Marie de rite syro malabar © Wikimedia Commons / Achayan

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Inde : le pape François érige deux nouvelles éparchies syro-malabares

Manifester la richesse des différentes traditions catholiques

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Le pape François a « autorisé la Congrégation pour les Églises orientales à pourvoir au soin pastoral des fidèles syro-malabars dans toute l’Inde par l’érection de deux éparchies et par l’extension des frontières des deux déjà existantes ». C’est une « invitation ainsi qu’une chance pour grandir dans la foi et la communion avec leur Église sui iuris afin de préserver le précieux héritage de leur rite et de le transmettre aux générations futures », explique-t-il.
Le pape François a en effet adressé une lettre aux évêques d’Inde, en date du 9 octobre 2017, pour leur expliquer sa décision, destinée à « pourvoir aux besoins pastoraux des fidèles syro-malabars dans toute l’Inde ». Il souhaite que « l’Église catholique révèle au monde son visage dans toute sa beauté, dans la richesse de ses différentes traditions ».
« Puisse cette extension de la zone pastorale de l’Église syro-malabare n’être nullement perçue comme une un accroissement de pouvoir et de domination, mais comme un appel à une communion plus profonde qui ne devrait jamais être perçue comme une uniformité », conclut-il.
Voici notre traduction de la lettre en anglais du pape François.
HG
Lettre du pape François
Chers frères évêques,
1 La remarquable variété des Églises, fruit d’un long développement historique, culturel, spirituel et disciplinaire, constitue un trésor de l’Église, reine « in vestitu deaurato circumdata variegate » (cf. Ps 44 et Léon XIII, Orientalium dignitas), qui attend son époux avec la fidélité et la patience de la vierge sage, équipée d’une abondante réserve d’huile, afin que la lumière de sa lampe puisse éclairer tous les peuples dans la longue nuit d’attente de la venue du Seigneur.
Cette diversité de la vie ecclésiale, qui luit avec une grande splendeur à travers pays et nations, se trouve aussi en Inde. L’Église catholique en Inde a son origine dans la prédication de l’apôtre Thomas. Elle s’est développée à travers le contact avec les Églises de traditions chaldéenne et antiochienne et, depuis le seizième siècle, à travers les efforts des missionnaires latins. L’histoire de la chrétienté dans ce grand pays a donc conduit à trois Églises distinctes « sui iuris », correspondant à des expressions ecclésiales de la même foi célébrée dans différents rites selon les trois traditions liturgiques, spirituelles, théologiques et disciplinaires. Bien que cette situation ait parfois créé des tensions dans le cours de l’histoire, aujourd’hui nous pouvons admirer une présence chrétienne qui est à la fois riche et belle, complexe et unique.
2 Il est essentiel que l’Église catholique révèle au monde son visage dans toute sa beauté, dans la richesse de ses différentes traditions.  C’est pourquoi la Congrégation des Églises orientales, qui célèbre cette année son centenaire, ayant été établie grâce à la prévoyance du pape Benoît XV en 1917, a encouragé, lorsque c’était nécessaire, la restauration des traditions catholiques orientales et assuré leur protection, ainsi que le respect pour la dignité et les droits de ces anciennes Églises.
3 Le Concile Vatican II a embrassé cette vision de l’Église et rappelé aux fidèles le besoin de protéger et de préserver le trésor des traditions particulières de chaque Église. « C’est pourquoi il existe encore légitimement, au sein de la communion de l’Église, des Églises particulières jouissant de leurs traditions propres – sans préjudice du primat de la Chaire de Pierre qui préside à l’assemblée universelle de la charité (cf. Ignace d’Antioche, Ad Rom., Praef.), garantit les légitimes diversités et veille à ce que, loin de porter préjudice à l’unité, les particularités, au contraire, lui soient profitables » (Lumen gentium, 13).
4 Comme l’enseigne Lumen gentium, c’est à l’évêque de Rome de promouvoir l’unité dans la diversité du Corps du Christ. Dans cette tâche, les pontifes romains interprètent fidèlement et appliquent la voix du Concile Vatican II qui a exprimé le désir ardent que les Églises orientales, vénérées pour leur ancienneté, « soient florissantes et accomplissent avec une vigueur apostolique renouvelée la mission qui leur incombe » (Orientalium Ecclesiarum, 1). Leur responsabilité n’est pas seulement de devenir des instruments toujours plus efficaces de cette « charge de promouvoir l’unité de tous les chrétiens, notamment des chrétiens orientaux » (Orientalium Ecclesiarum, 24), mais aussi de promouvoir leur égale dignité car « elles jouissent des mêmes droits et elles sont tenues aux mêmes obligations, également en ce qui concerne le devoir de prêcher l’Évangile dans le monde entier » (Orientalium Ecclesiarum, 3)
