Champignon nucléaire, Etats-Unis © Wikimedia Commons

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Désarmement nucléaire: le Saint-Siège prône une "conception positive de la paix"

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Intervention de Mgr Urbanczyk (Traduction intégrale)

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« Les armes nucléaires fournissent un faux sentiment de sécurité, tout comme les efforts pour sécuriser une paix négative par un équilibre de pouvoirs », a averti le Saint-Siège au Comité préparatoire pour la conférence d’examen 2020 des parties du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, à Vienne, le 2 mai 2017. Il a prôné « une conception positive de la paix ».
Mgr Janusz S. Urbanczyk, chef de la délégation du Saint-Siège, a exhorté les autorités politiques « à ne pas se limiter à assurer la sécurité de leurs propres citoyens, mais aussi à travailler activement pour la croissance mondiale de la paix ». Paix qui doit être construite, a-t-il souligné, « sur la justice, sur le développement humain intégral, sur le respect des droits fondamentaux de l’homme, sur la protection de la création, sur la participation de tous à la vie publique, sur la confiance entre les peuples, sur le soutien des institutions consacrées à la construction de la paix et sur le dialogue et la solidarité ».
Mgr Urbanczyk a aussi exprimé la préoccupation du Saint-Siège pour « la situation dans la péninsule coréenne », soutenant « les efforts continus de la communauté internationale pour relancer les négociations sur la dénucléarisation et la paix ». Il a exhorté les participants à la rencontre à faire « des progrès concrets et consensuels vers la non-prolifération nucléaire et vers l’objectif ultime d’abolition de toutes les armes nucléaires ».
Voici notre traduction intégrale de l’intervention du représentant du Saint-Siège.
AK
Déclaration de Mgr Janusz S. Urbanczyk
Monsieur le Président,
Le Saint-Siège a le plaisir de participer à ce premier Comité préparatoire de la Conférence d’examen des Parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP). En outre, ma délégation vous félicite, Monsieur le Président, pour votre nomination et vous remercie pour votre bonne gestion de cette importante réunion.
Le Saint-Siège et le TNP
Lorsque le Saint-Siège a adhéré au TNP en 1971, il a déclaré l’avoir fait « inspiré par son désir constant, éclairé par l’enseignement de la fraternité universelle et de la justice et de la paix entre les hommes et les peuples contenus dans le message évangélique pour apporter sa contribution à des entreprises qui, par le désarmement et par d’autres moyens, favorisent la sécurité, la confiance mutuelle et la coopération pacifique dans les relations entre les peuples ». (1) La présence du Saint-Siège à ce Comité préparatoire cherche exactement la même chose : accorder son autorité morale aux efforts « en vue de travailler pour un monde exempt d’armes nucléaires, en pleine application du Traité de non-prolifération, selon la lettre et l’esprit, dans le but d’une interdiction complète de ces armes ». (2)
Le fondement du TNP était la reconnaissance par les États parties du fait que « la dévastation qu’une guerre nucléaire répandrait sur toute l’humanité » serait si grande que « tous les efforts pour éviter le danger d’une telle guerre » et « les mesures pour sauvegarder la sécurité des peuples » étaient nécessaires sans délai. Le Saint-Siège ne peut que déplorer le fait que la dévastation potentielle causée par l’utilisation d’armes nucléaires, si clairement identifiée il y a plus de 40 ans, n’ait pas été reléguée à l’histoire. En d’autres termes, les efforts de la communauté internationale pour utiliser le TNP afin de rendre le monde plus sûr n’ont pas été suffisants.
Le Saint-Siège aimerait donc exhorter les États parties à profiter de l’occasion qui nous est offerte par la 10ème Conférence d’examen du TNP et ses réunions du Comité préparatoire et à faire des progrès concrets et consensuels vers la non-prolifération nucléaire et vers l’objectif ultime d’abolition de toutes les armes nucléaires. Bien que le consensus soit rarement sans défis, cette ville de Vienne a montré maintes et maintes fois que le dialogue sérieux, la volonté de compromis et toute la gamme de la boîte à outils diplomatique peuvent également atteindre ce qui est qualifié d’impossible. Tous les États parties peuvent être assurés que le Saint-Siège est prêt à s’engager de manière constructive dans ce processus.
La recherche de la paix
Monsieur le Président,
Le pape François, suivant les traces de ses vénérables prédécesseurs, a demandé à plusieurs reprises à la communauté internationale, non seulement de rechercher la fin de la guerre, des conflits et les disputes, mais aussi d’embrasser avec force et de faire progresser la paix. La valeur de la paix doit être reconnue comme une « vertu active », appelant à l’engagement et à la coopération de chaque individu et de la société dans son ensemble. Comme l’a écrit le pape dans son dernier message pour la Journée mondiale de la paix, une « éthique de la fraternité et de la coexistence pacifique entre les individus et parmi les peuples ne peut être fondée sur la logique de la peur, de la violence et de l’esprit fermé, mais [doit se fonder] sur la responsabilité, le respect et un dialogue sincère ». Il a accompagné ces mots de l’appel suivant : « Je plaide pour le désarmement et pour l’interdiction et l’abolition des armes nucléaires : la dissuasion nucléaire et la menace d’une destruction mutuelle assurée ne sont pas capables de fonder une telle éthique ». (3)
