Mgr Paul Richard Gallagher, wikipedia

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«Le Saint-Siège et la défense du droit à la liberté religieuse de Pie XI à François», par Mgr Gallagher (2/2)

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Traduction de la leçon inaugurale donnée à Milan (fin)

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« Le Saint-Siège et la défense du droit à la liberté religieuse de Pie XI à François »: c’est le thème de la leçon inaugurale donnée par le Secrétaire pour les Relations avec les États, Mgr Paul Richard Gallagher, à l’occasion du congrès organisé jeudi 30 mars 2017 à l’Université catholique du Sacré-Cœur de Milan sur : « De la Cristiada aux défis de l’actualité. Le chemin de la liberté religieuse ».
Cette journée d’étude, préparée par le département d’histoire de l’économie, de la société et de sciences du territoire « Mario Romani » de l’Athénée et l’Universidad Panamericana, coïncide avec le quatre-vingtième anniversaire de la publication de l’encyclique de Pie XI Firmissimam constantiam, sur la situation de l’Église au Mexique.
Dans la deuxième partie de son intervention, Mgr Gallagher souligne que la liberté religieuse devient « un des axes porteurs de la diplomatie du Saint-Siège » sous le pontificat de Jean-Paul II. Le droit à la liberté religieuse, cette « condition incontournable pour que l’Église puisse accomplir sa mission au bénéfice » envers l’humanité, n’est jamais comprise par Jean-Paul II « de manière isolée » : il s’agit à la fois de « liberté de pensée, de conscience, de religion, d’expression, et de pluralisme politique et culturel ».
« Le Magistère suivant de Benoît XVI a insisté encore sur une vision des droits en termes universels », poursuit Mgr Gallagher : « Ce droit se présente comme « le papier tournesol pour vérifier le respect de tous les autres », se situant dans le cadre du droit/devoir de chacun à rechercher la vérité ».
Pour le pape François,  rappelle Mgr Gallagher,  la liberté religieuse « est un droit fondamental qui façonne la manière dont nous interagissons socialement et personnellement avec nos proches, dont les visions religieuses sont différentes de la nôtre ».
Le Saint-Siège, affirme le Secrétaire pour les Relations avec les États,  poursuit « ses efforts » afin que les États et les Organisations internationales puissent tenir compte de la liberté religieuse « comme d’un paramètre essentiel pour évaluer le niveau de liberté de la société et comme critère pour vérifier l’état de santé de la démocratie ».
Voici notre traduction intégrale du deuxième volet de l’intervention de Mgr Gallagher. Nous avons publié le premier volet samedi dernier, 1er avril 2017.
MD
Leçon inaugurale de Mgr Gallagher, deuxième partie :
4.Ce sera précisément le pontificat de Jean-Paul II qui développera et promouvra cette liberté, surtout en termes anti-totalitaires, afin de garantir la pleine liberté aux Églises locales. Le droit à la liberté religieuse deviendra un des axes porteurs de la diplomatie du Saint-Siège qui, après 1989, soulignera avec autant de force le droit au respect absolu de la vie humaine, de sorte qu’il vienne soutenir l’édifice entier des droits humains. Dans la vision de saint Jean-Paul II, la liberté religieuse est la condition incontournable pour que l’Église puisse accomplir sa mission au bénéfice de l’humanité entière. Pour cela, le rappel à la liberté religieuse reste une constante dans le discours international du Saint-Siège, surtout là où elle n’est pas garantie ou là où elle est moins protégée.
À Cuba, par exemple, en janvier 1998, le pape le rappelle dès son arrivée à l’aéroport de La Havane : « Aujourd’hui, comme toujours, l’Église à Cuba désire pouvoir disposer de la place nécessaire pour continuer à servir tout le monde en conformité avec la mission et les enseignements de Jésus-Christ. Quelques jours plus tard, sur la Place José Marti, il définit la liberté de conscience « base et fondement des autres droits humains ». Est intéressant, à cet égard, le commentaire de celui qui était alors archevêque de Buenos Aires, Jorge Mario Bergoglio qui, reparcourant les moments saillants de la visite du pape Wojtyla à Cuba, affirme que : « L’Église est souveraine (catholique, universelle) et sa mission transcende les limites physiques des nations ; c’est pourquoi, il est de son devoir de chercher un espace de liberté pour enseigner, prêcher et adorer. En même temps, il est nécessaire que, dans les rapports Église-État, il existe une harmonie totale et cordiale, puisque l’homme développe sa vie dans l’environnement ecclésial comme dans l’environnement civil. Ignorer l’un des deux comporterait une opposition absurde. Il ne faut pas oublier que le message évangélique n’est pas circonscrit uniquement à la sphère du culte et de la pratique religieuse, mais qu’il vise à éclairer tout l’homme, toutes les actions humaines et chacune d’elles. L’Église fait des efforts constants pour comprendre la réalité de l’homme et y participer sous une forme toujours plus active ».
Le droit à la liberté religieuse n’est jamais compris de manière isolée, tant il est vrai que Jean-Paul II, s’adressant au Corps diplomatique accrédité auprès du Saint-Siège, parle à la fois de « liberté de pensée, de conscience, de religion, d’expression, et de pluralisme politique et culturel ».
