Le pape François a mis en garde les prêtres étudiants contre « l’académisme », devant la communauté du Collège pontifical brésilien de Rome, qu’il a reçue le 21 octobre 2017, au Vatican. L’audience avait lieu à l’occasion du troisième centenaire de la découverte de la Vierge noire d’Aparecida, « Reine et patronne du Brésil », par des pêcheurs (1717-2017). « S’il vous plaît, leur a-t-il lancé, n’oubliez pas qu’avant d’être maîtres ou docteurs, vous êtes et devez rester prêtres, pasteurs du peuple de Dieu ! »
« Il est nécessaire de prendre soin de sa vie spirituelle », a souligné le pape dans son discours, recommandant aussi de vivre « la dimension pastorale » dans la mesure du possible, afin de ne pas « perdre la perspective ecclésiale et missionnaire des études ».
« Le remède le plus efficace contre le risque du déséquilibre c’est la fraternité sacerdotale », a-t-il estimé, fustigeant les bavardages : « ce qui détruit le plus la fraternité sacerdotale, ce sont les bavardages… S’il vous plaît, pas de bavardages. Il serait beau de mettre un panneau à l’entrée : ‘Pas de bavardage’. » Il s’agit aussi, a-t-il ajouté, de « vivre comme une famille, en frères, sans mettre personne à part » car « le peuple de Dieu aime voir et il a besoin de voir que ses prêtres se veulent du bien et vivent en frères ».
Enfin, le pape a évoqué la situation du Brésil, ses « énormes problèmes sociaux » et la « corruption scandaleuse » qui y règne : « Les Brésiliens ont besoin de voir un clergé uni, fraternel et solidaire, dans lequel les prêtres affrontent ensemble les obstacles, sans céder aux tentations de l’activisme ou de faire carrière. »
AK
Discours à la communauté du Collège pontifical brésilien de Rome
Eminences, Excellences, chers frères et sœurs,
Aujourd’hui je vous accueille à l’occasion des trois cents ans du recouvrement de l’Image vénérée de Notre Dame d’Aparecida. Je remercie le cardinal Sergio da Rocha pour les mots qu’il m’a adressés au nom de toute la communauté sacerdotale du Collège pontifical brésilien ainsi que des religieuses et des collaborateurs qui collaborent à rendre cette maison « un petit morceau du Brésil à Rome ».
Comme c’est important de se sentir dans une ambiance accueillante, chaque fois que nous nous trouvons loin de notre terre et sommes pris de nostalgie, de la saudades ! Une telle ambiance aide aussi à dépasser les difficultés d’adaptation à une situation pendant laquelle l’activité pastorale n’est plus le centre de la journée. Vous, vous n’êtes plus des curés ou des vicaires paroissiaux, mais des prêtres étudiants. Cette nouvelle situation peut porter le danger de générer un déséquilibre entre les quatre piliers qui soutiennent la vie d’un prêtre : la dimension spirituelle, la dimension académique, la dimension humaine et la dimension pastorale.
Naturellement pendant cette période particulière de votre vie, la dimension académique prend le dessus. Cependant cela ne peut signifier une négligence des autres dimensions. Il est nécessaire de prendre soin de sa vie spirituelle : la Messe tous les jours, la prière quotidienne, la lectio divina, la rencontre personnelle avec le Seigneur, la récitation du rosaire. Même la dimension pastorale doit être vécue : selon les possibilités, il est salutaire et conseillé de développer quelques activités apostoliques. Et, par rapport à la dimension humaine, il faut surtout éviter, devant un certain vide généré par la solitude – parce qu’on profite moins ici de la consolation du peuple de Dieu que lorsqu’on était en diocèse -, de perdre la perspective ecclésiale et missionnaire des études.
Négliger ces dimensions ouvre la porte à quelques-unes des « maladies » qui peuvent agresser le prêtre étudiant, comme par exemple l’ « académisme » et la tentation de faire des études simplement comme un moyen d’affirmation personnel. Dans les deux cas, on finit par étouffer la foi qu’au contraire nous avons la mission d’entretenir, ainsi que saint Paul le demandait à Timothée : « Garde le dépôt de la foi. Tourne le dos aux bavardages impies et aux objections de la pseudo-connaissance » (1 Tm 6,20-21). S’il vous plaît n’oubliez pas qu’avant d’être maîtres ou docteurs, vous êtes et devez rester prêtres, pasteurs du peuple de Dieu !