Il y a trente ans, mon bienaimé prédécesseur, saint Jean-Paul II, a écrit une lettre aux évêques d’Inde. S’inspirant du Concile Vatican II, il cherchait à appliquer l’enseignement conciliaire au contexte indien. En Inde, même après de nombreux siècles, les chrétiens ne sont qu’une petite proportion de la population et par conséquent, il y a un besoin particulier de démontrer une unité et d’éviter tout semblant de division. Saint Jean-Paul II a aussi affirmé que le besoin d’unité et la préservation de la diversité ne sont pas opposés entre eux. « Ce besoin d’être fidèle aux traditions et au patrimoine de son propre rite ne doit pas être interprété comme une interférence dans la tâche de l’Église de “rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés” (Jn 11,52) ou dans la mission de l’Église de promouvoir la communion de tout le peuple avec le Rédempteur » (Lettre aux évêques d’Inde, 28 mai 1987).
5 Il y a cinquante ans, lorsque l’Église syro-malabare s’est étendue à certaines parties centrales et du nord de l’Inde avec des « éparchies missionnaires », on pensait généralement parmi les évêques latins qu’il ne devait y avoir qu’une juridiction, c’est-à-dire un évêque dans un territoire particulier. Ces éparchies, créées à partir de diocèses latins, ont aujourd’hui une juridiction exclusive sur ces territoires, à la foi des fidèles latins et syro-malabars. Cependant, dans les territoires traditionnels des Églises orientales, de même que dans la vaste zone de ce que l’on appelle la diaspora (où ces fidèles sont établis depuis longtemps), une coopération fructueuse et harmonieuse entre évêques catholiques des différentes Églises sui iuris à l’intérieur du même territoire a pris place. Cette coopération non seulement offre une justification ecclésiologique à une telle solution, mais démontre aussi ses bienfaits pastoraux. Dans un monde où de grands nombres de chrétiens sont forcés d’émigrer, le chevauchement des compétences est devenu courant et devient un outil efficace pour assurer le soin pastoral des fidèles tout en assurant un respect total de leurs traditions ecclésiales.
En Inde même, le chevauchement des compétences ne devrait plus être problématique, car l’Église l’expérimente depuis un certain temps, comme au Kérala. La lettre de saint Jean-Paul II autorisait l’érection d’une éparchie syro-malabare dans la région de Bombay-Pune, qui est devenue l’éparchie de Kalyan. En 2012, l’éparchie syro-malabare de Faridabad fut érigée dans la région de Delhi et dans les États voisins, tandis que les frontières de l’éparchie de Mandya étaient étendues en 2015 pour inclure la région métropolitaine de Bangalore. La même année, une éparchie et un exarchat apostolique furent érigés pour les fidèles syro-malankars de sorte que, par ces circonscriptions ecclésiastiques, l’Église syro-malankare puisse procurer un soin pastoral à ses fidèles dans tout le territoire de l’Inde. Tous ces développements montrent que, même si ce n’est pas sans problèmes, la présence d’un certain nombre d’évêques dans la même zone ne compromet pas la mission de l’Église. Au contraire, ces pas ont donné un plus grand élan aux Églises locales pour leurs efforts pastoraux et missionnaires.
En 2011, mon prédécesseur Benoît XVI a souhaité pourvoir aux besoins pastoraux des fidèles syro-malabars dans toute l’Inde et j’ai confirmé son intention à la suite de la session plénière de la Congrégation pour les Églises orientales en 2013. L’archevêque Mgr Raphael Thattil est actuellement Visiteur apostolique pour ces fidèles syro-malabars en Inde, qui vivent en dehors de leur propre territoire, et il a présenté au Siège apostolique des rapports détaillés. Cette question a été examinée lors de réunions aux plus hauts niveaux de l’Église. Après ces étapes, je crois que le temps est maintenant venu de compléter ce processus.
J’ai donc autorisé la Congrégation pour les Églises orientales à pourvoir au soin pastoral des fidèles syro-malabars dans toute l’Inde par l’érection de deux éparchies et par l’extension des frontières des deux déjà existantes.
Je décrète aussi que les nouvelles circonscriptions, comme pour celles qui existent déjà, sont confiées au soin pastoral de l’archevêque majeur de Ernakulam-Angamaly et au synode des évêques de l’Église syro-malabare, selon les normes du Code des Canons des Églises orientales.