5.Le Magistère suivant de Benoît XVI a insisté encore sur une vision des droits en termes universels, contre toute forme de réductionnisme au contexte culturel et temporel. Parmi les droits humains, le pape inclut avant tout le droit à la liberté religieuse, qui « permet aux hommes et aux femmes de parcourir leur chemin de foi et leur recherche de Dieu en ce monde ». La liberté religieuse est ainsi entendue comme « le premier des droits humains, parce qu’il exprime la réalité la plus fondamentale de la personne ». Ce droit se présente comme « le papier tournesol pour vérifier le respect de tous les autres », se situant dans le cadre du droit/devoir de chacun à rechercher la vérité, sans être contraint à agir contre sa conscience. En même temps, « la nature sociale de l’être humain exige qu’il exprime de manière externe les actes internes de religion, qu’il communique avec d’autres en matière de religion et qu’il professe sa religion de manière communautaire ». On comprend bien donc la valeur aussi sociale de la liberté religieuse qui ne peut néanmoins pas être limitée à la simple liberté de culte.
En effet, « il serait réducteur, ajoute Benoît XVI, de considérer que le droit à la liberté religieuse est suffisamment garanti quand on ne fait pas violence ou qu’on n’intervient pas sur les convictions personnelles ou quand on se limite à respecter la manifestation de la foi qui a lieu dans le contexte du lieu de culte ». Par conséquent, un respect adéquat du droit à la liberté religieuse implique l’engagement de la part de toutes les autorités civiles à « créer des conditions propices au développement de la vie religieuse, de sorte que les citoyens soient réellement en mesure d’exercer leurs droits attenant à la religion et d’accomplir leurs devoirs respectifs et que la société jouisse des biens de justice et de paix qui proviennent de la fidélité des hommes envers Dieu et à l’égard de sa sainte volonté ».
Voilà pourquoi, dans le contexte varié des dernières années, l’action diplomatique du Saint-Siège s’est particulièrement engagée dans la défense de la liberté religieuse, que ce soit dans le cadre bilatéral ou dans celui des organismes internationaux, avec une attention particulière à la réalité complexe de la Terre Sainte et de tout le Moyen-Orient. Concrètement, cela signifie surtout l’engagement en faveur de l’exercice de la liberté religieuse des croyants. En effet, « trop souvent, pour divers motifs, ce droit est encore limité ou bafoué » et « dans un certain nombre de pays, les chrétiens sont privés des droits fondamentaux et mis en marge de la vie publique, [tandis que] dans d’autres ils subissent des attaques violentes contre leurs églises et leurs habitations. Parfois, ils sont contraints d’abandonner des pays qu’ils ont contribué à édifier, à cause des tensions continuelles et de politiques qui ont souvent tendance à en faire des spectateurs de second ordre de la vie nationale ».
À cet égard, je considère utile de citer la valeur positive de l’Accord global stipulé entre le Saint-Siège et l’État de Palestine le 26 juin 2015, qui prévoit la nécessaire protection de toutes les minorités religieuses. Par ailleurs, là où est en vigueur un principe tendanciel de respect et de tolérance, il faut favoriser le respect de toutes les convictions religieuses et de leurs formes d’exercice, tout comme des symboles identitaires qui qualifient les religions. On ne peut non plus oublier que la voix des pontifes s’est élevée aussi contre ces formes déformées de religion, comme le sectarisme et le fondamentalisme, qui sont tout autant préjudiciables à la liberté religieuse et que le pape Benoît a définies comme des « manifestations contemporaines de l’oubli de Dieu (…) [fondées sur] une falsification de la religion même ».
6.Plus récemment, le pape François a rappelé que la liberté religieuse « est un droit fondamental qui façonne la manière dont nous interagissons socialement et personnellement avec nos proches, dont les visions religieuses sont différentes de la nôtre ».
On comprend ainsi la grande considération en laquelle le Saint-Siège tient la liberté religieuse, et ses efforts continuels afin que les États et les Organisations internationales puissent en tenir compte comme d’un paramètre essentiel pour évaluer le niveau de liberté de la société et comme critère pour vérifier l’état de santé de la démocratie. C’est pourquoi toute forme de restriction de la liberté religieuse mine l’harmonie de la cohabitation sociale, facilitant la voie du fondamentalisme religieux et de la radicalisation.
Dans cette dernière période, à l’échelle mondiale, sans exception pour le continent européen, on est témoin de la façon dont le respect de la liberté religieuse est souvent compromis, avec une détérioration préoccupante des conditions de cette liberté fondamentale qui, dans différents cas, a atteint le degré d’une persécution ouverte où les chrétiens sont de plus en plus souvent les premières victimes, bien qu’ils ne soient pas les seuls. Des facteurs déterminants de ces situations alarmantes sont certainement liés à l’existence d’États autoritaires et non démocratiques. À ceci s’ajoute la constatation que, même dans de nombreux pays d’ancienne tradition démocratique, la dimension religieuse tend à être vue avec un certain soupçon, soit à cause des problématiques inhérentes au contexte multiculturel soit en raison de l’affirmation idéologique d’une vision séculariste, selon laquelle les religions représenteraient une forme de « sous-culture » porteuse d’un passé à surmonter.
