Un nouvel humanisme européen
« L’Union Européenne n’a pas devant elle une vieillesse inévitable, mais la possibilité d’une nouvelle jeunesse, a déclaré le pape. Son succès dépendra de la volonté de travailler une fois encore ensemble et de la volonté de parier sur l’avenir. Il vous reviendra, en tant que dirigeants, de discerner la voie d’un ‘nouvel humanisme européen’, fait d’idéaux et de choses concrètes. Cela signifie ne pas avoir peur de prendre des décisions efficaces, en mesure de répondre aux problèmes réels des personnes et de résister à l’épreuve du temps. »
Le pape, qui s’est exprimé en italien, et debout, a évoqué les « Pères de l’Europe » et il a invité les Européens à se laisser « provoquer par leurs paroles, par l’actualité de leur pensée, par l’engagement passionné pour le bien commun qui les a caractérisés, par la certitude de faire partie d’une œuvre plus grande que leurs personnes et par la grandeur de l’idéal qui les animait ». Il a rappelé que l’Europe ne peut être réduite à un ensemble de règlements contraignants, ni « les idéaux fondateurs aux nécessités productives, économiques et financières ».
« Leur dénominateur commun était l’esprit de service, uni à la passion politique et à la conscience qu’ ‘à l’origine de [cette] civilisation européenne se trouve le christianisme’, sans lequel les valeurs occidentales de dignité, de liberté, et de justice deviennent complètement incompréhensibles », a affirmé notamment le pape.
Il a invité à un « discernement », à « discerner les voies de l’espérance », et il a posé la question de l’avenir, sur fond de crises – économie, famille, migrants… – : « Quelle est (…) la clef d’interprétation avec laquelle nous pouvons lire les difficultés du présent et trouver des réponses pour l’avenir ? Le rappel de la pensée des Pères serait, en effet, stérile s’il ne servait pas à nous indiquer un chemin, s’il ne se faisait pas stimulation pour l’avenir et source d’espérance. »
L’antidote aux populisme modernes
Il a plaidé pour une authentique « laïcité », pour une « harmonie » qui ne soit pas « uniformité », et pour « un bien plus grand » qui soit un bienfait pour tous.
Et il a balisé pour l’Europe un chemin « d’espérance » à partir des « piliers » identifiés. Il a invité aux gestes « concrets » de la solidarité « qui est aussi le plus efficace antidote contre les populismes modernes ». « L’Europe retrouve l’espérance lorsqu’elle ne s’enferme pas dans la peur et dans de fausses sécurités », a martelé le pape. Il a salué l’identité « dynamique et multiculturelle » de l’Union et il a invité au « dialogue ».
Il a offert cette définition de l’Europe: « L’Europe a un patrimoine d’idéaux et de spiritualité unique au monde qui mérite d’être proposé à nouveau avec passion et avec une fraîcheur renouvelée et qui est le meilleur antidote contre le vide de valeurs de notre temps, terrain fertile pour toute forme d’extrémisme. »
« L’Europe retrouve l’espérance lorsqu’elle investit dans le développement et dans la paix », a continué le pape, et « il n’y a pas de paix là où manquent le travail et la perspective d’un salaire digne » !
Il a conclu par un appel pour les jeunes, la famille et la vie: « L’Europe retrouve l’espérance lorsqu’elle s’ouvre à l’avenir. Lorsqu’elle s’ouvre aux jeunes, en leur offrant de sérieuses perspectives d’éducation, de réelles possibilités d’insertion dans le monde du travail. Lorsqu’elle investit dans la famille, qui est la première et fondamentale cellule de la société. Lorsqu’elle respecte la conscience et les idéaux de ses citoyens. Lorsqu’elle garantit la possibilité d’avoir des enfants, sans la peur de ne pas pouvoir les entretenir. Lorsqu’elle défend la vie dans toute sa sacralité. »
C’est la quatrième fois en quatre ans de pontificat, que le pape François offre une vision pour l’avenir de l’Europe, après les discours de Strasbourg, le 25 novembre 2014, au Parlement et au Conseil de l’Europe, où il s’est adressé à 900 millions d’Européens, et le Prix Charlemagne, le 6 mai 2016.
Le pape a reçu 27 chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union européenne – dont le président français, François Hollande, qui a embrassé le pape, au terme des discours, et la chancelière allemande, Angela Merkel – et leurs délégations, dans la Sala Regia du palais apostolique du Vatican, en présence de représentants des Institutions européennes, M. Antonio Tajani, président du Parlement, M. Donald Tusk, président du Conseil européen, M. Jean-Claude Junker, président de la Commission européenne, Mme Federica Mogherini, ministre des Affaires étrangères de l’Union.
Le pape a pris la parole après l’allocution de M. Tajani – en italien, évoquant la vocation de « servir » en politique – et du président du Conseil italien, M. Paolo Gentiloni, qui a évoqué – s’exprimant en italien puis anglais – l’assassinat du père Jacques Hamel et l’attentat de Londres, que le pape a aussi mentionné à propos de la solidarité.