Cardinal Lorenzo Baldisseri, capture CTV

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Synode Amazonie: un "grand projet ecclésial, civique et écologique"

Présentation par le card. Lorenzo Baldisseri

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Un « grand projet ecclésial, civique et écologique » qui « permet d’étendre le regard au-delà des frontières respectives et de redéfinir des lignes pastorales en les rendant adaptées aux temps d’aujourd’hui » : c’est ainsi que le cardinal Baldisseri définit le prochain Synode des évêques pour la région panamazonienne prévu à Rome pour octobre 2019.

Le cardinal Lorenzo Baldisseri, secrétaire général du Synode des évêques, est intervenu à la conférence de presse de présentation du Document préparatoire de l’Assemblée spéciale du Synode des évêques pour la région panamazonienne, qui s’est tenue dans la salle de presse du Saint-Siège ce vendredi 8 juin 2018. Le thème de l’Assemblée est : « Amazonie, de nouveaux chemins pour l’Église et pour une écologie intégrale ».

La première partie du Document, explique le cardinal, dessine « l’identité de la Panamazonie et l’urgence de l’écoute. Les arguments qui sont abordés sont : le territoire, la diversité socio-culturelle, l’identité des peuples indigènes, la mémoire historique ecclésiale, la justice et les droits des peuples, ainsi que la spiritualité et la sagesse des peuples amazoniens ».

La seconde partie concerne « le “discernement” de nouveaux chemins à partir de notre foi en Jésus-Christ, éclairés par le Magistère et la Tradition de l’Église. Par conséquent, le contenu de cette partie est marqué par l’annonce de l’Évangile en Amazonie, dans ses différentes dimensions : biblico-théologique, sociale, écologique, sacramentelle et ecclésiale-missionnaire ».

Dans la troisième partie, il s’agit de « de trouver de nouveaux chemins pastoraux pour une Église au visage amazonien, avec une dimension prophétique à la recherche de ministères et de lignes d’action plus adéquates, dans un contexte d’écologie vraiment intégrale ». En conclusion, le cardinal Baldisseri précise qu’une « écoute attentive » des « voix amazoniennes et de la sagesse qu’elles expriment devra marquer l’orientation des priorités pour les nouveaux chemins de l’Église en Amazonie ».

Voici notre traduction de l’intervention du cardinal Baldisseri.

HG

Intervention du card. Lorenzo Baldisseri

Comme cela a été annoncé par le Saint-Père François le 15 octobre 2017, l’Assemblée spéciale du Synode des évêques, intitulée « Amazonie, de nouveaux chemins pour l’Église et pour une écologie intégrale », aura lieu au mois d’octobre de l’année prochaine 2019. Les nouveaux chemins d’évangélisation sont pensés pour et avec le peuple de Dieu qui habite dans cette région. Pour ce motif, on parle de « Synode panamazonien » – les réflexions qui le concernent dépassent le cadre régional parce qu’elles touchent toute l’Église et aussi l’avenir de la planète. Ces réflexions veulent faire un pont vers d’autres réalités géographiques similaires comme, par exemple : le bassin du Congo, le couloir biologique centraméricain, les bois tropicaux de l’Asie dans le Pacifique et le système aquifère Guarani. Ce grand projet ecclésial, civique et écologique, permet d’étendre le regard au-delà des frontières respectives et de redéfinir des lignes pastorales en les rendant adaptés aux temps d’aujourd’hui. C’est aussi pour ces raisons que le synode se tiendra à Rome.

Dans la région panamazonienne, l’attention prioritaire se porte sur les peuples natifs qui l’habitent. Comme l’a affirmé le pape François à Puerto Maldonato (19 janvier 2018), ces peuples n’ont jamais été autant menacés que maintenant. En second lieu, l’attention portera sur le thème de l’environnement, de l’écologie et du soin de la création, notre maison commune. Tout cela sera présenté à la lumière de l’enseignement et de la vie de l’Église, active dans la région.

C’est sur cette ligne qu’est publié aujourd’hui le Document préparatoire qui rassemble des demandes et suggestions et qui propose des pistes pour une préparation adéquate à l’Assemblée synodale.

Le Document préparatoire comporte une introduction et trois parties qui correspondent à la méthode du « voir, juger (discerner) et agir », méthode déjà utilisée précédemment (Synode sur la famille) avec de bons résultats. Enfin, un questionnaire est inclus, sur lequel travailleront les Églises locales et d’autres organismes concernés.

