Rencontre dans la cathédrale de Milan, 25 mars 2017, capture CTV

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Vie consacrée: la confiance dans le Christ, maître de l’histoire

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Peu nombreux? Comme le levain ou le sel dans la pâte…

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Le pape François invite les personnes consacrées à un acte de confiance dans le fait que le Christ « conduit l’histoire ». Le pape leur recommande de ne pas chercher le nombre, mais d’être levain et sel dans la pâte. Et surtout de combattre la « résignation ».
Après avoir rendu visite à des familles d’un quartier populaire de Milan, le pape François est arrivé à la cathédrale, le « Duomo »,  accompagné de l’archevêque, le cardinal Angelo Scola, samedi, 25 mars 2017. Il est tout d’abord allé se recueillir auprès du Saint-Sacrement et sur le tombeau de saint Charles Borromée (1538-1584). Il a ensuite salué des représentants d’autres confessions présents à la rencontre.
Puis le pape a répondu aux questions d’un prêtre, le père Gabriele Gioia, d’un diacre permanent, Roberto, et d’une religieuse, Mère Maria Paola Paganoni, osc (Ursuline).
« Cela nous fera du bien, a dit notamment le pape aux consacrés, de poser un acte de confiance : c’est Lui qui conduit l’histoire ! C’est vrai. Nous, faisons tout pour grandir, être forts… Mais pas la résignation. Lancer des processus. Aujourd’hui, la réalité nous interpelle – je le répète – la réalité nous invite à être de nouveau un peu de levain, un peu de sel. Vous pouvez penser à un repas avec beaucoup de sel ? Ou une pâte totalement fermentée ? Personne ne la mangerait. Aujourd’hui, la réalité (…) nous appelle à lancer des processus plus qu’à occuper des espaces, à lutter pour l’unité (…), à écouter la réalité, à nous ouvrir « à la masse », au saint peuple de Dieu fidèle, au tout ecclésial. Nous ouvrir au tout ecclésial. »
Le pape invite à « vivre » et non pas à « survivre » comme « une minorité bénie », « invitée à « lever » de nouveau, à lever en harmonie avec ce que l’Esprit Saint a inspiré au cœur de vos fondateurs et dans vos cœurs à vous. Voilà ce qu’il faut aujourd’hui ».
Le pape a ensuite prié l’angélus avec la foule rassemblée sur le parvis de la cathédrale, puis il s’est rendu à la prison de San Vitore, pour le déjeuner avec des détenus, et un temps de repos. Il a ensuite présidé la messe de l’Annonciation et il rencontré les jeunes.
Voici notre traduction intégrale de la réponse du pape François à la sœur ursuline: en partie préparée et en partie d’abondance du cœur.
AB
Message du pape François aux consacrés
Merci. Cela me plaît. J’aime le mot « minorité ». C’est vrai que c’est le charisme des franciscains, mais nous tous aussi nous devons être « mineurs » : c’est une attitude spirituelle qui est comme le sceau chrétien. J’aime que vous ayez employé ce mot. Et c’est à partir de cette dernière parole que je vais commencer : « petitesse », « minorité ».
Normalement, – mais je ne dis pas que ce soit le cas – c’est une parole qui s’accompagne d’un sentiment : « On paraît nombreuses, mais beaucoup sont âgées, nous sommes peu… » Et le sentiment qui est là-dessous, quel est-il ? La résignation. Un sentiment mauvais. Sans nous en rendre compte, à chaque fois que nous pensons ou que nous constatons que nous sommes peu nombreux, ou dans beaucoup de cas âgés, et que nous faisons l’expérience du poids, la fragilité plus que la splendeur, notre esprit commence à être abîmé par la résignation. Et la résignation conduit ensuite à l’acédie… Je vous recommande, si vous avez le temps, de lire ce que les Pères du désert disent de l’acédie : c’est une chose tellement d’actualité aujourd’hui. Je crois que c’est là que naît la première action à laquelle nous devons faire attention : peu, oui, en minorité, oui, résignés, non ! Ce sont des fils très subtils que l’on ne reconnaît que devant le Seigneur en examinant notre intériorité. Lorsqu’il a parlé, le cardinal a dit deux paroles qui ‘nt beaucoup frappé. En parlant de la miséricorde, il a dit que la miséricorde « restaure et donne la paix ». Un bon remède contre la résignation c’est cette miséricorde qui restaure te donne la paix. Quand nous tombons dans la résignation, nous nous éloignons de la miséricorde : allons immédiatement chez quelqu’un – quelqu’une – auprès du Seigneur, demander miséricorde, pour qu’elle nous restaure et nous donne la paix.
