Barbiana, tombe de don Milani © L'Osservatore Romano

Barbiana, tombe de don Milani 20/06/2017 © L'Osservatore Romano

Le pape François cite Alice Weiss, la maman juive de don Milani

«Le mystère le plus profond de mon fils»

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« Mon fils était à la recherche de l’absolu » : en rendant hommage à don Lorenzo Milani, le pape François a placé son discours en quelque sorte sous le signe d’une double maternité, celle de la mère du prêtre italien, Alice Weiss, juive, et celle de l’Eglise qu’il n’a pas cessé d’aimer bien qu’il en ait souffert, dit Alice Weiss, mais qui lui a donné « le sacerdoce ».
Le pape François a rendu hommage, ce mardi 20 juin 2017,  à don Lorenzo Milani (1923-1967), à Barbiana, dans la région de Florence, à l’occasion du 50e anniversaire de la mort de celui-ci,  à 44 ans, de leucémie. Le pape a plusieurs fois cité la maman de don Milani, elle qui l’a toujours soutenu dans ses difficultés, venait lui rendre visite, voir les enfants de l’école, et pressentait le « mystère » du sacerdoce de son fils.
Don Milani est connu pour son œuvre pour l’éducation des plus démunis : il a fondé et animé, dans les années 1950-1960 «l’école de Barbiana», à la pédagogie novatrice : elle associait les élèves au projet d’éducation. C’est aussi ce que le pape a recommandé hier soir, 19 juin, à son diocèse de Rome pour l’éducation des adolescents.
ATD-Quart monde reconnaît en lui un prêtre qui « consacra sa vie aux populations les plus pauvres d’Italie et aux apprentissages de leurs enfants » et « fut un précurseur, moins connu que d’autres, du combat pour le droit de tous au savoir, à l’éducation, à la culture et à la vie sociale ».
La recherche de l’absolu
Après s’être rendu au cimetière, le pape, accompagné de l’archevêque de Florence, le cardinal Giuseppe Betori, a rencontré d’anciens élèves de don Milani et des prêtres qui ont été ses disciples.
Le pape a souligné la façon de “vivre l’absolu” typique de don Milani, en citant les paroles d’Alice Weiss: « Mon fils était à la recherche de l’absolu. Il l’a trouvé dans la religion et dans la vocation sacerdotale ».
« Sans cette soif d’absolu, on peut devenir de bons fonctionnaires du sacré, mais on ne peut pas être prêtre, de vrais prêtres, capables de devenir des serviteurs du Christ dans leurs frères »,  a commenté le pape avant d’ajouter : « Chers prêtres, avec la grâce de Dieu, cherchons à être des hommes de foi, mais d’une foi franche, pas à l’eau, des hommes de charité, de charité pastorale envers tous ceux que le Seigneur nous confie comme frères et comme fils. »
Puis il a ajouté l’amour de l’Eglise : « Don Lorenzo nous enseigne aussi à aimer l’Eglise, comme il l’a aimée, avec la franchise et la vérité qui peuvent aussi créer des tensions, mais jamais des fractures, des abandons. Aimons l’Eglise, chers confrères, et faisons-la aimer en la montrant comme une mère soucieuse de tous, surtout des plus pauvres et des plus fragiles, dans la vie sociale, personnelle, religieuse. L’Eglise que don Milani a montrée au monde a ce visage maternel et prévenant, prêt à donner à tous la possibilité de rencontrer Dieu, et donc pour donner une consistance à la personne dans toute sa dignité. »
Servir l’Evangile, les pauvres et l’Eglise
Le pape a fait observer que don Milani a reçu finalement la reconnaissance du cardinal Silvano Piovanelli, et des archevêques de Florences de différentes façons et il a ajouté sa propre reconnaissance que la vie de don Milani a montré de façon « exemplaire » comment « servir l’Evangile, les pauvres et l’Eglise elle-même ».
Là encore, le pape cite la mère de don Milani: « Je suis avant tout soucieuse que l’on reconnaisse le prêtre, que l’on sache la vérité, qu’on lui rende honneur… Cette Eglise qui l’a tant fait souffrir mais qui lui a donné le sacerdoce, et la force de cette foi qui reste, pour moi, le mystère le plus profond de mon fils… Tant que l’on ne comprendra pas réellement le prêtre qu’a été don Lorenzo, on aura du mal à comprendre de lui aussi tout le reste. Par exemple, son équilibre profond entre dureté et charité. » (Nazareno Fabbretti, “Rencontre avec la mère du curé de Barbiana, trois ans après sa mort ”, Il Resto del Carlino, Bologna, 8 juillet 1970).
« Je suis venu à Barbiana pour rendre hommage à un prêtre qui a témoigné que c’est  dans le don de soi au Christ que l’on rencontre nos frères dans leurs besoins, et qu’on les sert, soit en défendant soit en promouvant leur dignité de personne, avec le même don de soi que Jésus nous a montré, jusqu’à la croix », a indiqué d’emblée le pape.
Ouvrir au divin
A ses disciples, le pape a fait remarquer qu’ils étaient des « témoins » de la façon dont ce prêtre italien « a vécu sa mission, là où l’Eglise l’a appelé, en pleine fidélité à l’Evangile », « vous êtes témoins de sa passion de l’éducation », pour « réveiller dans l’humain dans les personnes de façon  les ouvrir au divin ».
Le pape a remercié les éducateurs qui se mettent «au service de la croissance des nouvelles générations, en particulier de ceux qu i se trouvent dans des situations difficiles », car c’est « une mission d’amour ». Surtout, souligne le pape pour faire grandir « une conscience libre capable de se confronter à la réalité, de s’y orienter  guidé par l’amour, par l’envie de s’engager avec les autres, de prendre ne charge leurs fatigues et leurs blessures, de fuir tout égoïsme pour servir le bien commun ». C’est, dit le pape, un appel à la « responsabilité » pour « vivre la liberté de conscience de façon authentique, comme recherche du vrai, du beau et du bien, prêts à en payer le prix ».
«Comme un diamant»
Aux prêtres, que le pape quittera en disant : « Il n’y a pas de retraite pour un prêtre », le pape a reconnu parmi eux des prêtres âgés qui ont « partagé avec don Lorenzo Milani les années de séminaire ou le ministère dans les environs » et des prêtres jeunes, la relève du diocèse de Florence : « La dimension sacerdotale de don Lorenzo Milani est à la racine de tout ce que j’ai jusqu’ici évoqué de lui. Tout naît de son être de prêtre. Mais son être de prêtre a une racine plus profonde: sa foi. Une foi totalisante, qui devient un don de soi total au Seigneur. »
Le pape cite le directeur spirituel de don Milani, don Raffaele Bensi: « Pour sauver son âme il est venu à moi. Depuis ce jour d’août jusqu’à l’automne, il a littéralement englouti l’Evangile du Christ. Ce garçon est parti immédiatement pour l’absolu, sans demi-mesure. Il voulait se sauver et sauver, à tout prix. Transparent et dur comme le diamant, il devait immédiatement se blesser et blesser » (Nazzareno Fabbretti, “Interview de don Raffaele Bensi”, Domenica del Corriere, 27 juin 1971).
« Le prêtre « transparent et dur comme un diamant » continue de transmettre la lumière de Dieu sur le chemin de l’Eglise” a conclu le pape.
Au cimetière de Barbiana, le pape François a laissé un mot: « Je remercie le Seigneur de nous avoir donné des prêtres comme don Milani. »

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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