Même les enfants peuvent être canonisés, par l'abbé Thierry Lelièvre

Même les enfants peuvent être canonisés, par l'abbé Thierry Lelièvre

«Même les enfants peuvent être canonisés», par l’abbé Lelièvre

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L’héritage transmis par Francisco et Jacinta Marto

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L’abbé Hubert Lelièvre, Délégué épiscopal à la famille du diocèse d’Avignon publie ces jours-ci un livre : « Osez le Bonheur pour vos enfants » (éd. du Peuple Libre), encourageant les familles à la sainteté. Il réagit ici à la prochaine possible canonisation des pastoureaux de Fatima par le pape François en mai 2017, lors de son pèlerinage pour le Centenaire des apparitions. Son frère, le regretté abbé Thierry Lelièvre, avait publié chez Téqui sa thèse : « Même les enfants peuvent être canonisés ».
ZENIT – Le pape François a autorisé la promulgation d’un décret reconnaissant un miracle comme dû à la prière des pastoureaux de Fatima, Jacinta et Francisco Marto, ce qui ouvre la voie à leur canonisation – mais il faut attendre le consistoire, après Pâques, pour la décision finale -. Quels sont vos sentiments ?
Abbé Hubert Lelièvre – La canonisation est la cérémonie la plus solennelle de l’Église catholique. En effet, l’Église reconnaît qu’un/e de ses fils/fille se trouve au Ciel, au Paradis, dans la Gloire de Dieu. Innombrables sont les âmes dans la Gloire de Dieu. Une foule que nul ne peut dénombrer. Mais Dieu veut que certains de ses enfants soient élevés à la « Gloire des autels ».
Pourquoi ?
La canonisation, c’est le Ciel qui s’ouvre sur la terre pour dire aux habitants de la terre, à travers ces visages de sainteté comme François et Jacinthe, de regarder vers le Ciel. Pour leur rappeler qu’ils sont en pèlerinage sur la terre. Qu’ils sont faits pour le Ciel. La canonisation se fait en général au cœur même de la Messe : le Pain vivant descend du Ciel pour nourrir nos âmes en chemin vers le Ciel. Pour nourrir notre vie chrétienne, la fortifier pour que chacun devienne saint, c’est-à-dire réponde à sa vocation personnelle, à cet  intense regard d’Amour de Dieu sur chacun de nous. Oui, je suis fait pour le Ciel.
Le miracle, requis pour une béatification puis pour une canonisation, c’est comme une parole, un signe de Dieu ?
Exactement. Le miracle retenu pour la béatification ou pour la canonisation est la parole à travers laquelle Dieu parle et s’adresse aux membres de l’Eglise qui sont sur la terre : « Oui, François et Jacinthe » sont dans la Gloire. Dans la Béatitude. Et Dieu exprime sa propre joie en nous comblant de joie par cette visite du Ciel avec la guérison instantanée, durable, à travers l’intercession. Nous demandons à Dieu, à travers François et Jacinthe une grâce de guérison.
Votre regretté frère l’abbé Thierrey Lelièvre avait travaillé dans sa thèse de droit canon sur la possibilité que des enfants soient proclamés saints …
Oui, mon frère, prêtre au Ciel depuis le 30 mars 2010,  avait réalisé des travaux importants répondant comme à un appel intérieur et il avait publié une thèse en droit canon.  A l’époque, au début des années 80, le titre était : « Les enfants peuvent-ils être canonisés ? » (éd Téqui). Puis, 20 ans plus tard, il a réédité sa thèse avec ce titre : « Même les enfants peuvent être canonisés ».
En quoi consistait son travail ?
En lisant la vie des enfants non-martyrs et n’ayant pas encore atteint l’âge de la majorité (21 ans à l’époque), mon frère était habité par cette conviction que la sainteté était possible. Au fond,  il surprenait Dieu, à travers ces vies d’enfants, c’est-à-dire que la grâce était à l’œuvre dans les âmes et que ces enfants étaient capables non seulement d’actes héroïques ponctuels, mais d’une vie héroïque pendant un certain temps de leur toute jeune vie. La vie de foi, d’espérance et de charité, vécue de manière héroïque. De telle sorte aussi que ces toutes jeunes vies puissent être données en exemple aux enfants, aux familles, aux éducateurs.
Quel était le principal obstacle – même canonique – à la canonisation d’enfants? On ne les considérait pas adultes dans la foi?
On hésitait pour savoir si à 5 ans, 8 ans ou 15, les jeunes pouvaient avoir vécu une ou les vertus d’une façon « héroïque ». Thierry a cherché à démontrer que oui et il apporte un certain nombre d’éléments pour faire tomber ce doute ou cette question et ouvrir ainsi la voie vers la béatification, la canonisation d’enfants.
Ils sont nombreux ces visages de sainteté d’enfants ?