Quand nous sommes pris par la résignation, nous vivons avec l’imaginaire d’un passé glorieux, qui, loin de réveiller le charisme initial, nous enveloppe toujours davantage dans une spirale de pesanteur existentielle. Tous se fait plus lourd et plus difficile à soulever. Et, là, ce n’est pas une chose que j’ai écrite, mais je vais la dire, parce que ce n’est pas très beau à dire, mais, excusez-moi, cela arrive, et je vais le dire. Les structures commencent à être lourdes, vides, nous ne savons pas comment faire et nous pensons à vendre les structures pour avoir de l’argent, de l’argent pour la vieillesse… L’argent que nous avons en banque commence à peser… Et la pauvreté, où va-t-elle ? Mais le Seigneur est bon, et quand une congrégation religieuse ne va pas sur la route de la pauvreté, habituellement, il lui envoie un mauvais économe ou une mauvaise économe qui fait tout s’écrouler ! Et cela c’est une grâce ! (Le pape rit et l’assemblée applaudit)
Je disais que tout se fait plus pesant et difficile à soulever. Et la tentation, c’est toujours de chercher des sécurités humaines. J’ai parlé de l’argent, qui est l’une des sécurités plus humaines que nous avons tout près. C’est pourquoi cela nous fait du bien à tous de revisiter les origines, de faire un pèlerinage aux origines, une mémoire qui nous sauve de toute imagination glorieuse, mais irréelle, du passé.
« Le regard de foi est capable de reconnaître la lumière que l’Esprit Saint répand toujours dans l’obscurité, sans oublier que « là où le péché s’est multiplié, la grâce a surabondé » (Rm 5, 20). Notre foi est appelée à voir que l’eau peut être transformée en vin, et à découvrir le grain qui grandit au milieu de l’ivraie. » (Exhort. ap. Evangelii gaudium, 84).
Nos pères et nos mères fondateurs n’ont jamais pensé à être une multitude ou une grande majorité. Nos fondateurs se sentaient mus par l’Esprit Saint à un moment concret de l’histoire pour être une présence joyeuse de l’Evangile pour leurs frères ; à renouveler et édifier l’Eglise comme levain dans la masse, comme sel et lumière du monde. Je pense, il me vient une phrase claire d’un fondateur, mais beaucoup ont dit la même chose : « Ayez peut de la multitude ». Qu’il n’en vienne pas tant, par peur de ne pas bien les former, la peur de ne pas donner le charisme… L’un l’appelait la « turba multa » (foule nombreuse, ndlr). Non. Eux ils pensaient simplement à apporter l’Evangile, le charisme.
Je crois que l’un des motifs qui nous freinent et qui nous enlèvent la joie se trouve dans cet aspect. Nos congrégations ne sont pas nées pour être la masse, mais un peu de sel et un peu de levain, qui aurait donné sa propre contribution pour que la masse grandisse ; pour que le Peuple de Dieu ait cet « assaisonnement » qui manquait. Pendant de nombreuses années nous avons cru et nous avons grandi avec l’idée que les familles religieuses devaient occuper des espaces plus que lancer des processus. Etant donné que nous étions nombreux, que le conflit pouvait m’emporter sur l’unité, que les idées (ou notre impossibilité de changer) étaient plus importants que la réalité, ou que la partie (notre petite partie ou vision du monde) était supérieur à l’ensemble ecclésial (cf. ibid., 222-237).  C’est une tentation. Mais moi je n’ai jamais vu un pizzaiolo qui, pour faire une pizza, prend une livre de levain et 100 grammes de farine, non. C’est le contraire. Peu de levain, pour faire lever la farine.
Aujourd’hui, la réalité nous interpelle, aujourd’hui la réalité nous invite à être de nouveau un peu de levain, un peu de sel. Hier soir, dans L’Osservatore Romano, qui sort le soir mais avec la date d’aujourd’hui, il y a le départ des deux dernières Petites sœurs de Jésus d’Afghanistan, au milieu des musulmans, parce qu’il n’ay avait plus de sœurs et désormais âgées, elles devaient revenir. Elles parlaient l’afghan. Tout le monde les aimait : les musulmans, les catholiques, les chrétiens… Pourquoi ? Parce que témoins. Pourquoi ? Parce que consacrées à Dieu Père de tous. Et j’ai pensé, j’ai dit au Seigneur, en lisant cela – cherchez cela, aujourd’hui, sur L ’Osservatore Romano, cela nous fera penser à ce sur quoi vous avez posé votre question – : « Mais Jésus, pourquoi laisse-tu ces gens comme cela ? » Et il m’est venu à l’esprit le peuple coréen, qui a eu au début trois quatre missionnaires chinois – au début – et ensuite pendant deux siècles le message n’a été porté que par des laïcs. Les voies du Seigneur sont comme il veut qu’elles soient.