La première partie du Document, dédiée au « voir », dessine l’identité de la Panamazonie et l’urgence de l’écoute. Les arguments qui sont abordés sont : le territoire, la diversité socio-culturelle, l’identité des peuples indigènes, la mémoire historique ecclésiale, la justice et les droits des peuples, ainsi que la spiritualité et la sagesse des peuples amazoniens.

La région panamazonienne comprend plus de sept millions et demi de kilomètres carrés, avec neuf pays qui partagent ce grand biome (Brésil, Bolivie, Colombie, Équateur, Pérou, Venezuela, Surinam, Guyane et Guyane française) et elle concerne sept Conférences épiscopales.

Le bassin hydrographique de l’Amazonie représente, pour notre planète, une des plus grandes réserves de biodiversité (de 30 à 50 pour cent de la flore et de la faune du monde) et d’eau douce (20 pur cent de l’eau douce non congelée de toute la planète). En outre, la région possède plus d’un tiers des bois primaires de la planète, et elle est un important fournisseur d’oxygène pour toute la terre.

La population, sur cet immense territoire, est d’environ 34 millions d’habitants dont plus de 3 millions sont des indigènes appartenant à plus de 390 ethnies. Elle inclut même des peuples et des cultures de tout type comme les afro-descendants, les paysans, les colons, etc. Tous vivent dans un rapport vital avec la végétation et les eaux des fleuves selon leurs mouvements cycliques, comme les crues, les reflux et les périodes de sécheresse.

Les centres habités et les villes en Amazonie ont rapidement grandi en nombre à cause du phénomène migratoire vers les périphéries, de sorte qu’actuellement entre 70 et 80 pour cent de la population réside dans ces centres et ces villes.

La richesse de la forêt et des fleuves est menacée par de grands intérêts économiques, aux différents points du territoire, qui provoquent la déforestation indiscriminée, la contamination des fleuves et des lacs, à cause de l’usage d’agrotoxiques, de fuites de pétrole, de l’extraction de minerais et de la production de drogues. À tout cela s’ajoute une augmentation dramatique de la traite des personnes, en particulier de femmes et d’enfants, pour toutes sortes d’exploitation inhumaine.

Depuis la première évangélisation, l’Église a été présente de manière forte et significative, malgré des ombres, dans la défense et le développement des peuples jusqu’à notre époque, où elle s’est surtout impliquée par son action ecclésiale et sociale pour délivrer les peuples opprimés et marginalisés. À cet égard, les interventions de l’épiscopat latino-américain, à travers les documents de Medellin (1968), Puebla (1979), Santo Domingo (1992) et Aparecida (2007), sont particulièrement importantes.

Sur la justice et les droits des peuples, l’orientation du pape François est claire : « Je crois que le problème essentiel est de savoir comment concilier le droit au développement, y compris le développement social et culturel, avec la protection des caractéristiques propres des indigènes et de leurs territoires. […] En ce sens, le droit au consensus préalable et informé devrait toujours prévaloir » (Fr.FPI).

La seconde partie du Document concerne le « discernement » de nouveaux chemins à partir de notre foi en Jésus-Christ, éclairés par le Magistère et la Tradition de l’Église. Par conséquent, le contenu de cette partie est marqué par l’annonce de l’Évangile en Amazonie, dans ses différentes dimensions : biblico-théologique, sociale, écologique, sacramentelle et ecclésiale-missionnaire.

Les récits bibliques inspirent une réflexion profonde sur la réalité spécifique de l’Amazonie, de son destin et de sa dimension cosmique, à partir de la Genèse jusqu’à l’Apocalypse. À la lumière de la Parole de Dieu, il s’instaure la tension entre le déjà et le pas encore, qui implique la famille humaine et le monde entier. « En effet, la création attend avec impatience la révélation des fils de Dieu. Car la création a été soumise au pouvoir du néant […] Pourtant, elle a gardé l’espérance d’être, elle aussi, libérée de l’esclavage de la dégradation, pour connaître la liberté de la gloire donnée aux enfants de Dieu. » (Rm 8,19-22).

L’annonce évangélique a un « contenu inévitablement social » (EG 177) et implique l’engagement en faveur de l’autre pour améliorer sa vie et ainsi « rendre présent dans le monde le Royaume de Dieu » (EG 176).