Les armes nucléaires fournissent un faux sentiment de sécurité, tout comme les efforts pour sécuriser une paix négative par un équilibre de pouvoirs. Les nations ont le droit et l’obligation de protéger leur propre sécurité, qui est fortement liée à la promotion de la sécurité collective, au bien commun et à la paix. Dans cette perspective, une conception positive de la paix est nécessaire. La paix doit être construite sur la justice, sur le développement humain intégral, sur le respect des droits fondamentaux de l’homme, sur la protection de la création, sur la participation de tous à la vie publique, sur la confiance entre les peuples, sur le soutien des institutions consacrées à la construction de la paix et sur le dialogue et la solidarité. (4) En fin de compte, la paix doit se fonder sur les valeurs humaines présentes dans tous les individus, peuples, cultures, religions et philosophies.
Le Saint-Siège et le désarmement nucléaire
À cet égard, le Saint-Siège a également soutenu les négociations tenues en mars, qui se poursuivront en juin / juillet, sur un instrument juridiquement contraignant pour interdire les armes nucléaires. Dans sa lettre à Son Excellence Elayne Whyte Gómez, Présidente de la Conférence des Nations Unies sur une interdiction nucléaire, le Pape François a exhorté la communauté internationale à « aller au-delà de la dissuasion nucléaire … [et] à adopter des stratégies prospectives pour promouvoir l’objectif de paix et de stabilité ainsi qu’à éviter les approches à courte vue des problèmes entourant la sécurité nationale et internationale ». (5) L’interdépendance croissante nécessite une réponse collective fondée sur la confiance mutuelle, une confiance construite par le dialogue dirigé vers le bien commun, et non la protection d’intérêts étroits. Un tel dialogue, dans la mesure du possible, devrait inclure à la fois des États nucléaires et non nucléaires travaillant ensemble dans des organismes internationaux tels que celui-ci, mais il devrait également inclure le secteur privé, les communautés religieuses et la société civile. (6)
Tout en n’ayant aucune illusion sur les défis liés à la réalisation d’un monde exempt d’armes nucléaires, le Saint-Siège exhorte toutes les parties à progresser par rapport aux nombreux instruments et processus internationaux : non seulement le TNP, mais aussi le CTBT, le NEW START, le FMCT, ainsi que des initiatives unilatérales et d’autres mesures. Mais ces étapes sont en elles-mêmes limitées, en particulier à la lumière des tensions croissantes, de la prolifération continue et des grands programmes de modernisation de certaines puissances nucléaires. Il est donc essentiel que les États parties dotés d’armes nucléaires renouvellent les processus de maîtrise des armements et de désarmement, conformément à l’article VI du TNP. À cet égard, un signe très important serait de faire des efforts réels pour faciliter l’entrée en vigueur du TPCE, que le Saint-Siège considère comme le meilleur espoir pour endiguer la prolifération nucléaire et qui pourrait être une clé de progrès sur le désarmement nucléaire.
Le Saint-Siège considère avec préoccupation la situation dans la péninsule coréenne et soutient les efforts continus de la communauté internationale pour relancer les négociations sur la dénucléarisation et la paix.
En conclusion, le Saint-Siège réitère sa gratitude pour les efforts déjà entrepris par les Parties au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires dans le maintien de la paix et l’avancement de la sécurité multilatérale et coopérative. En outre, il prend la parole en exhortant les autorités politiques à ne pas se limiter à assurer la sécurité de leurs propres citoyens, mais aussi à travailler activement pour la croissance mondiale de la paix, (7) dont l’humanité a grandement besoin aujourd’hui.
Merci, Monsieur le Président.
Traduction de Constance Roques
1 Déclaration du Saint-Siège annexé à l’instrument d’accession au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, 25 février 1971.
2 Pape François, Discours à l’Assemblée générale des Nations Unies, 25 septembre 2015.
3 Pape Françis, Message pour la célébration de la 50ème Journée mondiale pour la paix, 1er janvier 2017, n.5.
4 Cf. Lettre du pape François à Son Excellence Elayne Whyte Gomez, présidente de la Conférence des Nations Unies pour négocier un instrument légalement contraignant afin d’interdire les armes nucléaires, conduisant à leur élimination totale, 23 mars 2017.
5 Ibid.
6 Cf. Ibid.
7 Cf. Pape François, Discours au Corps diplomatique, 9 janvier 2017.

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Constance Roques

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