Depuis  saint Dominique Savio, mort à 14 ans et demi, canonisé en 1954, et Jeanne d’Arc, morte à 19 ans et canonisée en 1920, aucune canonisation d’enfant, de jeune de moins de 21 ans. Mon frère a établi une liste des causes de canonisation en cours. Avec le point où en était le procès. En 2005, il y avait 31 causes ouvertes de jeunes « confesseurs » de la foi. Cette thèse de droit canon, qui fait référence, a permis vraiment que l’Eglise s’engage à donner des exemples de sainteté vécue dans l’enfance, l’adolescence. Ainsi, saint Jean-Paul II a par exemple béatifié Laura Vicuña (morte à 12 ans et demi, béatifiée le 3 septembre 1988) et Ceferino Namuncurá Burgos (d’Argentine, mort à 18 ans et demi ; béatifié en 2011). Et puis bien sûr, François et Jacinthe, béatifiés le 13 mai 2000, par saint Jean-Paul II aussi, à Fatima.
Plus récents encore ?
De nombreux procès sont ouverts. Dans les diocèses. Ou bien après clôture du procès diocésain, à Rome. Ainsi, il y a Silvio Disegna mort d’un cancer à l’âge de 12 ans, en 1979, vénérable depuis le 7 novembre 2014. Puis Carlo Acutis, mort en 2006 à l’âge de 15 ans,  serviteur de Dieu, dont la cause diocésaine (Milan) s’est terminée en novembre 2016. Le 24 avril prochain se clôturera le procès diocésain (Brindisi) d’un jeune italien mort le 24 avril 2009 à l’âge de 19 ans, Matteo Farina. Et puis, comment ne pas parler du serviteur de Dieu, Giuseppe Italico, mort à l’âge de 13 ans le 4 février 1941 offrant sa vie pour que guérisse la femme qui l’avait adopté ; ou Antonietta Meo, morte à l’âge de 6 ans et demi, vénérable depuis le 17 décembre 2007.  Il faudrait plusieurs pages pour parler de tous ces visages de sainteté d’enfants, d’adolescents, de jeunes. Le Père Daniel Ange en a écrit des ouvrages.
Qu’est-ce que cela veut dire pour nous, aujourd’hui ?
Il me souvient avoir parlé de la sainteté chez les enfants avec saint Jean-Paul II lorsqu’il est venu consacrer l’église où j’étais vicaire. Nous parlions avec mes frères prêtres de l’âge de la Première Communion des enfants. Jean-Paul II nous parlait de ce qu’avait dit saint Pie X qui demandait que l’enfant fasse tôt sa Première communion : « Il y aura des saints chez les enfants », ou de saint Jean Bosco. Et quelques mois plus tard, il en fit une catéchèse, un mercredi de juillet 1994.
Ne nous voilons pas la face : nous traversons un moment particulièrement difficile de l’Histoire. Mais, il y a d’innombrables saints dans nos familles, aujourd’hui encore. Aujourd’hui surtout. Je suis témoin de la sainteté dans les âmes d’enfants, d’adolescents, de jeunes, fidèles à leur Baptême. Sûrement, elle est favorisée par la prière en famille, par la Messe vécue en famille le dimanche.
François et Jacinthe seront probablement canonisés à Fatima par le pape François – Laura Vicuna est morte à Buenos Aires ! -, au moment du centenaire des apparitions…
« Celui qui penserait que le message prophétique de Fatima serait terminé, se tromperait », disait Benoît XVI dans son homélie à Fatima le 13 mai 2010. La canonisation de François et Jacinthe, sont un immense cadeau pour chaque famille, pour chaque enfant, pour chaque paroisse, chaque école, chaque diocèse. D’abord par la place qu’ils ont acceptés que la Vierge Marie prenne dans leur vie personnelle et familiale, pour les conduire à Jésus. Nous est montrée avec insistance la puissance de la prière du chapelet en famille! La puissance transformatrice du sacrifice. L’extraordinaire fécondité de la prière des enfants ! Si nous voulons que les choses changent dans notre société, je dois d’abord accepter de me laisser conduire par la Vierge Marie, vers Jésus. Par la prière du chapelet en premier lieu.
Quel est pour le baptisé aujourd’hui l’héritage le plus important transmis par François et Jacinthe?
Tenons, tenons notre chapelet dans nos mains. Donnons des chapelets autour de nous ! Et prions-le ! Il a la puissance de changer le cours de l’Histoire… si nous le voulons. Quelle responsabilité personnelle, familiale ! La Sainte Vierge aurait pu nous demander quelque chose de compliqué, de dur pour changer le monde. Nous l’aurions fait ! Elle nous demande quelque chose de tout simple qui touche le cœur : de prier le chapelet, chaque jour.  Pourquoi tant de réticence, de résistance, d’indifférence, de doute quant à son pouvoir de toucher les âmes et d’écrire des pages d’espérance en notre temps, en sortant du fatalisme dans lequel trop de catholiques se trouvent. Ne le quittons pas des mains, à l’exemple de saint Jean-Paul II ou de Mère Teresa. Ave après Ave, c’est la Vierge Marie qui nous donne la main pour avancer sur le chemin de la sainteté. C’est moi qui donne la main à ma Mère du Ciel pour rester fidèle à Jésus.

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Anita Bourdin

Journaliste française accréditée près le Saint-Siège depuis 1995. Rédactrice en chef de fr.zenit.org. Elle a lancé le service français Zenit en janvier 1999. Master en journalisme (Bruxelles). Maîtrise en lettres classiques (Paris). Habilitation au doctorat en théologie biblique (Rome). Correspondante à Rome de Radio Espérance.

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