« Les femmes peuvent s’insérer à part entière dans les échanges au niveau de l’expérience religieuse, ainsi qu’au niveau théologique », a affirmé le pape François à propos du dialogue interreligieux. Pour lui, les femmes sont « bien préparées » et peuvent intervenir « aux niveaux les plus élevés ».
Le pape François a reçu les participants à l’assemblée plénière du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, ce vendredi 9 juin 2017, dans la Salle du Consistoire du Vatican. Il a souligné combien le thème de cette assemblée sur « le rôle de la femme dans l’éducation à la fraternité universelle » était « de première importance pour le chemin de l’humanité vers la fraternité et la paix ».
Le pape en a relevé trois aspects. À propos du premier, « valoriser le rôle de la femme », le pape a estimé que « les femmes ont le plein droit de s’insérer activement dans tous les domaines » et que « leur droit doit être affirmé et protégé y compris à travers des instruments légaux lorsqu’ils se révèlent nécessaires ». Développant le second, « éduquer à la fraternité », il a rappelé combien les femmes sont souvent proches de ceux qui souffrent et que cette éducation, « par nature inclusive et génératrice de liens » pouvait « surmonter la culture du rejet ».
Le troisième aspect est celui du dialogue, « un chemin que la femme et l’homme doivent effectuer ensemble ». « Aujourd’hui plus que jamais il est nécessaire que les femmes soient présentes », a conclu le pape.
Voici notre traduction intégrale du discours du pape François.
CR
Discours du pape François
Messieurs les Cardinaux, chers frères évêques, frères et sœurs,
Je vous accueille avec joie et je remercie le cardinal Jean-Louis Tauran pour les salutations qu’il m’a adressées en votre nom. Nous nous rencontrons à l’issue de votre assemblée plénière, pendant laquelle vous avez traité du « Rôle de la femme dans l’éducation à la fraternité universelle ». Vous avez certainement eu une confrontation très enrichissante sur ce thème qui est de première importance pour le chemin de l’humanité vers la fraternité et la paix, un chemin qui n’est pas du tout évident et linéaire, mais marqué par des difficultés et des obstacles.
Malheureusement nous voyons combien, aujourd’hui, la figure de la femme en tant qu’éducatrice à la fraternité universelle est ternie et souvent non reconnue, à cause de tant de maux qui affligent ce monde et qui, en particulier, frappent les femmes dans leur dignité et dans leur rôle. Les femmes, et même les enfants, sont en effet parmi les victimes les plus fréquentes d’une violence aveugle. Là où la haine et la violence prennent le dessus, elles lacèrent les familles et les sociétés, empêchant la femme de remplir, en communion d’intentions et d’action avec l’homme, sa mission d’éducatrice de manière sereine et efficace.
En réfléchissant sur le thème que vous avez abordé, je voudrais m’arrêter en particulier sur trois aspects : valoriser le rôle de la femme, éduquer à la fraternité et dialoguer.
- Valoriser le rôle de la femme.
Dans la société complexe d’aujourd’hui, caractérisée par la pluralité et la mondialisation, il faut une plus grande reconnaissance de la capacité de la femme à éduquer à la fraternité universelle. Quand les femmes ont la possibilité de transmettre en plénitude leurs dons à la communauté tout entière, la modalité même dont la société se comprend et s’organise en est positivement transformée, parvenant à mieux refléter l’unité substantielle de la famille humaine. C’est là la prémisse la plus valide pour consolider une authentique fraternité. C’est donc un processus bénéfique que la présence croissante des femmes dans la vie sociale, économique et politique au niveaux local, national et international ainsi qu’ecclésial. Les femmes ont le plein droit de s’insérer activement dans tous les domaines et leur droit doit être affirmé et protégé y compris à travers des instruments légaux lorsqu’ils se révèlent nécessaires.
Il s’agit d’élargir les espaces d’une présence féminine plus incisive. Il y a tant et tant de femmes qui, dans les tâches remplies au quotidien, avec dévouement et conscience, avec un courage parfois héroïque, ont mis à profit leur génie, leurs traits précieux dans les compétences les plus variées, spécifiques et qualifiées unies à l’expérience réelle d’être mères et formatrices.
- Éduquer à la fraternité.
Les femmes, en tant qu’éducatrices, ont une vocation particulière, capable de faire naître et grandir de nouvelles modalités d’accueil et d’estime réciproque. La figure féminine a toujours été au centre de l’éducation familiale, pas exclusivement en tant que mère. L’apport des femmes dans le domaine de l’éducation est inestimable. Et l’éducation comporte une richesse d’implications pour la femme elle-même, pour sa manière d’être, comme pour ses relations, pour sa manière de se situer par rapport à la vie humaine et à la vie en général.
En définitive, tous – hommes et femmes – sont appelés à concourir à l’éducation à la fraternité universelle qui est ensuite, en dernière analyse, éducation à la paix dans la complémentarité des différentes sensibilités et des rôles propres. Ainsi les femmes, liées intimement au mystère de la vie, peuvent faire beaucoup pour promouvoir l’esprit de fraternité, avec leur soin pour la préservation de la vie et avec leur conviction que l’amour est la seule force qui puisse rendre le monde habitable pour tous.
En effet, les femmes restent souvent les seules à accompagner les autres, surtout ceux qui sont plus faibles dans la famille et dans la société, les victimes de conflits et ceux qui doivent affronter les défis de chaque jour. Grâce à leur contribution, l’éducation à la fraternité – par nature inclusive et génératrice de liens – peut surmonter la culture du rejet.
- Dialoguer.
Il est évident combien l’éducation à la fraternité universelle, qui veut aussi dire apprendre à construire des liens d’amitié et de respect, est importante dans le domaine du dialogue interreligieux. Les femmes sont engagées, souvent plus que les hommes, au niveau du « dialogue de la vie » dans le domaine interreligieux et contribuent ainsi à une meilleure compréhension des défis caractéristiques d’une réalité multiculturelle. Mais les femmes peuvent s’insérer à part entière aussi dans les échanges au niveau de l’expérience religieuse, ainsi qu’au niveau théologique. De nombreuses femmes sont bien préparées pour aborder des rencontres de dialogue interreligieux aux niveaux les plus élevés et par seulement du côté catholique. Cela signifie que la contribution des femmes ne doit pas être limitées à des arguments « féminins » ou à des rencontres uniquement entre femmes. Le dialogue est un chemin que la femme et l’homme doivent effectuer ensemble. Aujourd’hui plus que jamais il est nécessaire que les femmes soient présentes.
La femme, possédant des caractéristiques particulières, peut offrir un important apport au dialogue par sa capacité d’écouter, d’accueillir et de s’ouvrir généreusement aux autres.
Je vous remercie tous, membres, consulteurs et collaborateurs du Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux, parce que vous rendez un service précieux. Je vous souhaite de continuer à tisser la délicate toile du dialogue avec tous les chercheurs de Dieu et les hommes de bonne volonté. J’invoque sur vous l’abondance des bénédictions du Seigneur et je vous demande, s’il vous plaît, de prier pour moi.
© Traduction de Zenit, Constance Roques