À notre époque, il me semble pertinent de rappeler que, comme nous l’avons souligné il y a peu de temps, c’est un mérite historique et difficilement acquis du christianisme que d’avoir contribué à créer, dans la séparation entre ce qui est à César et ce qui est à Dieu, la possibilité de développement d’un État laïc, entendu non comme un État totalement en marge de la religion, ou pire encore comme un État agnostique, mais comme un État qui, conscient de la valeur de la référence religieuse pour ses citoyens, garantit à chacun le droit de vivre selon sa conscience la dimension religieuse. Ceci doit se produire sur le plan individuel et sur le plan communautaire, tout en ayant un égal respect pour ceux qui ne se reconnaissent dans aucune référence transcendante.
En effet, comme l’a révélé le Saint-Père François, en accueillant au Vatican les chefs d’État et de Gouvernement de l’Union européenne, à l’occasion du 60ème anniversaire des Traités de Rome : « Dans notre monde multiculturel, de telles valeurs continueront de trouver pleine citoyenneté si elles savent maintenir leur lien vital avec la racine qui les a générés. Dans la fécondité de ce lien se trouve la possibilité d’édifier des sociétés authentiquement laïques, dépourvues d’oppositions idéologiques, dans lesquelles trouvent également place l’immigré et l’autochtone, le croyant et le non croyant ».
Malheureusement, même en Europe, on observe une croissance inquiétante de formes d’intolérance et d’épisodes de discrimination à l’égard des chrétiens. À titre informatif, uniquement pour les deux années 2014-2015, l’Observatoire pour l’intolérance et la discrimination contre les chrétiens en Europe a reçu environ 1.700 signalements de cas d’intolérance et de discrimination contre les chrétiens sur le vieux continent. Il s’agit d’un phénomène qui attire une attention croissante y compris dans le cadre international.
À ce propos, je désire relever que, déjà en janvier 2015, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a approuvé une Résolution intitulée « Combattre l’intolérance et la discrimination en Europe, en particulier à l’égard des chrétiens » dans laquelle, entre autres choses, les États membres sont invités à prendre des mesures adéquates pour assurer qu’à chaque personne en Europe soit accordée la protection effective de la liberté de religion.
Dans le contexte actuel, il apparaît donc intrinsèquement contradictoire de demander la liberté pour tous et, au nom de cette même liberté, de la nier à certains groupes, spécialement aux groupes religieux. Ce doit donc être un devoir des institutions d’arrêter toute forme de discrimination basée sur l’orientation religieuse et, dans une perspective positive, de promouvoir et protéger la liberté religieuse de la même manière et avec tous les instruments employés pour la défense de tout autre droit fondamental.
Le 25 novembre 2014, le pape François, s’adressant à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, affirmait que « religion et société sont appelées à s’éclairer réciproquement, en se soutenant mutuellement et, si nécessaire, en se purifiant réciproquement des extrémismes idéologiques dans lesquels elles peuvent tomber. La société européenne tout entière ne peut que tirer profit d’un lien ravivé entre les deux réalités, que ce soit pour faire face à un fondamentalisme religieux qui est surtout l’ennemi de Dieu ou pour remédier à une raison « réduite » qui ne rend pas honneur à l’homme ».
Le Saint-Siège, pour sa part, soutient l’opportunité d’un dialogue direct et institutionnalisé entre Autorités civiles et confessions religieuses. Cela vaut au niveau des États mais aussi pour les pouvoirs locaux et pour les Organisations internationales. Un tel dialogue est particulièrement important pour une société multipolaire. En effet, si les religions ne font pas partie de la solution, elles deviennent facilement partie du problème.
7.En conclusion, à plus de quarante ans de l’adoption de l’Acte final d’Helsinki en 1975, il semble à nouveau urgent de se demander à quel point nous nous trouvons aujourd’hui sur le long chemin vers la pleine liberté religieuse.
Le monde travers un moment de grave crise internationale, comme cela ne s’était plus vu depuis la fin du second conflit mondial. Des défis historiques se lèvent à l’horizon de notre société, tandis que les valeurs porteuses de l’humanisme chrétien semblent décliner dans la conscience de beaucoup.
Le risque le plus grave que nous courions, devant des phénomènes de cette portée, est celui de nous renfermer en nous-mêmes, de céder à cette « mondialisation de l’indifférence » si souvent dénoncée par le pape François. C’est pourquoi je désire remercier les organisateurs de ce congrès international, qui offre l’occasion de faire le point de la situation sur la liberté religieuse, sur sa perception en tant que droit fondamental et sur sa mise en œuvre dans la société contemporaine, en transmettant aux nouvelles générations un dépôt fondamental pour édifier un avenir de paix et d’intégration entre les peuples et les cultures. Je vous remercie pour votre attention.
 © Traduction de Zenit, Constance Roques

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Constance Roques

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