Mais alors, comment est-il possible alors de maintenir l’équilibre entre ces quatre piliers fondamentaux de la vie pastorale ? Je dirais que le remède le plus efficace contre le risque du déséquilibre c’est la fraternité sacerdotale. Ce n’était pas écrit, mais cela me vient de le dire maintenant parce que Paul [dans le passage cité] a parlé des bavardages : ce qui détruit le plus la fraternité sacerdotale, ce sont les bavardages. Le bavardage est un « acte terroriste », parce que toi avec le bavardage tu lances une bombe, détruis l’autre et tu t’en vas tranquillement ! C’est pour cela qu’il faut entretenir la fraternité sacerdotale. S’il vous plaît, pas de bavardages. Il serait beau de mettre un panneau à l’entrée : « Pas de bavardage ». Ici [dans la Palais Apostolique] il y a l’image de la Vierge du Silence, à l’ascenseur au rez-de-chaussée ; la Madone qui dit : « Pas de bavardage ». C’est un message pour la Curie. Faites une chose du même genre pour vous.
De fait, la nouvelle Ratio Fundamentalis pour la formation des prêtres, en abordant le thème de la formation permanente, affirme que « le premier environnement dans lequel se développe la formation permanente est la fraternité presbytérale » (n. 82). Celle-ci est donc en quelque sorte la pierre angulaire de la formation permanente. Ceci se base sur le fait que, par l’intermédiaire de l’ordination sacerdotale, nous participons à l’unique sacerdoce du Christ et nous formons une vraie famille. La grâce du sacerdoce assume et élève nos relations humaines, psychologiques et affectives et « se révèle et se concrétise dans les formes les plus variées d’aide réciproque, non seulement spirituelles mais aussi matérielles » (Jean-Paul II, Exhort. ap. post syn. Pastores dabo vobis, 74).
En pratique, cela signifie savoir que le premier objet de notre charité pastorale doit être notre frère dans le sacerdoce – c’est le premier prochain que nous avons – : « Portez les fardeaux les uns des autres – nous exhorte l’Apôtre – : ainsi vous accomplirez la loi du Christ » (Gal 6,2). Prier ensemble, partager la joie et les défis de la vie académique, faire la fête, boire un cachacinha … Tout ceci va bien, bien ; aider ceux qui ont le plus de nostalgie ; sortir ensemble pour une promenade ; vivre comme une famille, en frères, sans mettre personne à part, y compris ceux qui sont en crise ou peut-être ont eu des attitudes répréhensibles, parce que « la fraternité presbytérale n’exclut personne » (Pastores dabo vobis, 74).
Chers prêtres, le peuple de Dieu aime voir et il a besoin de voir que ses prêtres se veulent du bien et vivent en frères ; ceci est encore plus vrai quand on pense au Brésil et à ses défis aussi bien religieux que sociaux qui vous attendent au retour. En fait, dans ce moment difficile de son histoire nationale, quand tellement de personnes semblent avoir perdu l’espérance dans un futur meilleur en raison des énormes problèmes sociaux et d’une corruption scandaleuse, le Brésil a besoin que ses prêtres soient un signe d’espérance. Les Brésiliens ont besoin de voir un clergé uni, fraternel et solidaire, dans lequel les prêtres affrontent ensemble les obstacles, sans céder aux tentations de l’activisme ou de faire carrière. Soyez attentifs à cela ! Je suis sûr que le Brésil dépassera sa crise et j’ai confiance que vous en serez protagonistes.
Dans un tel objectif, vous pouvez compter sur une aide particulière : l’aide de Notre Mère du Ciel, que vous Brésiliens appelez Notre Dame d’Aparecida. Les paroles de ce chant avec lequel vous la saluez me viennent en mémoire : « Vierge Sainte, Vierge de beauté ; Mère aimable, Mère très chère ; soutiens-nous, secours nous, oh Vierge d’Ararecida » (« Virgem santa, Virgem bela, Mae amavel, mae querida ; Amparai-nos, socorrei-nos ; O Senhora Aparecida «). Que ces paroles puissent trouver la confirmation dans la vie de chacun de vous. Que la Vierge Marie veuille, avec son soutien et son secours, vous aider à vivre la fraternité presbytérale, en faisant de telle sorte que votre période d’études à Rome produise des fruits abondants, au-delà du titre académique.
Que la Reine du Collège Pio brésilien aide à rendre cette communauté une école de fraternité, en rendant chacun de vous levain d’unité au sein de vos diocèses respectifs, pour que la dimension diocésaine du sacerdoce séculier se nourrisse directement de l’expérience de fraternité entre prêtres. En confirmation de ces souhaits, j’adresse de tout cœur à la direction, aux étudiants, aux religieuses et aux employés, à tous, avec vos familles, la Bénédiction Apostolique, et je vous demande, s’il vous plaît, de ne pas oublier de prier pour moi.
Merci.
Traduction de Zenit, Hugues de Warren
Collège Pio brésilien © L'Osservatore Romano
Prêtres étudiants: le pape met en garde contre "l'académisme"
Audience au Collège pontifical brésilien (Traduction intégrale)