Enfants d'Alep, Syrie © Twitter Cor Unum

Enfants d'Alep, Syrie © Twitter Cor Unum

Trafic de personnes: le Saint-Siège plaide la cause des enfants migrants

Print Friendly, PDF & Email

Intervention de Mgr Urbanczyk (Traduction intégrale)

Share this Entry
Print Friendly, PDF & Email

Comment est-il possible que, dans notre siècle « avancé », les personnes sans scrupules puissent profaner la vie d’un enfant ?, s’est insurgé Mgr Janusz Urbanczyk, représentant permanent du Saint-Siège à la 17ème conférence de l’Alliance contre la traite des personnes intitulée « La traite des êtres humains et les intérêts supérieurs de l’enfant », à Vienne (Autriche), le 3 avril 2017.
Intervenant sur le thème de la traite humaine comme « menace pour les enfants en crise », Mgr Urbanczyk a souligné que « les migrants ne sont pas un danger, ils sont en danger ». Et de mettre en garde : « Le Saint-Siège craint que les migrants ne deviennent un instrument de politique plutôt que l’objet de notre aide sincère et concertée ».
Déplorant le nombre de mineurs non accompagnés et sans protection juridique parmi les migrants, il a appelé à créer « des hébergements d’accueil protégés » lorsque les enfants « courent le risque d’être exploités et victimes de la traite ».
Mgr Janusz Urbanczyk a aussi recommandé de donner la priorité à « la lutte contre la corruption ». En effet « le trafic organisé a souvent des liens profonds avec la corruption, y compris la collusion de fonctionnaires locaux avec des gangs criminels ».
AK
Déclaration de Mgr Urbanczyk
Madame la Présidente, la délégation du Saint-Siège souhaite exprimer sa gratitude à la présidence autrichienne et à S.E. l’Ambassadrice Madina Jarbussynova, représentante spéciale et coordinatrice de la lutte contre la traite des êtres humains, pour avoir convoqué cette conférence sur « la traite des êtres humains et les intérêts supérieurs de l’enfant ». Et comme les orateurs précédents, j’aimerais remercier les intervenants pour leurs contributions substantielles. Au début, le Saint-Siège souhaite redire encore une fois que la crise actuelle du flux de migrants et de réfugiés est principalement, selon le pape François, une crise de l’humanité. En tant que telle, il est vital que tous les acteurs reconnaissent que, avant tout, « les migrants ne sont pas un danger, ils sont en danger ».
Tout en reconnaissant que cet afflux sans précédent de migrants et de réfugiés présente effectivement des défis importants, en termes de sécurité, tant entre les États que dans les États, et en termes l’intégration dans les sociétés d’accueil, le Saint-Siège craint que les migrants ne deviennent un instrument de politique plutôt que l’objet de notre aide sincère et concertée. En outre, il convient de souligner que la persistance dans le monde entier des causes profondes de la crise migratoire actuelle, qui sont des « facteurs d’incitation » significatifs pour l’augmentation de la migration, oblige inévitablement de plus en plus d’enfants à migrer et beaucoup d’entre eux à devenir des victimes.
Il est très regrettable qu’il y ait encore tant de mineurs non accompagnés parmi les migrants qui n’ont pas de protection juridique dans les pays de transit de l’OSCE et qui, paradoxalement, trouvent dans les trafiquants le moyen apparent d’une vie meilleure et plus sûre. Le pape François a consacré son message pour la Journée mondiale des migrants et des réfugiés de 2017 aux enfants migrants, car – comme il l’a dit – ils sont sans défense de trois façons : ce sont des enfants, ils sont étrangers et ils n’ont aucun moyen de se protéger.
À cet égard, j’aimerais profiter de cette occasion pour réaffirmer deux concepts fondamentaux que nous devrions toujours garder à l’esprit, en tenant compte de ce que le titre de cette Conférence nous suggère, à savoir « l’intérêt supérieur de l’enfant ». Tout d’abord, nous devons respecter pleinement le droit de chaque enfant à vivre dans sa famille. Comme le Saint-Père le souligne toujours, nous devons examiner les causes profondes chaque fois que nous avons à faire à un enfant maltraité, victime de la traite ou harcelé ; nous devrions examiner les conditions de la famille d’origine et nous demander comment il est possible que, dans notre siècle « avancé », les personnes sans scrupules puissent profaner la vie d’un enfant, exploiter les jeunes filles et garçons qui sont entrainés dans la prostitution ou dans la boue de la pornographie.