8 J’espère que ma décision sera accueillie dans un esprit généreux et pacifique, bien que cela puisse être une source d’appréhension pour certains, puisque beaucoup de syro-malabars, privés d’un soin pastoral dans leur propre rite, sont à présent pleinement impliqués dans la vie de l’Église latine. Je suis toutefois convaincu que toutes les personnes impliquées comprendront qu’il n’y a pas de raison d’être préoccupé : la vie de l’Église ne devrait pas être troublée par une telle décision. Il ne faut pas, bien sûr, l’interpréter négativement comme si l’on imposait aux fidèles une exigence de quitter les communautés qui les ont accueillis, parfois pendant de nombreuses générations, et auxquelles ils ont contribué de bien des manières. Il faut plutôt le voir comme une invitation ainsi qu’une chance pour grandir dans la foi et la communion avec leur Église sui iuris afin de préserver le précieux héritage de leur rite et de le transmettre aux générations futures. Il existe déjà une instruction, adressée par la  Congrégation pour les Églises orientales à l’éparchie de Faridabad, qui indique qu’un membre parmi les fidèles syro-malabars, en vertu de la même loi, est aussi un membre de la paroisse syro-malabare où il ou elle est domicilié (Code des canons des Églises orientales, Can, 280 § 1) ; pourtant, en même temps, il ou elle peut rester pleinement impliqué dans la vie et les activités de la paroisse de l’Église latine. Aucune dispense n’est exigée par la loi actuellement en vigueur pour que les fidèles pratiquent sereinement leur foi, et ils peuvent le faire avec le soin pastoral des pasteurs latin ou syro-malabars (cf. Prot. No.197/2014, 28 janvier 2016).
9 Le chemin de l’Église catholique en Inde ne peut pas être un chemin d’isolement et de séparation, mais plutôt de respect et de coopération. La présence de plusieurs évêques dans les différentes Églises sui iuris sur le même territoire offrira surement le témoignage éloquent d’une vibrante et merveilleuse communion. C’est la vision du Concile Vatican II que je cite encore une fois : « De là, enfin, entre les diverses parties de l’Église, les liens de communion intime quant aux richesses spirituelles, quant au partage des ouvriers apostoliques et des ressources matérielles. Les membres du Peuple de Dieu sont appelés en effet à partager leurs biens et à chacune des Églises s’appliquent également les paroles de l’Apôtre : “Que chacun mette au service des autres le don qu’il a reçu, comme il sied à de bons dispensateurs de la grâce divine qui est si diverse” (1 P 4, 10) » (Lumen gentium, 13). C’est dans cet esprit que j’exhorte toutes les Églises bienaimées en Inde à être généreuses et courageuses lorsqu’elles témoignent de l’Évangile dans un esprit de fraternité et d’amour mutuel. Pour l’Église syro-malabare, cela poursuit le travail très estimé de leurs prêtres et religieux dans le contexte latin, et soutient leur disponibilité pour ces fidèles syro-malabars qui, tout en choisissant de participer à des paroisses latines, peuvent demander de l’aide à leur Église d’origine. L’Église de rite latin peut continuer à offrir généreusement l’hospitalité aux membres des communautés syro-malabares qui n’ont pas leurs propres bâtiments ecclésiaux. La coopération entre toutes les Églises sui iuris doit continuer, en particulier dans le domaine des retraites et des séminaires pour le clergé, les conférences sur la Bible, les célébrations de jours de fête communs et les entreprises œcuméniques. Au fur et à mesure que grandit l’amitié spirituelle et l’aide mutuelle, toute tension ou appréhension devrait être rapidement surmontée. Puisse cette extension de la zone pastorale de l’Église syro-malabare n’être nullement perçue comme une un accroissement de pouvoir et de domination, mais comme un appel à une communion plus profonde qui ne devrait jamais être perçue comme une uniformité. Avec les mots de saint Augustin, qui chantait les louanges de la Trinité et de la merveilleuse communion du Père, du Fils et de l’Esprit-Saint, je vous demande : « dilatentur spatia caritatis » (Sermon 69, PL 5, 440.441). Puissiez-vous grandir dans l’amour, la communion et le service.
Chers frères évêques, je vous confie tous à l’intercession de la Bienheureuse Vierge Marie et je vous assure de ma proximité dans la prière. À vous tous, à l’Église et aux fidèles en Inde, je donne ma bénédiction apostolique et je vous demande de prier pour moi.
© Traduction de Zenit, Hélène Ginabat

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Hélène Ginabat

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