Cette dimension sociale et communautaire trouve une expression importante justement sur le territoire amazonien, où l’écosystème se conjugue de manière inséparable avec la vie des personnes et garantit la stabilité et la sauvegarde de la Maison commune. Il s’ensuit donc, comme nous le rappelle le pape François, que l’œuvre d’évangélisation ne peut « mutiler l’intégralité du message de l’Évangile » (EG 39) et, en même temps, ne peut pas ne pas tenir compte de l’exigence de dispositions qui aident à mieux accueillir l’annonce : la proximité, l’ouverture au dialogue, la patience et l’accueil (cf. EG 165).

Un élément de base que l’évangélisation doit considérer est le développement humain conçu comme un processus intégral, bien exprimé par la formule, souvent employée par le pape François, « dans le monde, tout est lié », comme paradigme de l’écologie intégrale (cf. LS 137-142).

Par conséquent, le processus d’évangélisation de l’Église en Amazonie ne peut se passer de la promotion et du soin du territoire (nature) et de ses peuples (culture). Pour atteindre ce but, il sera nécessaire d’articuler les savoirs ancestraux avec les connaissances contemporaines (cf. LS 143-146), avec une référence particulière à l’utilisation durable du territoire et au développement cohérent avec les valeurs et les cultures des populations.

Les nouveaux chemins d’évangélisation souhaités de l’Église en Amazonie ne peuvent pas tenir sans un regard ecclésial contemplatif sur la création et sur la pratique sacramentelle. En effet, « les Sacrements sont un mode privilégié de la manière dont la nature est assumée par Dieu et devient médiation de la vie surnaturelle. À travers le culte, nous sommes invités à embrasser le monde à un niveau différent. » (LS 235).

Comme l’affirme le Document préparatoire, la célébration du baptême met en lumière l’importance de l’ « eau » comme source de vie et de purification, facilitant l’inculturation de rites et de traditions du territoire ».

Ainsi aussi l’Eucharistie, d’après le même Document, nous ramène au « centre vital de l’univers, le centre débordant d’amour et de vie inépuisables » du Fils incarné, présent sous les apparences du pain et du vin, fruit de la terre et du travail des hommes (cf. LS 236). Dans l’Eucharistie, la communauté célèbre un amour cosmique, où les êtres humains, à côté du Fils de Dieu incarné et de toute la création, rendent grâce à Dieu pour la vie nouvelle dans le Christ ressuscité (cf. ibidem). C’est pourquoi, l’Eucharistie, tandis qu’elle constitue la communauté pèlerine et festive, devient « source de lumière et de motivation pour nos préoccupations pour l’environnement  et nous invite à être les gardiens de toute la création » (cf. LS, ibidem)

À la fin de la seconde partie, le Document parle de la dimension ecclésiale et missionnaire. À cet égard, il est affirmé que dans une Église « en sortie » (cf. EG 46), « par nature missionnaire » (AG 2, Doc. Aparecida 347), tous les baptisés ont la responsabilité d’être disciples missionnaires, en participant à la vie ecclésiale avec des modalités différentes et au sein d’environnements différents.

La prise de conscience de la dimension missionnaire fait que l’annonce implique l’affirmation des principes moraux, y compris dans l’ordre social, et exige le respect des droits fondamentaux de la personne et la pratique de la justice en faveur des pauvres.

Le sens religieux des peuples de l’Amazonie, comme expression du « sensus fidei », est important. Au point que le pape François lui-même a voulu y faire référence par ces paroles, à Puerto Maldonado : « J’ai voulu venir vous rendre visite et vous écouter, pour être ensemble au cœur de l’Église, nous unir à vos défis et avec vous réaffirmer une option sincère pour la défense de la vie, pour la défense de la terre et pour la défense des cultures ».

L’Église, comme nous le rappelle le pape François, doit être une Église « en sortie » (cf. EG 46), dans laquelle tous les baptisés ont la responsabilité d’être des disciples missionnaires, participant à la vie de celle-ci, de manières diverses et dans différents environnements. En ce sens, une perspective missionnaire en Amazonie exige plus que jamais un magistère ecclésial exercé à l’écoute de l’Esprit Saint, qui agit dans tout le peuple de Dieu et qui garantit l’unité et la diversité des fidèles.