Nous assistons à la réalité de jeunes filles et garçons qui sont asservis en tant qu’enfants travailleurs ou soldats, pris dans le trafic de drogue ou d’organes, adoptés illégalement ou contraints de se marier ou de fuir des conflits et des persécutions, risquant d’être isolés et abandonnés. S’attaquer à cette situation signifie que « des solutions à long terme [doivent] être recherchées et adoptées. Comme il s’agit d’un phénomène complexe, la question des enfants migrants doit être abordée à sa source. Les guerres, les violations des droits de l’homme, la corruption, la pauvreté, les déséquilibres environnementaux et les catastrophes sont autant de causes de ce problème » (1), ce qui met souvent les parents dans une situation telle qu’ils ne peuvent pas garantir la sécurité de leurs enfants.
Sont strictement liés le droit et le devoir de recevoir une éducation adéquate, principalement dans la famille, ainsi qu’à l’école. Pourtant, nous savons bien qu’il y a trop de zones dans le monde où l’éducation de base est encore un privilège d’un petit nombre et non un droit reconnu / universel. Ce n’est que grâce à une formation adéquate de l’ensemble de la personne, et pas seulement de l’intellect, que les enfants « grandissent en tant que personnes et agents de leur propre avenir et de l’avenir de leurs pays respectifs » (2). Lorsque les enfants courent le risque d’être exploités et victimes de la traite, des hébergements d’accueil protégés devraient être créés. Ces refuges devraient reproduire un environnement familial pour assurer l’éducation, la formation et la protection.
Deuxièmement, bien que nous soyons tous déterminés à protéger la dignité humaine, la réalité froide du gain financier demeure « la force la plus puissante qui anime l’exploitation et les abus des enfants ». Si des actions plus rigoureuses et efficaces ne sont pas prises contre ceux qui profitent de tels abus, nous ne serons pas en mesure d’arrêter les multiples formes d’esclavage dont les enfants sont les victimes. « Il est profondément choquant que l’esclavage des êtres humains et surtout des enfants, soit devenu pour les trafiquants une entreprise très « rentable » qui, dans certaines régions du monde, y compris en Europe, produit plus de bénéfices financiers que les armes ou le trafic de drogue.
Nous devons également garder à l’esprit que le trafic organisé a souvent des liens profonds avec la corruption, y compris la collusion de fonctionnaires locaux avec des gangs criminels. Pour cette raison, la lutte contre la corruption doit être une priorité pour les pays touchés par le phénomène (3). Ainsi, il incombe à la communauté internationale, y compris notre Organisation (naturellement en coopération avec les pays d’origine), d’utiliser tous les moyens à sa disposition pour éliminer les causes profondes de telles situations, à savoir la pauvreté, la corruption, les conflits et la violence qui obligent les gens à fuir et à être la proie de ce que le pape François a souvent dénoncé comme de « véritables crimes contre l’humanité ».
Comme notre délégation l’a déclaré précédemment, « ces crimes doivent être reconnus comme tels par tous les dirigeants religieux, politiques et sociaux et par la législation nationale et internationale » (4). Cela nécessite une « perspective de long terme capable d’offrir des programmes adéquats pour les zones touchées par la pire injustice et instabilité, afin que l’accès à un développement authentique puisse être garanti pour tous. Ce développement devrait promouvoir le bien – [les intérêts supérieurs] – des garçons et des filles, qui sont l’espoir de l’humanité » (5). Merci, Madame la Présidente.
1 Message du pape François pour la Journée mondiale de migrants et des réfugiés 2017: « Les enfants migrants, les personnes vulnérables et les sans-voix ».
2 Ibid.
3 Le lien entre la traite des personnes et la corruption est fortement suggéré par l’Organisation pour la coopération économique et le développement(OCED) dans son Rapport 2016 sur la traite des personnes et la corruption. Le Rapport mondial 2016 de l’ONUDC sur la traite des personnes y fait référence.
4 Déclaration du pape François au « Sommet des juges sur la traite humaine et le crime organisé », 3-4 Juin 2016.
5 Message du pape François pour la Journée mondiale de migrants et des réfugiés 2017: « Les enfants migrants, les personnes vulnérables et les sans-voix ».
© Traduction de Zenit, Constance Roques

Share this Entry

Constance Roques

FAIRE UN DON

Si cet article vous a plu, vous pouvez soutenir ZENIT grâce à un don ponctuel