Mais cela nous fera du bien de poser un acte de confiance : c’est Lui qui conduit l’histoire ! C’est vrai. Nous, faisons tout pour grandir, être forts… Mais pas la résignation. Lancer des processus. Aujourd’hui, la réalité nous interpelle – je le répète – la réalité nous invite à être de nouveau un peu de levain, un peu de sel. Vous pouvez penser à un repas avec beaucoup de sel ? Ou une pâte totalement fermentée ? Personne ne la mangerait. Aujourd’hui, la réalité – en vertu de nombreux facteurs que nous ne pouvons pas maintenant nous arrêter à analyser – nous appelle à lancer des processus plus qu’à occuper des espaces, à lutter pour l’unité plus que de nous attacher à des conflits passés, à écouter la réalité, à nous ouvrir « à la masse », au saint peuple de Dieu fidèle, au tout ecclésial. Nous ouvrir au tout ecclésial.
Une minorité bénie, qui est invitée à « lever » de nouveau, à lever en harmonie avec ce que l’Esprit Saint a inspiré au cœur de vos fondateurs et dans vos cœurs à vous. Voilà ce qu’il faut aujourd’hui.
Passons à une dernière chose. Je n’oserais pas vous dire vers quelles périphéries existentielles doit se diriger la mission, parce que normalement l’Esprit a inspiré les charismes pour les périphéries, pour aller dans les lieux, dans les angles habituellement abandonnés. Je ne crois pas que le pape puisse vous dire : vous êtes peu nombreuses, peu nombreux, occupez-vous de celle-ci ou de celle-là. Ce que le pape peut vous dire c’est ceci : vous êtes peu nombreuses, vous êtes peu nombreux, vous êtes ce que vous êtes, allez aux périphéries, allez aux confins rencontrer le Seigneur, renouveler la mission des origines, à la Galilée de la première rencontre. Choisissez les périphéries, réveillez des processus, Et cela nous fera du bien à tous, cela nous fera grandir, cela nous fera multitude.
Il me vient maintenant à l’esprit la confusion qu’aura vécu notre Père Abraham. On lui a fait regarder le ciel : « Compte les étoiles ! » Mais il ne pouvait pas. « Ainsi sera ta descendance ». Et puis : « Ton fils unique ». L’unique, l’autre était déjà parti, mais celui-ci avait la promesse : « Fais-le monter sur la montagne et offre-le moi en sacrifice ». De cette multitude d’étoiles, à sacrifier son propre fils : la logique de Dieu ne se comprend pas. On obéit seulement. Et voilà la route que vous devez prendre. Choisissez les périphéries, réveillez les processus, allumez l’espérance éteinte et affaiblie d’une société qui est devenue insensible à la douleur des autres. Dans notre fragilité, en tant que congrégations, nous pouvons nous rendre plus attentifs à tant de fragilités qui nous entourent t les transformer en espace de bénédiction. C’est le moment où le Seigneur vous dira : « Arrête, il y a un chevreau, là. Ne sacrifie pas ton fils unique ».
Allez et apportez « l’onction » du Christ, allez ! Je ne suis pas en train de vous chasser ! Je vous dis seulement : aller apporter la mission du Christ, votre charisme.
Et n’oublions pas que « quand on place Jésus au milieu de son peuple, le peuple trouve la joie. Oui, cela seul pourra nous rendre la joie et l’espérance, cela seul nous sauvera de vivre dans une attitude de survie : non, s’il vous plaît, cela c’est de la résignation. Non pas survivre, vivre ! Cela seul rendra notre vie féconde et maintiendra notre cœur vivant.  Mettre Jésus là où il doit être : au milieu de son peuple» (Homélie, Messe de la Présentation du Seigneur, XXIe Journée mondiale de la vie consacrée, 2 février 2017). Voilà votre tâche. Merci, mère. Merci.
Et maintenant, prions ensemble. Je vais vous donner la bénédiction et je vous demande, s’il vous plaît, de prier pour moi, parce que j’ai besoin d’être soutenu par les prières du peuple de Dieu, des consacrés et des prêtres. Merci beaucoup.
Prions.
© Traduction de ZENIT, Anita Bourdin

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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