Cette unité dans la diversité, suivant la tradition de l’Église, suppose le « sensus fidei » du peuple de Dieu. Ainsi, le pape François a repris cet aspect mis en avant depuis le Concile Vatican II (cf. LG 12; DV 10), par ces paroles : « Dans tous les baptisés, du premier au dernier, agit la force sanctificatrice de l’Esprit qui incite à évangéliser. Le Peuple de Dieu est saint à cause de cette onction que le rend infaillible “in credendo”. Cela signifie que quand il croit il ne se trompe pas […] Dieu dote la totalité des fidèles d’un instinct de la foi – le sensus fidei – qui les aide à discerner ce qui vient réellement de Dieu » (EG 119).

Le sens religieux en Amazonie, comme expression du « sensus fidei », a besoin de l’accompagnement et de la présence des pasteurs (cf. EN 48). Dans cette écoute réciproque entre le pape (et les autorités ecclésiales) et les habitants du peuple amazonien, se nourrit et se fortifie le « sensus fidei » du peuple et son être ecclésial grandit : « Nous avons besoin de nous exercer à l’art de l’écoute, qui est plus que le fait d’entendre » (EG 171).

La troisième partie du Document se réfère à l’ « agir ». Il s’agit en fait de trouver de nouveaux chemins pastoraux pour une Église au visage amazonien, avec une dimension prophétique à la recherche de ministères et de lignes d’action plus adéquates, dans un contexte d’écologie vraiment intégrale.

C’est le pape François qui nous indique la route pour comprendre l’expression « visage amazonien ». En effet, il affirme à Puerto Maldonado : « Ceux d’entre nous qui n’habitent pas ces terres, nous avons besoin de votre sagesse et de vos connaissances pour pouvoir pénétrer, sans le détruire, dans le trésor que renferme cette région. Et les paroles du Seigneur à Moïse résonnent ainsi : « retire les sandales de tes pieds, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte ! » (Ex 3,5) » (François, PM).

On retrouve aussi ce qui a été exprimé dans le Document préparatoire qui affirme : « l’Assemblée spéciale pour la Région panamazonienne est appelée à repérer de nouveaux chemins pour faire grandir le visage amazonien de l’Église et aussi pour répondre aux situations d’injustice de la région » (Doc. prép. 12).

Une pastorale renouvelée de l’Amazonie exige alors la nécessité de « relancer l’œuvre de l’Église » (Doc. Aparecida,11) sur le territoire et d’approfondir le « processus d’inculturation » (EG 126), avec des propositions concrètes et efficaces.

Dans les dernières décennies, grâce aussi au grand élan venu du Document d’Aparecida, l’Église en Amazonie a pris conscience de la nécessité d’ « une plus grande présence ecclésiale pour pouvoir répondre à tout ce qui est spécifique de cette région, à partir des valeurs de l’Évangile, en ayant conscience, entre autres, de l’immense extension géographique, très souvent difficile d’accès, de la grande diversité culturelle et de la forte influence exercée par des intérêts nationaux et internationaux à la recherche d’un enrichissement économique facile à travers les ressources présentes dans la région. Une mission incarnée exige de repenser la faible présence de l’Église par rapport à l’immensité du territoire et à sa diversité culturelle » (Doc. prép. 14).

En effet, pour intervenir sur la présence précaire de l’Église et la transformer en une présence plus capillaire et incarnée, il faut redéfinir une hiérarchie des urgences en Amazonie.

Une priorité est de préciser les contenus, les méthodes et les attitudes d’une pastorale inculturée. Une autre priorité est de proposer des ministères et des services pour les différents agents pastoraux qui répondent aux devoirs et aux responsabilités de la communauté (cf. Doc. prép. 14).

Comme l’a dit le pape François, la tâche de la nouvelle évangélisation des cultures traditionnelles qui habitent sur le territoire amazonien et sur d’autres territoires, exige de prêter aux pauvres « notre voix pour leurs causes, mais aussi d’être leurs amis, de les écouter, de les comprendre et d’accueillir la mystérieuse sagesse que Dieu veut nous communiquer à travers eux » (EG 198). C’est pourquoi une écoute attentive de ces voix amazoniennes et de la sagesse qu’elles expriment devra marquer l’orientation des priorités pour les nouveaux chemins de l’Église en Amazonie.

Ainsi, l’Église en Amazonie se prépare selon une « culture de la rencontre » (EG 20) pour célébrer l’Assemblée spéciale du Synode des évêques d’octobre 2019.

Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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