture qui devient manipulation, contrôle… et qui peut conduire à des abus de conscience et des abus sexuels. »
Le cardinal Ouellet parle aussi du rôle des femmes dans l’enseignement catholique supérieur : « Il reste encore beaucoup à faire dans les études supérieures des universités catholiques », note-t-il. Se référant au préambule du document du pape Veritatis gaudium (la Constitution apostolique sur les universités et les facultés ecclésiastiques du 29 janvier 2018) pour le renouveau des études supérieures, le préfet dit : « La dimension de la problématique des femmes et la réponse de l’Église font défaut. Il ne s’agit pas seulement de promouvoir les femmes, mais de les considérer comme une partie intégrante de toute formation. Il aurait fallu qu’il y ait au moins une allusion à cela dans un texte de cette importance qui soit tourné vers l’avenir. Cela montre bien où nous en sommes encore ! »
« Dans l’Église, Marie est supérieure à Pierre »
Le cardinal explique aussi pourquoi les femmes sont souvent considérées comme moins importantes par rapport aux hommes dans l’Église : « La réponse est: parce que le modèle est clérical. Si la femme n’a pas de pouvoir de fonction, elle n’existe pas. Alors que la fonction est très secondaire, car elle est au service du baptême, elle doit faire vivre la filiation divine dans le cœur des hommes. C’est cela l’Église ! Et tout le reste, l’annonce de la Parole, le don du sacrement, sert à faire vivre cette réalité essentielle. »
Le cardinal rappelle que le pape François dit cela en reprenant une idée du célèbre théologien suisse Hans Urs von Balthasar (1905-1988) : « Dans l’Église, Marie est supérieure à Pierre, car Marie représente le sacerdoce baptismal dans sa plus haute expression, elle est la médiatrice du don du Verbe incarné au monde. Et donc, la forme de l’Église est féminine parce que la foi est la réception de la Parole et qu’il y a une réception fondamentale de la grâce qui est féminine. Marie en est le symbole. »
Le préfet qualifie cette ecclésiologie de « nuptiale » : « Parce que quand je dis nuptiale, je mets l’amour au premier plan. Cela vaut non seulement pour le couple marié, mais aussi pour la vie consacrée, pour la vie sacerdotale, ministérielle, tout est unifié dans cette relation nuptiale entre le Christ et l’Église qui révèle au monde le mystère de Dieu qui est amour. »